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Syndrome du canal carpien, pourquoi sommes-nous négligés du parcours de soin ? 2/3

 Syndrome du canal carpien, pourquoi sommes-nous négligés du parcours de soin ? 

Par Bryan Littré, remerciements et aide à la relecture : Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke, Marie Akrich, Antoine Massuleau, Benjamin Heng

Un tryptique d’enjeux : sociétal, économique et sanitaire

Maintenant, nous entrons dans le vif du sujet. Nous allons parler gros sous et crise sanitaire. 

Les soins pris en charge pour le SCC représentent 2 milliards de dollars dépensés par an depuis 2006 aux USA. Mais on n’a pas élu Donald Trump donc ça coûte moins cher pour nous.

Stapleton MJ. Occupation and carpal tunnel syndrome. Anz Journal of Surgery. 2006 Jun;76(6):494–496

Le syndrome du canal carpien représente le syndrome canalaire neurologique le plus fréquemment diagnostiqué. C’est le trouble musculo-squelettique (TMS) le plus fréquent dans la plupart des pays européens, aux États-Unis et au Canada. En France, l’incidence annuelle du diagnostic varie selon les études et les pays, estimée à 3,8 /1000 dans la population générale, elle est de 1 à 2/1000 chez les hommes, 4 à 5/1000 chez les femmes, avec un pic entre 40 et 60 ans. La prévalence du syndrome du canal carpien est de 14 % chez les diabétiques sans polyneuropathie contre 30 % parmi ceux qui présentent une polyneuropathie. L’incidence du syndrome du canal carpien au cours de la grossesse varie selon les études de 7 à 62 % et régresse après l’accouchement dans la majorité des cas.

En 2006, le syndrome du canal carpien constituait 37 % des maladies professionnelles indemnisables au titre du tableau 57 et environ 80 % de la totalité ́ des maladies professionnelles indemnisées. 

Dans la population salariée, 4% des femmes et 2,4% des hommes sont concernés, cette proportion double pour les salariés de plus de 50 ans.

La fraction de risque du Syndrome du Canal Carpien attribuable au travail est particulièrement élevée parmi les ouvriers (34%) et les ouvrières (15%).

Les coûts relatifs sont en grande partie liés aux arrêts de travail et à la prise en charge chirurgicale (GHM6 et GHM761).

  • Le nombre de nouveaux cas par an est estimé à 0,3% de la population. (200 000 personnes par an )
  • On note une forte hausse de cette incidence depuis les années 90.
  • Il touche plus les femmes que les hommes. On estime actuellement à 141 000 le nombre d’interventions réalisées pour 127 000 patients opérés par an. (2014) Donc 141 000 interventions pour 200 000 nouveaux cas par an. 
  • Le syndrome du canal carpien est la 2e pathologie reconnue en maladie professionnelle (après les pathologies de la coiffe des rotateurs) avec, pour le régime général de la sécurité sociale, 12 792 reconnaissances en maladie professionnelle ayant donné lieu à une première indemnisation en 2017. Cependant, la sous-déclaration en maladie professionnelle a été estimée en 2011 à 60 %.

http://www.moncanalcarpien.org/1_3_epidemiologie.html

https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/syndrome-canal-carpien/comprendre-syndrome-canal-carpien#:~:text=Le%20syndrome%20du%20canal%20carpien%20est%20fr%C3%A9quent,entre%2060%20et%2070%20ans.

https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-liees-au-travail/troubles-musculo-squelettiques/donnees/syndrome-du-canal-carpien

En termes de coûts pour la sécurité sociale, le prix de remboursement d’une opération par le régime de sécurité sociale est de 162€ en moyenne, comprenant acte chirurgical (104€) et anesthésie (58€). Cependant les dépassements d’honoraires semblent fréquents, ce qui impacte directement le budget des patients ainsi que celui des mutuelles. Dans le n°1043 de décembre 2009, Le Particulier publie les dépassements d’honoraires pratiqués dans les principales cliniques françaises pour les actes chirurgicaux les plus fréquents, dont le SCC. Cette étude est effectuée sur 153 zones géographiques différentes. Il semblerait qu’en 2009, 62% des opérations liées au SCC donnent lieu à des dépassements d’honoraires entre 49 et 542€. 

Les vrais tarifs des cliniques. Le Particulier . Décembre 2009. [Consulté le 16/01/2017]. N° 1043.p62-74. Consultable à l’URL : https://www.santeclair.fr/web/sites/santeclair.fr/files/document. 

A ces coûts, s’ajoutent évidemment les coûts proportionnels aux journées d’arrêt de travail des gens opérés, qui varie entre 30 et 44 jours ainsi que le coût des évaluations par électroneuromyogramme (ENMG), les infiltrations si le patient en a eu auparavant, les actes masso-kinésithérapiques post-chirurgicaux (lorsqu’il y a des complications que les kinés doivent prendre en charge comme les SDRC ou les lésions nerveuses), les journées et nuitées sur place etc … 

Une étude plus approfondie des coûts de la prise en charge française d’un SCC, par Tuppin et al (2008), montre que : «  Le coût des interventions pris en charge par l’ensemble des régimes d’assurance maladie en 2008 était de 108 millions d’euros. Pour les personnes âgées de 18 à 59 ans primo-opérés au second semestre 2008, 875 707 journées d’arrêt de travail ont été indemnisées soit 31,7 millions d’euros pour un semestre pour le seul régime général, dont 52 % pour le risque accident du travail/maladie professionnelle (AT/MP), soit 16,6 millions d’euros. Le coût des journées indemnisées pour les durées d’arrêt supérieures à  56 jours était de 22,6 millions d’euros, dont 14,3 millions d’euros pour le risque AT/MP. Par extrapolation sur un an, à l’ensemble des personnes opérées en 2008 et affiliées au seul régime général, le coût global des arrêts de travail était donc respectivement de l’ordre de 81 millions d’euros, dont 42 millions pour le risque AT/MP et, pour les arrêts supérieurs à 56 jours, il était de 58 millions d’euros, dont 37 millions d’euros pour le risque AT/MP ».

108+81 = 189 M € et cela uniquement pour la sécurité sociale. Donc aux organismes de mutuelle : vous aussi cela peut vous intéresser de lire tout ce billet jusqu’à la fin. 

Tuppin P, Blotière P-O, Weill A, Ricordeau P, Allemand H. Syndrome du canal carpien opéré en France en 2008 : caractéristiques des malades et de leur prise en charge. Rev Neurol (Paris) 2011;167:905–15. 

Shan RLP, Nicolle M, Chan M, Ashworth N, White C, Winston P, et al. Electrodiagnostic Testing and Treatment for Carpal Tunnel Syndrome in Canada. Can J Neurol Sci 2016;43:178–82.

Ce qui semble surprenant par contre c’est que pour une incidence et une prévalence similaire observée par les systèmes de santé, en Angleterre le taux d’opération est très en deçà du taux de SCC opérés en France ( -30% d’opérations pour chaque cas observé par la NHS en United Kingdom vs 70 % d’opérations pour chaque cas observé par la sécurité sociale en  France) 

BURTON, Claire L., CHEN, Ying, CHESTERTON, Linda S., et al. Trends in the prevalence, incidence and surgical management of carpal tunnel syndrome between 1993 and 2013: an observational analysis of UK primary care records. BMJ open, 2018, vol. 8, no 6, p. e020166.

Peut-être avons-nous le coup de bistouri facile ? L’accessibilité des soins est facilitée en France ? L’Angleterre incorpore les physiothérapeutes dans le parcours de soin ?  Peu importe la ou les justifications derrière ces données, nous pouvons constater que la prise en charge de ce trouble est extrêmement coûteuse en France. Nous explorerons la partie économique plus en détail lorsque nous verrons que nous les kinésithérapeutes, pouvons faire économiser des dizaines de millions d’euros à la sécurité sociale.

 

La prise en charge du SCC dépend grandement de comment nous comprenons ce trouble et l’idée que l’on a de ce dernier. Cependant une image erronée du trouble peut amener à des réponses inadaptées au niveau des soins proposés. 

Le SCC, est-ce une compression ? 

En effet, il est pertinent de se demander face à un patient présentant un SCC si celui-ci est secondaire à quelque chose de plus grave.

Afin d’illustrer mon propos voici un tableau montrant les diagnostics différentiels auxquels penser lorsque nous sommes face à des douleurs similaires au SCC ou similaires à des sciatalgies. 

Toutes ces atteintes peuvent mimer une simple mononeuropathie compressive au niveau du poignet, pourtant vous réalisez bien qu’un SCC lié à une sclérose en plaque est différent d’un SCC lié à une compression. Grâce à l’étude du diabète et de ses conséquences, nous avons des données nous permettant de dire que des différences se retrouvent au sein de la physiopathologie, de la validité des examens cliniques diagnostics comme l’échographie ou dans le potentiel de récupération suite à une opération, entre un SCC idiopathique compressif ou un SCC secondaire à un diabète 

Dit autrement, un SCC secondaire à un diabète, un SCC lié à une sténose vasculaire, un SCC idiopathique ou un SCC lié à des troubles thyroïdiens … NE SE VALENT PAS. Et ce au niveau du diagnostic, du pronostic et quelques fois au niveau du traitement le plus efficient permettant de gérer ce trouble. Certaines atteintes amenant à un SCC génèrent une altération métabolique ou des systèmes vasculaires et/ou nerveux, qui s’exprimera en SCC ( neuropathie dégénérative centrale, diabète, troubles thyroïdiens, intoxication médicamenteuses / pathologie de surcharge ou trop de contraintes au niveau du poignet ). 

Pourquoi autant de détails ? Car sinon nous n’aurons que des problèmes mal posés et des solutions multiples, ou dit autrement: c’est bien un syndrome qui peut soit rester seulement syndrome et idiopathique, soit être associé à de potentielles maladies bien plus graves à diagnostiquer et/ou si connues à prendre en charge différemment selon le contexte

De ce fait, certains auteurs et chercheurs émettent un doute justifiable quant à l’importance et l’utilité de l’opération pour bon nombre de patients.

Voici dans les tableaux ci-dessous, les différences histologiques observées lors de biopsies chez des patients atteints de SCC selon leur pathologie sous-jacente.

TAŞER, Figen, DEĞER, Ayşe Nur, et DEĞER, Hakkı. Comparative histopathological evaluation of patients with diabetes, hypothyroidism and idiopathic carpal tunnel syndrome. 2017.

TSAI, Nai-Wen, LEE, Lian-Hui, HUANG, Chi-Ren, et al. The diagnostic value of ultrasonography in carpal tunnel syndrome: a comparison between diabetic and non-diabetic patients. BMC neurology, 2013, vol. 13, no 1, p. 65.

CHEN, Jeng, CHANG, Ke-Vin, LOU, Yueh-Ming, et al. Can ultrasound imaging be used for the diagnosis of carpal tunnel syndrome in diabetic patients? A systemic review and network meta-analysis. Journal of neurology, 2020, vol. 267, no 7, p. 1887-1895.

THOMSEN, Niels OB et DAHLIN, Lars B. Vibrotactile sense 5 years after carpal tunnel release in people with diabetes: A prospective study with matched controls. Diabetic Medicine, 2020, p. e14453.

De ces observations et suite à des biopsies, on observe qu’une partie de la population semble avoir des prédispositions à avoir des troubles vasculaires et nerveux. Par exemple, l’analyse des nerfs interosseux postérieurs chez des patients diabétiques ayant un SCC avec ou sans polyneuropathies, ainsi que chez des patients ayant un SCC idiopathique, comparativement à un groupe contrôle n’ayant pas de SCC (Thomsen et al en 2009) :

  • Des différences dans la densité des fibres myélinisées 
  • Des différences dans la densité des capillaires sanguins 

Les auteurs énoncent  qu’il existe un rôle important de prédispositions génétiques dans l’apparition des neuropathies et des névralgies. 

Cela est également confirmé par d’autres données qui s’intéressent à l’expression des facteurs de croissance nerveuse, vasculaire, collagénique.

 THOMSEN, Niels OB, MOJADDIDI, Moaz, MALIK, Rayaz A., et al. Reduced myelinated nerve fibre and endoneurial capillary densities in the forearm of diabetic and non-diabetic patients with carpal tunnel syndrome. Acta neuropathologica, 2009, vol. 118, no 6, p. 785-791.

SHARMA, Deepankshi, JAGGI, Amteshwar Singh, et BALI, Anjana. Clinical evidence and mechanisms of growth factors in idiopathic and diabetes-induced carpal tunnel syndrome. European journal of pharmacology, 2018, vol. 837, p. 156-163.

Nous devrions donc parler DES SCC plutôt que DU SCC car ce terme regroupe une multitude de diagnostics et de causes sous-jacentes bien différents. 

Un SCC n’est donc pas qu’une mononeuropathie compressive du nerf médian au niveau du carpe, comme ce que laisse penser le terme employé usuellement. Si vous vous demandez pourquoi autant entrer dans les détails pour ce type d’atteinte, c’est parce que : mieux nous connaissons ce problème, mieux nous pouvons traiter précisément ce problème.  Un SCC lié à un trouble thyroïdien pourrait probablement plus bénéficier d’une infiltration au vu des données préliminaires qu’un SCC lié à une surcharge mécanique dû à l’activité, mais ce n’est qu’une supposition et il faudrait pouvoir vérifier cela en réalisant une stratification et des ECR selon les sous-groupes identifiables.

Si je devais faire un parallèle avec une appellation qui a été remise en question : le conflit sous-acromial, dont la meilleure compréhension du problème nous amène à nous rendre compte qu’une acromioplastie n’est pas la meilleure solution pour des douleurs dans la région de l’épaule. 

Car rien ne prouve que la « compression des tendons par l’acromion » soit un facteur prédominant dans les problèmes d’épaules, comme ce qu’a émis comme hypothèse Neer en 1972.

Il en est de même pour le SCC et les données cliniques nous montrent que la chirurgie n’est pas la meilleure solution dans toutes les circonstances (vous le verrez dans la dernière partie de ce billet).

Voici un exemple marquant qui je l’espère vous fera prendre conscience de l’importance de ne pas sauter sur l’occasion pour se faire opérer, car le problème n’est pas tout le temps localisé au poignet.

C’est l’histoire de l’amputation des doigts d’une patiente italienne suite à une erreur diagnostique.

En effet, cette patiente a eu une occlusion de son artère humérale suite à la position opératoire pour un SCC. Sauf que cette patiente avait  en réalité une côte cervicale supplémentaire amenant à une sténose de l’artère subclavière. Cette sténose vasculaire a amené à un SCC qui n’est qu’une traduction clinique. Le problème n’était absolument pas au niveau du poignet et cette patiente a eu une opération pour libération de son nerf médian au niveau de son canal carpien. Comme les symptômes se sont aggravés elle est retournée aux urgences ils l’ont ensuite opéré pour sa sténose vasculaire humérale amenant à une nécrose de ses doigts, une résection d’une côte accessoire supplémentaire et une amputation.

 Aurions-nous pu éviter ce drame ? Peut-être mais nous reviendrons dans un prochain billet sur les troubles vasculaires. 

TIENGO, Cesare, MONTICELLI, Andrea, BONVINI, Stefano, et al. Critical upper limb ischemia due to brachial tourniquet in misdiagnosed thoracic outlet syndrome after carpal tunnel decompression: a case report. World Journal of Plastic Surgery, 2017, vol. 6, no 3, p. 375.

En Octobre 2020, j’ai référé en vue d’une angiographie une patiente envoyée par un centre anti-douleur car cliniquement, au vu des connaissances actuelles et les tests cliniques effectués, tout m’orientait vers un trouble vasculaire. 

Je ne peux malheureusement pas partager l’audio de son parcours chaotique (fichier audio de +20minutes trop lourd). Cela reste cependant extrêmement intéressant concernant l’errance thérapeutique qu’elle a subi durant 2 longues années,  car il y avait également les jeux d’influence entre les différents professionnels de santé qui ne sont pas d’accord entre eux et son ressenti, son expérience personnelle en tant qu’acteur central mais impuissant face à la situation.

Pour l’anecdote c’est la 3ème patiente que je réfère pour une douleur d’épaule/bras en vue d’un examen vasculaire et qui se fait opérer rapidement alors qu’elles étaient toutes en errance thérapeutique et que certains médecins les avaient étiquetés comme ayant une “tendinite”, “névralgie cervico-brachiale”, ou une “épaule gelée”.

Ce 8 Février, j’ai reçu une patiente pour tendinite de Quervain, cependant même si la localisation semblait pertinente ainsi que la manière dont était déclenchée la douleur, la patiente présente une névralgie avec neuropathie ( +hyperalgésie + wind-up  + hypoesthésie des petites fibres) . Ce qui m’a permis de le savoir ? Les tests neuro bien menés et les tests neurodynamiques ( que nous verrons dans la 3ème partie). Le traitement pour elle ? Travailler avec des mouvements de nuque semble modifier ses marqueurs de manière importante sans irriter son poignet pour le moment donc on commence par cela et nous verrons l’évolution afin d’ajuster le traitement selon cette patiente.

Que retenir ? Se méfier des « syndromes » en étant rigoureux lors de son examen clinique afin d’exclure les diagnostics pouvant nécessiter une prise en charge spécifique. Améliorer ses connaissances peut permettre d’améliorer le parcours de soin (et surtout éviter de faire des erreurs) des patients ayant des troubles atypiques ou pouvant ressembler à des schémas cliniques flous.

Le SCC Classique 

 Nous observons bien sûr une augmentation de la pression intra canalaire chez de nombreux patients atteints de SCC idiopathiques lorsque les autres atteintes sont écartées.  Cette augmentation de pression est retrouvée au repos, ainsi que lors des activités nécessitant des mouvements de la main. Elle peut en partie s’expliquer par de la fibrose non inflammatoire, menant à une perte de mobilité transversale du nerf lors des mouvements. Étant donné qu’il y a moins de mouvement, la pression augmente. Cependant c’est la pression intra-neurale qui est la plus corrélée avec une altération de la fonction nerveuse lors d’une neuropathie compressive, et non la pression au sein du canal carpien. 

Erel E, Dilley A, Greening J, Morris V, Cohen B, Lynn B. Longitudinal sliding of the median nerve in patients with carpal tunnel syndrome. Journal of Hand Surgery (British and European Volume). 2003;28(5):439-43.

AHN, Seong Yeol, HONG, Youn-Ho, KOH, Young Hwan, et al. Pressure measurement in carpal tunnel syndrome: correlation with electrodiagnostic and ultrasonographic findings. Journal of Korean Neurosurgical Society, 2009, vol. 46, no 3, p. 199.

GOSS, Ben C. et AGEE, John M. Dynamics of intracarpal tunnel pressure in patients with carpal tunnel syndrome. The Journal of hand surgery, 2010, vol. 35, no 2, p. 197-206.

 LEE, Ho Jin, KIM, Il Sup, SUNG, Jae Hoon, et al. Intraoperative dynamic pressure measurements in carpal tunnel syndrome: Correlations with clinical signs. Clinical neurology and neurosurgery, 2016, vol. 140, p. 33-37.

CORACI, Daniele, SANTILLI, Valter, et PADUA, Luca. Reply to “Intraoperative dynamic pressure measurements in carpal tunnel syndrome: Correlations with clinical signs”. Clinical Neurology and Neurosurgery, 2016, vol. 100, no 143, p. 161.

L’augmentation de pression agit comme une force compressive qui induit une ischémie neurale, et en élevant la pression cela cause des altérations de la pression au sein des capillaires, des œdèmes et des obstructions du système artériel du nerf .

L’opération est utile et diminue grandement la pression intra-canalaire, il est donc compréhensible que l’opération soit recommandée lorsque nous avons en tête que la pression intra-canalaire est le mécanisme principal dans l’apparition et le maintien du SCC. Cependant, les dernières données cliniques en lien avec le SCC semblent montrer que le traitement chirurgical n’est pas meilleur que le traitement kiné, qui lui ne semble pas diminuer la pression intra canalaire…

 

Nous en reparlerons plus tard dans les détails, mais bonne nouvelle pour les patients: pas besoin de se faire opérer constamment et d’autres solutions existent! Bonne nouvelle pour les médecins vous pouvez prescrire un traitement efficace avant une opération qui coûte un peu plus chère à la sécurité sociale et montre des effets secondaires rares mais dramatiques. Bonne nouvelle pour les kinés, vous pouvez aider des patients qui ont eu jusqu’à maintenant des solutions encore trop peu adaptées au plus grand nombre. Bonne nouvelle pour les chirurgiens, vous pourrez prendre plus de vacances.

 Le traitement conservateur est indiqué dans les cas du SCC avant la prise en charge chirurgicale par l’ « American Academy of Orthopeadic Surgeon ». Cependant la prise en charge par un physiothérapeute (nos homologues) semble ne pas être dans les mœurs des prescripteurs, en France ou à l’étranger. Dans une étude prospective canadienne, Rodney Li Pi Shan et al (2016) montre que chez les cliniciens réalisant le diagnostic par ENMG d’un SCC, « en ce qui concerne le traitement, 99% recommanderaient le port d’une attelle dans les cas de SCC léger. Chez les cas de SCC modéré, l’attelle était recommandée par 91% des cliniciens et 68% considéraient également référer le patient en chirurgie. Dans les cas de SCC sévères, la plupart recommandaient la chirurgie (93%) ». En aucun cas la prise en charge par un physiothérapeute n’est évoquée alors que le SCC fait partie des troubles neuro-musculosquelettiques 

 De cette connotation de syndrome compressif, découle en partie cette absence des physiothérapeutes dans le parcours de soin. En effet, à quoi pourraient servir les kinésithérapeutes alors que c’est un problème de contenant-contenu et que seul la chirurgie peut permettre d’étendre le contenu.

American Academy of Orthopaedic Surgeons. Management of Carpal Tunnel Syndrome Evidence-Based Clinical Practice Guideline. www.aaos.org/ctsguideline. Published February 29, 2016.

SHAN, Rodney Li Pi, NICOLLE, Michael, CHAN, Ming, et al. Electrodiagnostic testing and treatment for carpal tunnel syndrome in Canada. Canadian Journal of Neurological Sciences, 2016, vol. 43, no 1, p. 178-182.

Quelques Facteurs de risques évitables

Parmi les facteurs de risque menant à l’apparition du SCC, certains sont contrôlables et ils sont majoritairement des facteurs biomécaniques liés au travail. Nous avons pu mettre en évidence grâce à Kozak et al que :

  • Il existe une association positive entre répétition de mouvements et SCC avec un haut niveau de preuve
  • Il existe une association positive entre la force utilisée lors des manœuvres et le SCC avec un haut niveau de preuve
  • Une exposition combinant ces deux paramètres est également associée à l‘augmentation du risque de SCC avec un haut niveau de preuve
  • Concernant les vibrations ainsi que les positions en fin d’amplitude du poignet, l’association n’est pas franche et les résultats sont hétérogènes. En effet les auteurs énoncent qu’il pourrait y avoir un effet dose-réponse (durée d’exposition / fréquence de vibration)

KOZAK, Agnessa, SCHEDLBAUER, Grita, WIRTH, Tanja, et al. Association between work-related biomechanical risk factors and the occurrence of carpal tunnel syndrome: an overview of systematic reviews and a meta-analysis of current research. BMC musculoskeletal disorders, 2015, vol. 16, no 1, p. 1-19.

Dans la revue systématique avec méta-analyse de Médiouni et al, les auteurs ne retrouvent pas de lien entre exposition à l’ordinateur et le SCC. 

MEDIOUNI, Zakia, DE ROQUEMAUREL, Alexis, DUMONTIER, Christian, et al. Is carpal tunnel syndrome related to computer exposure at work? A review and meta-analysis. Journal of occupational and environmental medicine, 2014, vol. 56, no 2, p. 204-208.

Donner seulement le résultat de cette revue systématique avec méta-analyse ne suffit pas, et je vous encourage à analyser les données plus en profondeur comme l’a fait celle faite par Rahman Shiri et al.

SHIRI, Rahman et FALAH-HASSANI, Kobra. Computer use and carpal tunnel syndrome: a meta-analysis. Journal of the neurological sciences, 2015, vol. 349, no 1-2, p. 15-19.

En effet, selon l’analyse de Mediouni et al, nous ne retrouvons pas de corrélation entre exposition à  un ordinateur et SCC au sein d’une population générale. Cependant la population étudiée n’a pas subi un ajustement des facteurs de risques identifiés comme tels. 

 Voici un exemple : les jeunes utilisent plus l’ordinateur que les personnes âgées et les personnes âgées montrent plus de SCC que les jeunes. Mais au vu des connaissances actuelles sur la physiopathologie du SCC, nous savons qu’il y a une installation lente et progressive de ce syndrome. Il faudrait donc comparer les jeunes ayant une exposition à l’ordinateur intense comparativement à d’autres jeunes. Revenons à notre cas : Les personnes sur les chantiers font partie de la population générale et subissent des contraintes nettement supérieures sur leurs poignets comparativement aux gens travaillant au bureau, ce qui amène à exclure un facteur spécifique à la population de personnes travaillant en bureau.

Donc pour tous les étudiants en plein mémoire ou les personnes s’intéressant à la lecture critique d’article, je vous conseille de bien analyser les données dans les détails plutôt que de lire uniquement les résumés.

 « Clinician who cannot critically read a study is a unprepared as one who cannot do a MSK examination » ( un mec chauve en formation )

Lorsque l’on analyse les données plus en détail et en comparant une population d’agents de bureau entre eux nous observons:

  • Une corrélation positive entre utilisation de l‘ordinateur et SCC
  • Une corrélation positive entre utilisation de la souris et SCC
  • Pas de corrélation positive entre utilisation du clavier et SCC
  • Une corrélation entre le temps d’exposition en années avec le SCC
  • Une corrélation avec le nombre d’heures par jour sur un ordinateur et le SCC 

Si nous extrapolons cette donnée, cela peut largement nous expliquer ce qui est observé par la communauté eSport. En effet le volume d’effort subi par ces athlètes est largement au-delà des sollicitations que peuvent subir les employés de bureau et de nombreux SCC sont énoncés.

Comme nous le verrons plus loin dans le billet, la kinésithérapie semble au moins aussi efficace que la chirurgie dans la prise en charge de ce problème. La chirurgie ne sera pas la solution de choix pour ce sous-groupe de patients car régulièrement les patients ont une perte de force significative au niveau de leur main ou poignet suite à un acte chirurgical. Le kinésithérapeute est donc le thérapeute de choix pour aider les Athlètes eSport, en plus de savoir prendre en charge des lombalgies pour lesquelles ces athlètes peuvent se plaindre.

J’ai déjà pu mettre en avant dans mon billet sur les lésions des IJ chez les sportifs que nous pouvons amener à moins de blessures, et par effet domino plus de victoires par équipe, peut être que nous pouvons aider ces athlètes également cela reste à vérifier dans de futures études.

Deux études longitudinales viennent nous apporter d’autres éléments permettant de mieux comprendre les SCC

La première étude a suivi des saisonniers afin d’évaluer si un travail répétitif et intensif de trois semaines pouvait amener au développement d’une neuropathie du nerf médian. L’évaluation par ENMG a été faite avant, pendant, à la fin et après le travail saisonnier. Ce travail était du « mink skinning »  ( en gros écorcher des visons pour leur fourrure … il y en  qui travaillent à McDo et d’autres qui préparent de la fourrure ) ils travaillaient par roulement de 7h30 et le nombre moyen de visons « travaillés » était de 109 par heure ( entre 114 et 105 ). Ils travaillèrent 22 jours. Les 11 saisonniers montraient un ENMG normal avant le début de la saison. 

Avant le début de l’étude 3/11 ont signifié avoir eu déjà dans leur vie des paresthésies dans leur main dominante. Durant l’étude et à la fin de la saison, ce nombre est passé à 8 puis est redescendu à 2 sur 9  lors du suivi quelques semaines plus tard, car 2 des participants n’ont pas renvoyé le questionnaire de suivi. 

Malgré le faible nombre de participants, nous observons des changements détectables significatifs dans la conduction nerveuse de chaque patient (courbes ci-dessous). Ces modifications semblent directement liées à l’effort, la charge et l’intensité du travail effectué pendant l’étude.  

 

Le niveau d’activité mesuré pour les saisonniers est considéré comme moyen, il semble correspondre au niveau de contraintes que subissent des peintres par exemple. Le niveau d’activité de la main est évalué à 7/10 selon  the  American Conference of Governmental Industrial Hygienists’ scale

TABATABAEIFAR, Sorosh, SVENDSEN, Susanne Wulff, JOHNSEN, Birger, et al. Reversible median nerve impairment after three weeks of repetitive work. Scandinavian Journal of Work, Environment & Health, 2017, p. 163-170.

Cette première étude nous montre qu’après un travail intensif de seulement 22 jours, nous observons une altération de la conduction nerveuse, signe d’une neuropathie. Nous observons également que cette neuropathie est réversible et transitoire (avec l’arrêt de l’activité). Cette neuropathie transitoire indique que d’autres mécanismes que la démyélinisation et la dégénération axonale puissent jouer un rôle dans les neuropathies ainsi que les douleurs neuropathiques.

Si l’on rapporte cette donnée à cette étude française : Les patients opérés d’un syndrome du canal carpien ont-ils un moins bon pronostic professionnel en cas de déclaration en maladie professionnelle ?, il n’est pas étonnant que les SCC liés au travail aient un moins bon pronostic si la charge et le niveau d’effort est élevé et constant, cela va irrémédiablement altérer les conditions d’adaptation du tissu nerveux, et cela indépendamment d’une quelconque indemnisation mise en jeu. Donc peut être facteur de risque et facteur pronostic ? 

Chazelle E, Girault C, Pascual M, Ha C, Garras L, Plaine J, et al. Les patients opérés d’un syndrome du canal carpien ont-ils un moins bon pronostic professionnel en cas de déclaration en maladie professionnelle ? Arch Mal Prof Environ 2016;77:1011.  

Une deuxième étude vient nous apporter d’autres subtilités concernant l’apparition des SCC. Cette étude longitudinale longue de 10 ans s’est intéressée aux nouveaux SCC qui sont survenus dans une population étudiée. Ils ont utilisé une échelle d’évaluation, allant de 0 à 10, du niveau d’activité quotidien  : the American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH) 

Sur les 8883 personnes suivies sur 10 ans, incluses dans l’étude, 431 nouveaux cas de SCC sont apparus, pour 126 avec une altération de la conduction des grosses fibres nerveuses objectivable par ENMG. Petit aparté : un syndrome étant une présentation clinique il n’y a pas à faire de différence et ces 2 catégories sont des SCC, par contre l’altération de la conduction nerveuse est juste un stade de gravité supérieur.

Cette étude nous apprend que : 

  • 1/3 des cas semblent imputables à l’intensité de l’activité manuelle  
  • Le niveau d’activité selon l’ACGIH semble prédictif d’apparition de cas lorsqu’une valeur seuil est dépassée
  • L’âge, le sexe et l’IMC semblent également des facteurs prédictifs mais selon la catégorie de SCC et le stade de gravité, les corrélations varient.

Cette étude énonce assez bien ses limites ainsi que les précautions liées à l’interprétation de leurs données au bout des 10 années de suivi il y a des perdus de vue. Durant l’étude certaines entreprises ont stoppé leur partenariat avec les chercheurs, certaines personnes ont changé de travail ou de domiciliation… De plus, dans ce modèle aux multiples variables, d’autres facteurs personnels ou génétiques n’ont pas été inclus. L’inclusion d’autres facteurs pourrait en effet diminuer la part de ceux analysés. Je vous invite à lire ces deux études qui sont vraiment bien décrites.

VIOLANTE, Francesco S., FARIOLI, Andrea, GRAZIOSI, Francesca, et al. Carpal tunnel syndrome and manual work: the OCTOPUS cohort, results of a ten-year longitudinal study. Scandinavian journal of work, environment & health, 2016, p. 280-290.

Selon certains auteurs, l’accumulation de plusieurs facteurs de risque augmenterait le risque d’apparition du SCC, car rendant le tissu nerveux plus facilement irritable.

Le tissu nerveux peut être sensibilisé par plusieurs types de stimulations et plus il est irrité plus il devient irritable. Ces stimulations peuvent être d’ordre mécanique ou métabolique. Nous parlons donc ici de « multiple crush syndrom » 

Une équipe française s’est intéressée à la prévalence des SCC dans le milieu agricole. Ils ont décidé de faire plusieurs groupes en lien avec leur exposition biomécanique de l’ exposition aux neurotoxiques durant leur travail. Cette étude nous apprend  que sur les 711 hommes du milieu agricole : 

  • La prévalence différait selon les 4 groupes d’exposition
  • La prévalence était la plus grande chez les co-exposés aux agents chimiques neurotoxiques et aux contraintes biomécaniques élevées
  • L’association entre la co-exposition et le SCC était statistiquement significative après ajustement des facteurs de risque individuels et médicaux du SCC, avec un odds-ratio plus élevé pour le groupe co-exposé ( OR=3,3 [ 0,8 ; 14,1 ] ) 

Cette étude est une de celles illustrant le concept de multiple crush syndrom.

Le SCC n’est pas qu’une simple mononeuropathie compressive 

Les causes qui ont fait que la maladie survienne ne sont pas forcément les mêmes qui font que la maladie persiste. C’est ce qui fait que ce n’est pas pertinent TOUT le temps de faire une décompression chirurgicale, car ce qui peut poser problème, c’est la neuroinflammation et nous les kinésithérapeutes pouvons agir dessus. 

J’ai déjà pu parler de neuro-inflammation durant des conférences mais là je vais tenter d’aller à l’essentiel. Voici donc une vidéo animée sur le sujet, traduite en français par Clément Noël qui résume plutôt bien le fait qu’une mononeuropathie compressive engendre des troubles à distance ainsi que des douleurs pouvant s’étendre. La vidéo est basée en partie sur les travaux de Annina Schmid

Nous pouvons retrouver des symptômes dans les zones d’irradiation en dehors du nerf concerné, ce qui nous pousserait à étendre l’examen clinique au-delà de la zone d’irradiation du nerf. En effet, il semblerait que l’on retrouve une invasion et une activation des cellules de l’immunité près des ganglions dorsaux rachidiens, ainsi qu’une activation des cellules gliales au sein du système nerveux central. Compte tenu de la proximité des cellules au sein d’un ganglion ou dans la moelle, les messagers chimiques peuvent atteindre des cellules ou des fibres nerveuses saines, et abaisser le seuil de sensibilité. Par conséquent, l’inflammation au sein des ganglions rachidiens  est une explication plausible expliquant la propagation des symptômes chez les patients atteints de névralgies, ou de SCC bilatéraux. 

Les connaissances actuelles concernant les mononeuropathies compressives, nous montre que : 

  • Il n’est pas nécessaire d’opérer pour chaque névralgie, SCC ou hernie discale
  • Une plainte de SCC bilatéraux peut se régler par une seule et même opération unilatérale
  • La compression détermine la perte de fonction et non la douleur, par conséquent ne pas présager d’une compression sans avoir objectivé une perte de fonction (biopsie, amyotrophie, break tests, tests nerveux par QST ou CST) 
  • Plus l’atteinte est longue, plus la probabilité d’avoir un SCC bilatéral est grande.

https://www.youtube.com/watch?v=7IWHUWQLqwQ

DEC, Pawel et ZYLUK, Andrzej. Bilateral carpal tunnel syndrome–A review. Neurologia i Neurochirurgia Polska, 2018, vol. 52, no 1, p. 79-83.

SCHMID, Annina B., FUNDAUN, Joel, et TAMPIN, Brigitte. Entrapment neuropathies: a contemporary approach to pathophysiology, clinical assessment, and management. Pain Reports, 2020, vol. 5, no 4.

 

POUR LA PARTIE 1 cliquez ICI

POUR LA PARTIE 3 cliquez ICI


Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 3)

Aide à la relecture : Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke, Anthony Halimi, Bryan Littré, Théo Chaumeil, Clément Loiseau

Abréviations :

ASI : articulation(s) sacro-iliaque(s)
DSI : douleur(s) en lien avec les articulations sacro-iliaques
SpA : spondylarthrite
vDW : van Der Wurff
CEN : centralisation
P.D. : préférence directionnelle
DDM : douleur(s) discogénique(s) mécanique(s)

Vous trouverez les liens vers les parties 1 et 2 de cette série à la fin de ce billet.

 

Combinaisons de tests pour les DSI

Nous avons pu voir dans le précédent billet que les indices de l’anamnèse ainsi que la topographie de la douleur ne nous étaient pas d’un grand secours pour ce qui était de différencier une DSI d’une autre affection susceptible de générer des douleurs lombo-pelviennes pouvant irradier dans le(s) membre(s) inférieur(s).

Pour nous aider à y voir plus clair, deux équipes indépendantes dirigées respectivement par Mark Laslett et Peter van der Wurff (vDW) ont isolément proposé une combinaison de tests cliniques, ou clusters.

Leurs clusters respectifs sont très similaires, tant dans le choix des tests que dans leurs résultats en comparaison à la référence standard. Cela a l’avantage de consolider la cohérence externe de ces combinaisons de tests, autrement dit : la confiance que l’on peut avoir dans leur pertinence clinique. Néanmoins, les critères de rigueur méthodologique pour la référence standard n’étaient pas strictement les mêmes [11].

La combinaison de Laslett est constituée des tests de distraction, de compression, de torsion pelvienne (de Gaenslen), du thrust fémoral et du thrust du sacrum [37, 38].

Vous pouvez en retrouver la démonstration ici par Mark Laslett lui-même.

Précautions d’emploi concernant le test en thrust du sacrum :

Avant de réaliser le test en thrust du sacrum, il est nécessaire de palper la crête sacrée afin de s’assurer qu’elle ne soit pas sensible à la palpation (chose possible en cas de lombalgie), ce qui pourrait sinon générer un faux positif lors du test.

De plus, la réponse symptomatique au test en thrust du sacrum doit être comparée à la réponse au test du rebond (spring test) sur les différents étages lombaires : si le test du sacrum reproduit la douleur habituelle du patient, les tests de la colonne lombaire, eux, ne doivent pas reproduire la douleur habituelle, auquel cas on considère le test du sacrum comme positif pour une DSI. Si un ou plusieurs tests lombaires reproduisent la douleur, alors un résultat positif au test du sacrum doit être considéré comme un faux positif pour une DSI et envisager une implication lombaire.

La combinaison de vDW est quant à elle composée des mêmes tests que celui de Laslett à l’exception du thrust du sacrum auquel lui est substitué le test de FABER (flexion – abduction – rotation externe de hanche, de Patrick) dont vous pouvez en retrouver la démonstration ici [39].

Remarques concernant le test de FABER :

Il est à noter que le test de FABER a été décrit pour tester tantôt la hanche, tantôt l’ASI ; son utilité dépend de l’étude, de la population et de la référence standard à laquelle il a été comparée (Figure 9) mais retenons que si c’est l’ASI qui est testée, le critère de positivité est la reproduction d’une douleur postérieure familière au patient, et non d’une douleur antérieure comme ce serait attendu dans le cadre d’une réponse symptomatique de la hanche.

Figure 9 :

Comparaison de la validité diagnostique du test de FABER selon l’étude
(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance, κ : kappa, CCI : coefficient de corrélation inta-classe)

 

Remarque doit également être faite que, dans le cas de DSI dans la lombalgie chronique, l’étude de Broadhurst & Bond et l’étude de Dreyfuss et al. présentent des valeurs de précision diagnostique diamétralement opposées. Or, bien que vDW se soit appuyé dessus pour inclure ce test dans son cluster, les résultats de Brodhurst & Bond ne devraient pas être considérés comme valides étant donné que tous les sujets n’ont pas reçu la même référence standard et que la clinimétrie a été mal calculée (la sensibilité était en fait la valeur prédictive positive) [40]. Ainsi, seuls les résultats de Dreyfuss et al. sont recevables (QUADAS = 10, d’après [41]), et ils révèlent l’utilité médiocre de ce test pour diagnostiquer ou exclure une DSI s’il est utilisé seul. Il semble néanmoins reproductible, et son utilité pour le diagnostic de DSI quand il est combiné à d’autres tests a été validée par deux fois [39, 42].

Remarques d’ordre général concernant la réalisation des tests :

Les tests présentés ici ont été évalués dans la population des lombalgies chroniques [37, 39]. Des tests évalués spécifiquement pour les douleurs pelviennes postérieures en lien avec la grossesse existent ; ils seront abordés dans un prochain article.

Ils sont censés tester la mécano-sensibilité des ASI au sens large (surfaces articulaires, capsule, ligaments) sans que l’on puisse ni distinguer entre une étiologie intra ou extra-articulaire ou apprécier la contribution relative de chaque compartiment [1, 18, 20, 43] ni même caractériser la nature de leur affection.

Ces tests sont donc tous des tests de provocation de la douleur : ils sont considérés comme positifs si la douleur habituelle, celle qui motive la consultation, est reproduite clairement. L’inconfort pouvant être ressenti par les prises ne rentre pas en compte dans les critères de positivité de ces tests ; le patient doit en être informé de façon à savoir quelle réponse donner lors de l’exécution des tests par le praticien.

Pour être correctement pratiquées, ces manœuvres doivent être effectuées :

  • sur un plan assez dur ;
  • avec une durée d’application d’au moins 20 secondes avant de pouvoir conclure à la négativité de la manœuvre. L’application de la force doit être progressive car dans le cas où les articulations SI sont bien mécano-sensibles les manœuvres peuvent se révéler irritantes si elles sont réalisées brutalement. Si aucune douleur n’est ainsi provoquée, on peut réaliser quelques secousses en fin d’amplitude afin de s’assurer de la négativité du test.
  • avec assez de force pour pouvoir mobiliser l’articulation SI et mettre en tension les ligaments qui la stabilisent ; en effet, la mobilité des articulations SI étant très faible (en moyenne, moins de 2° au maximum 4°) et les forces de verrouillage étant très importantes [17], il est primordial pour l’évaluateur d’être en mesure de transférer un maximum du poids de son corps dans les ASI (il semble qu’un poids de 25kg serait un minimum pour certaines manœuvres comme celle de Gaenslen) [1]. Cependant, il semble qu’il existe une grande variabilité dans les forces appliquées lors de ces manœuvres même chez des examinateurs expérimentés [20]. En effet, en pratique, il paraît difficile d’apprécier la force appliquée lors de chaque manœuvre. Retenons simplement que le.la praticien.ne doit parvenir à transférer (progressivement) un maximum de son poids de corps lors de l’application de la technique.

Clinimétrie des tests et des clusters : Un peu de maths (mais pas trop), c’est nécessaire vous allez voir !

Bien qu’il n’existe pas de consensus sur quelle serait la meilleure référence standard (« gold standard ») pour la lombalgie – et ce, quelle que soit la structure suspectée – les blocs d’anesthésique local restent le meilleur outil pour identifier une structure susceptible de contribuer aux douleurs [11, 12].

Afin de déterminer la performance diagnostique de ces deux clusters, les manœuvres ont été comparées à la meilleure (« meilleure », pas « parfaite » [1,43]) référence standard actuelle que constitue pour les DSI la double injection intra-articulaire d’anesthésique local (bloc initial : lidocaïne, courte durée d’action ; bloc de confirmation : bupivacaïne, longue durée d’action) guidée par fluoroscopie [11, 12]. Néanmoins, les critères pour la référence standard n’étaient pas exactement les mêmes (Figure 10) : Laslett considère une réponse positive à la référence standard si un soulagement de la douleur d’au moins 80% est obtenu, tandis que pour vDW une réduction de la douleur d’au moins 50% est requise [37, 39].

Cette référence standard en revanche n’est pas validée pour les douleurs en lien avec les structures extra-articulaires (ligaments) [44].

Figure 10 :

Comparaison des standards de référence pour les clusters de Laslett et van der Wurff

Pour rappel, si la sensibilité et la spécificité sont habituellement utilisées pour caractériser la performance diagnostique d’un test, les ratios de vraisemblance (positif : « RV+ », et négatif : « RV- ») devraient pourtant leur être préférées en pratique clinique car ces valeurs reflètent mieux le changement de probabilité d’une hypothèse [45]. Simplement : les RV positif et négatif représentent la capacité du test à augmenter ou à diminuer la probabilité que l’affection que l’on recherche avec ce test soit présente selon que le test est positif ou négatif (respectivement). On considère que le RV+ aboutira à une augmentation significative de la probabilité post-test par rapport à la probabilité pré-test (prévalence si accessible, ou appréciation du clinicien) si sa valeur est supérieure ou égale à 5. De même, on considère que le RV- aboutit à une diminution significative de la probabilité post-test si sa valeur est inférieure ou égale à 0,2. Plus sa valeur se rapproche de 1, moins un RV modifie la probabilité, et donc moins le test a d’utilité diagnostique [41, 46]. McGee a estimé que pour ces paliers de 5 et de 0,2, le changement approximatif de la probabilité est de +30 points et de -30 points de pourcentage, respectivement (Figure 11) [47].

Figure 11 :

Ratios de vraisemblance et changement de probabilité estimé, traduit d’après [47]
(en gras, les valeurs « seuils » d’utilité clinique d’après [41])

 

La clinimétrie individuelle des tests constituant les deux clusters est synthétisée dans la Figure 12 ; les valeurs sont arrondies pour faciliter la lecture, sans que cela n’affecte fondamentalement leur précision diagnostique (tests du cluster de Laslett : Reproductibilité : [48], Précision : [38] ; pour le FABER : [32] (d’après [49, 50]).

Figure 12 :

Tableau comparatif de la précision diagnostique et de la reproductibilité individuelle des tests inclus dans les clusters de Laslett et de van der Wurff
(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance, κ : kappa, *moyenne pour les côtés droit et gauche)

Avec le prisme des ratios de vraisemblances, on constate que la valeur individuelle de ces tests est globalement médiocre : aucun de ces tests ne permet, seul, d’aboutir à un changement significatif de la probabilité de l’hypothèse testée (Δ(post-test – pré-test) < 30%) [51].

Cependant, combiner judicieusement des tests peut permettre d’améliorer leur performance diagnostique globale, mais même en les associant ce gain peut rester marginal [52].

Alors comment interpréter les résultats d’une batterie de tests ? Pour faire simple, il s’agit d’abord de déterminer des paliers, ici : « 1 test positif sur 5 », « 2 tests positifs sur 5 », « 3 tests positifs sur 5 » et ainsi de suite, puis d’évaluer quel palier donne les meilleures performances diagnostiques.

Le tableau en Figure 13 récapitule et compare la clinimétrie de chaque palier de chaque cluster [53].

Figure 13 :

Comparaison de la clinimétrie des combinaisons de tests de Laslett et van der Wurff, adapté d’après [53]

 

Vous avez tenu jusque-là ? C’est maintenant que ça devient intéressant !

Dans ces clusters, le palier diagnostique optimal (cellules obscurcies) est « au moins 3 tests positifs sur 5 », seuil pour lequel le RV+ est de 4 environ [21, 54]. Cette règle diagnostique a été confirmée par vDW donc, mais aussi par deux études indépendantes ayant utilisé des tests similaires à ceux de Laslett et vDW [42, 55, 56].

De plus, une méta-analyse de 2009 rapporte pour la règle de « au moins 3 tests positifs » les données groupées de clinimétrie suivantes : une sensibilité de 85% et une spécificité de 76,4%, soit un RV+ de 3,6 et un RV- de 0,2, et calcule un rapport de côte diagnostique (diagnostic odd ratio) de 17,16 mais avec un large intervalle de confiance à 95% (7,6 – 39) avec la technique de double infiltration comme référence standard, confirmant ainsi l’utilité clinique de cette règle diagnostique [54].

Cliniquement, cela signifie que si au moins 3 tests sont positifs, il y aura une augmentation modérée de la probabilité de DSI (approximativement +25 points de pourcentage, selon [47]). Au contraire, si ce palier n’est pas atteint la probabilité que les douleurs soient en lien avec les ASI va diminuer significativement (au moins -30 points de pourcentage), nous permettant ainsi de rétrograder dans notre hiérarchie d’hypothèses une hypothèse qui était déjà peu probable dès le départ, et par conséquent d’envisager un diagnostic différentiel.

Pour aller plus loin dans l’interprétation de ces valeurs, si un seul test ou moins est positif, nous pouvons exclure avec une grande confiance l’hypothèse de DSI.

Cependant, dans le cas où 5 tests sont positifs sur 5, le RV+ est médiocre (gain sur la probabilité de l’hypothèse compris entre 0 et 15 points). Cela signifie que ce n’est pas parce qu’il y a plus de tests positifs que le diagnostic est plus certain ! Il faut donc être prudent quant aux conclusions à tirer d’un tel résultat.

Certains facteurs peuvent en effet sensibiliser les ASI et rendre les tests positifs alors que la douleur n’est pas en lien avec les structures articulaires en elles-mêmes (faux positifs).

D’abord, il serait judicieux d’exclure au préalable des tests de provocation des ASI toute affection lombaire plus prévalente que les DSI susceptible de mimer une DSI [25 – 31] et de générer de faux positifs aux tests [37]. Nous y reviendrons.

Chez les femmes enceintes, une hypersensibilité étendue des tissus (dont les mécanismes sous-jacents sont encore à élucider) est également susceptible de générer des faux positifs aux tests SI [57].

Enfin, face à un contexte de douleurs persistantes, il faut envisager la présence de phénomènes de facilitation de la nociception tels que la sensibilisation centrale, susceptibles d’aboutir à de l’hyperalgésie et donc à de faux positifs [58].

Intuitivement, on s’aperçoit déjà que prendre en compte et, si possible, dépister ces facteurs confondants au préalable de la réalisation des tests de provocation des ASI sera déterminant pour la confiance que l’on accordera à une réponse positive à ces tests.

Remarques concernant les clusters :

  • Dans la mesure où les 2 clusters ont une validité diagnostique très proche, les tests de FABER et du thrust du sacrum peuvent par conséquent être intervertis si nécessaire sans que cela n’affecte fondamentalement la performance des clusters. Ainsi, on pourra réaliser le test de FABER eu lieu du test en thrust du sacrum chez les patients ne pouvant tolérer le décubitus ventral, en particulier chez les femmes enceintes.
  • Laslett montre dans son étude de 2005, qui est une analyse secondaire de l’étude de 2003 [37] et dont la référence standard est cette fois un simple bloc anesthésique intra-articulaire, que le test de Gaenslen affecte peu la performance diagnostique du cluster (Figure 14) [38]. Limitant ainsi le nombre de tests à 4, le palier optimal devient : « au moins 2 tests positifs sur 4 ».

Figure 14 :

Comparaison de la clinimétrie du cluster de Laslett avec et sans le test de Gaenslen

  • Plus récemment, Schneider et al. ont réévalués les 6 tests des clusters de Laslett et vDW (test de FABER, thrust fémoral, thrust du sacrum, test de distraction, test de compression, test de Gaenslen ; Figure 15). La référence standard à laquelle comparer les résultats des tests qui a été utilisée diffère de celles utilisées par Laslett et vDW en ceci qu’il s’agissait d’une unique injection guidée par fluoroscopie d’un mélange d’anesthésique local de courte durée d’action (lidocaïne, également utilisée dans les études de Laslett et vDW) et d’anti-inflammatoires stéroïdiens (glucocorticoïdes : triamcinolone) avec un soulagement de la douleur d’au moins 80%. Il n’y a donc pas de bloc de confirmation avec une anesthésie au long cours comme c’est le cas dans les études de Laslett et vDW.

Dans ces conditions expérimentales, aucune manœuvre ne présente de précision diagnostique susceptible d’aboutir à un changement significatif de probabilité. Autrement dit, dans cette étude, aucun de ces tests n’a d’utilité clinique [59]. Sur ce point, les résultats sont cohérents avec ceux de Laslett et vDW mais aussi avec ceux de Maigne et de Dreyfuss [60, 61] : isolément, ces tests n’ont pas d’utilité clinique.

Figure 15 :

Tableau comparatif de la précision diagnostique individuelle des tests en comparaison avec un bloc diagnostic à 80% de soulagement de la douleur
(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance)

Ces tests ont également été évalués en combinaison : leur performance diagnostique a été calculée pour des seuils de soulagement de la douleur de 50%, 80% et 100%. Contrairement aux résultats de Laslett et vDW cette fois, aucune combinaison de tests pour aucun seuil de soulagement et pour aucun palier de tests positifs ne présente de RV+ qui indiquerait une utilité pour le diagnostic d’une DSI.

Avec tous ces éléments, on peut désormais résumer sous la forme d’un algorithme la combinaison de tests de Laslett et vDW avec le palier optimal de « au moins 2 tests positifs sur 4 » (Figure 16).

Figure 16 :

Algorithme des tests, adapté d’après [38]

 

Précautions préalables : Jusque-là c’était facile, c’est maintenant qu’il faut s’accrocher !

Mark Laslett (encore lui !) a montré dans son étude en 2003 que l’exclusion préalable d’une implication discogénique mécanique (DDM) à la douleur par une recherche infructueuse d’une centralisation (CEN) de la douleur par une approche MDT (« méthode McKenzie ») [37] permet d’augmenter la précision diagnostique des tests SI. En effet, il mettra en évidence en 2005 que le phénomène de CEN est très spécifique à une discographie de provocation contrôlée (donc à une douleur en lien avec le disque intervertébral) du moment où les sujets ne sont pas en détresse psycho-sociale ou en invalidité fonctionnelle importantes (mesurées sur le DRAM et sur l’échelle de Roland-Morris) [63]. Enfin, la prévalence de la CEN (et donc des douleurs discogéniques mécaniquement répondantes) semble se situer autour de 43% dans les lombalgies [64].

Lorsque les centraliseurs sont exclus, la spécificité du palier de « 3 tests positifs sur 5 » passe de 78% à 87%, améliorant ainsi le RV+ de 4 à 7 (le RV- ne change pas) ! Cela signifie qu’en excluant les centraliseurs, on obtient une réduction du nombre de faux positifs. En d’autres termes : si l’on n’exclut pas au préalable une implication lombaire mécanique, les tests SI sont susceptibles de générer plus de faux positifs !

Figure 17 : [65]

En outre, si l’on considère l’ensemble des affections pouvant générer des douleurs référées dans le membre inférieur et que l’on en exclut un sous-groupe, il en résulte une augmentation relative de la probabilité des sous-groupes restant. Pour le dire autrement : en excluant une hypothèse, chaque hypothèse restante a plus de chances d’être le bon diagnostic qu’elle n’en avait au départ.

Donc, dans l’ensemble des causes de douleurs lombo-pelviennes persistantes, l’exclusion d’une implication discogénique par exemple résulte en une augmentation relative de la probabilité des causes possibles restantes, dont les DSI (Figure 18). Grâce à cette application en ligne (issue de l’excellente vidéo de Christophe Michel, de la chaîne Hygiène Mentale, sur le raisonnement bayésien), vous pouvez visualiser comment les variations de probabilité d’une hypothèse affecte la probabilité d’hypothèses concurrentes (vous pouvez également visualiser comment la probabilité a priori et la vraisemblance d’un test ou d’une expérience affectent la probabilité finale d’une hypothèse).

Figure 18 :

Evolution des probabilités relatives dans un groupe fini d’hypothèses lors de l’exclusion de l’une d’entre elles (les étiquettes cliniques et leurs proportions relatives ont été arbitrairement choisies pour l’exemple et ne se veulent pas réalistes).

 

Cela n’est peut-être pas très parlant, alors voyons comment l’exclusion des centraliseurs nous permet d’être plus confiant dans la conclusion de nos tests de provocation SI.

Si nous reprenons les conditions de l’étude de Laslett en 2003, la probabilité pré-test (prévalence) des DSI, passe de 26% à 32% après exclusion des centraliseurs. Or, nous avons vu que dans ces conditions le RV+ pour le palier optimal de 3 tests positifs sur 5 passe de 4 à 7 [53].

Mathématiquement, si la règle de « 3 tests positifs sur 5 » est remplie, il en résulte alors que la probabilité post-test que le patient ait une DSI passe de 32% à 77%, soit un gain total d’environ +50 points par rapport à la probabilité initiale (26%) ! Pour le dire autrement : l’exclusion des centraliseurs a permis au final un gain de près de +20 points sur la probabilité post-test par rapport à s’ils ne l’avaient pas été.

On peut essayer de clarifier les choses en représentant graphiquement l’évolution des probabilités avec un nomogramme de Fagan [66]. L’échelle de gauche représente la probabilité initiale (ou « pré-test ») de présence de la pathologie (ce qui correspond à la prévalence si elle est connue grâce à l’épidémiologie, ou à défaut, à l’estimation du clinicien a priori selon les indices cliniques en présence), celle du milieu représente la valeur des ratios de vraisemblance du test et celle de droite représente la probabilité finale après avoir réalisé le test (probabilité post-test). Les droites de couleur modélisent le changement de probabilité permis par les RV (positif en bleu, négatif en rouge). Les crochets symbolisent les intervalles de confiance à 95%. Ainsi, ce graphique nous permet de visualiser dans quelle mesure un test dont on connaît les RV contribue à modifier (augmenter ou diminuer) la probabilité de présence d’une pathologie (Figure 19).

Figure 19 :

Illustration des changements de probabilités pour une règle de « au moins 3 tests positifs remplie » avant et après exclusion des sujets centraliseurs pour une prévalence initiale de 26%.
(réalisée avec :
http://araw.mede.uic.edu/cgi-bin/testcalc.pl)

 

En résumé :

L’exclusion préalable des centraliseurs a permis à la fois de rehausser la probabilité pré-test de l’hypothèse SI, mais aussi d’améliorer le RV+ du cluster de Laslett, ce qui aboutit, une fois les tests SI réalisés, à une probabilité de l’hypothèse de DSI significativement plus élevée (Figure 20).

Figure 20 :

Résumé schématique des effets probabilistes sur l’hypothèse de DSI de l’exclusion d’une hypothèse concurrente

 

Tout ça pour démontrer que l’ordre dans laquelle les différentes hypothèses sont testées, inclues et exclues, a une importance capitale en pratique clinique car il peut influencer les résultats des tests et les changements de probabilités des hypothèses. Retenons que le résultat d’un test pour une hypothèse pourra nous conduire à une conclusion clinique différente selon l’exclusion préalable ou non d’un ou plusieurs diagnostics différentiels.

Figure 21 :

Tableau récapitulatif de la clinimétrie des clusters de Laslett et van Der Wurff
(SN : sensibilité / SP : spécificité / RV : ratio de vraisemblance / les valeurs en gras soulignent les différences de valeurs d’une situation à l’autre au sein d’une même étude)

Il n’est pas exclu que d’autres sources lombaires de nociception que le disque intervertébral soient capables de produire de faux positifs aux tests SI mais cela reste à étudier.

En extrapolant on peut néanmoins considérer que, étant donné la faible prévalence des DSI, on ne peut se dispenser d’exclure dans un premier temps toute autre cause plus courante – et donc plus probable – de douleur lombo-pelvienne ou de douleur référée somatique du membre inférieur, et a fortiori si elle est susceptible de mimer une DSI et de générer des faux positifs aux tests SI, avant de considérer l’éventualité d’une DSI [67].

Mark Laslett (toujours lui !) suggère d’ailleurs que s’il existe un autre diagnostic plus susceptible d’expliquer les douleurs pelviennes ou des membres inférieurs, les résultats des tests de provocations SI doivent être ignorés et considérés comme des faux positifs [14, 16], d’autant qu’il est peu commun que deux structures impliquées dans des douleurs lombo-pelviennes coexistent [68, 69].

D’autres structures connues pour être en lien avec des douleurs référées somatiques pelviennes ou dans le membre inférieur sont présentées dans le tableau ci-après (Figure 22). Elles constituent une liste non-exhaustive de diagnostics différentiels des DSI à envisager (chacun ayant une prévalence particulière). En particulier, une éventuelle implication de la hanche est à également à exclure avant de tester les ASI étant donné que cette région est largement sollicitée par les tests SI.

Figure 22 :

(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance)

Evidemment en pratique il est difficile, sinon impossible, de rendre compte avec précision de ces phénomènes statistiques : d’une part nous ne disposons pas toujours de toutes les données nécessaires au calcul (épidémiologie, clinimétrie) et d’autre part il est évident qu’il ne s’agit pas de réaliser ces calculs au cours d’une consultation ! Mais l’objectif ici est, en se servant de l’exemple des DSI, d’illustrer comment la hiérarchisation probabiliste des hypothèses, l’ordre et les valeurs clinimétriques des tests nous permettent d’argumenter plus fiablement nos conclusions cliniques, et dans quelle mesure il est déterminant pour nos décisions cliniques d’appréhender les mécanismes du changement de probabilité.

À défaut d’être assisté par une intelligence artificielle recensant pour nous toutes les données nécessaires à ces calculs, le praticien doit faire appel à ses compétences de jugement afin d’apprécier « au doigt mouillé » les changements de probabilité. Si l’objectif du clinicien est de pouvoir faire confiance à ses conclusions, une compréhension fine des ressorts d’un raisonnement probabiliste, des outils mathématiques et de l’influence de la façon dont est conduit un examen clinique sur la probabilité des hypothèses est fondamentale. L’expertise du praticien a donc encore de beaux jours devant elle !

Objection sur le rôle de la centralisation dans le diagnostic différentiel de DSI :

Nous avons dit que dans l’étude de Laslett en 2003 [37], l’exclusion d’une DDM a été réalisée avec l’approche MDT (« méthode McKenzie ») par la recherche infructueuse d’une CEN à l’aide de stratégies de mise en contrainte directionnelle du rachis lombaire (mouvements répétés ou positions maintenues).

Sauf que Laslett lui-même a montré ensuite en 2005 que, dans les conditions de son étude, la CEN n’a pas une bonne capacité d’exclusion pour les douleurs discogéniques mécaniques (RV- ≈ 0,6, Figure 23) [70], donnée soutenue par les travaux de Young en 2003 (RV- = 0,5) [26].

Ainsi, des patients qui ne centralisent pas peuvent quand même présenter une DDM (faux négatifs). En d’autres termes : tous les patients avec une DDM ne centralisant pas, l’absence de CEN ne suffit donc pas à exclure une implication discogénique mécanique !

Laslett a d’ailleurs lui-même présenté ici des résultats de la comparaison entre la présence d’une préférence directionnelle (P.D.) sans CEN (dont elle est un cas particulier, Figure 24) et un résultat positif à une discographie de provocation, montrant que, comme la CEN, la P.D. est utile pour inclure une DDM, et comme la CEN, la P.D. ne permet pas d’exclure une contribution discale mécanique à la douleur (Figure 23 ; plus d’informations à ce sujet dans une publication antérieure à la création de Kinéfact, ici).

Ces résultats – qui doivent être considérés avec précaution car ils n’ont à ma connaissance pas été publiés dans une revue à comité de relecture par les pairs – suggèrent à nouveau qu’il existe encore un sous-groupe de patients souffrant de DDM qui ne présentent ni P.D., ni CEN, dont on peut imaginer qu’il puisse également générer de faux positifs aux tests SI s’ils ne sont pas préalablement exclus.

Figure 23 :

Comparaison de la précision diagnostique de la centralisation et de la préférence directionnelle en fonction du risque psycho-social, d’après Laslett
(RM :
Echelle de Roland-Morris ; DRAM : Distress and Risk Assessment Method)

Nota Bene : pour une raison inconnue, les valeurs des RV diffèrent de celles présentes dans l’étude de Laslett 2005 [70] ; elles ont été recalculées à partir des valeurs de la sensibilité et de la spécificité disponibles dans l’étude et vérifiées avec calculateur de précision diagnostique (ici). Ce sont donc ces dernières qui ont été gardées.

Figure 24 :

En MDT, la centralisation est considérée comme un cas particulier de la préférence directionnelle

De ces résultats, on remarque que si la capacité de la CEN et de la P.D. à diagnostiquer une DDM n’est pas indépendante de la détresse psycho-sociale et de l’invalidité, leur capacité d’exclusion en revanche n’est pas affectée par ces facteurs.

Enfin, bien qu’il soit tout à fait envisageable que d’autres approches permettent de dépister une implication discogénique mécanique (auquel cas elles doivent être évaluées formellement dans une étude diagnostique avec comparaison aux résultats d’une discographie de provocation contrôlée), les résultats de l’étude de Laslett ne peuvent à ce jour être considérés qu’à travers l’approche MDT.

Ultimement, les tests SI peuvent aider le clinicien à identifier les cas susceptibles de bénéficier ensuite d’une injection intra-articulaire d’anesthésique à visée diagnostique, permettant, en confirmant l’hypothèse, de mieux orienter la prise en charge thérapeutique [1].

Articles précédents : Parties 1 (épidémiologie) et 2 (anamnèse) :

Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 1)

Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 2)

Suite de cet article : Partie 4 (conclusion) :

Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 4)

Références : (par ordre d’apparition dans le texte)

  1. Berthelot JM, Laslett M. Par quels signes cliniques s’assurer au mieux qu’une douleur est bien d’origine sacro-iliaque (sensu lato) ? Revue du Rhumatisme Sept 2009;76(8):741-749
  2. van der Wurff et al. Clinical tests of the sacroiliac joint. A systematic methodological review. Part 1: Reliability. Man Ther. 2000 Feb;5(1):30-6
  3. Haneline MT, Young M. A review of intraexaminer and interexaminer reliability of static spinal palpation: a literature synthesis. J Manipulative Physiol Ther. 2009 Jun;32(5):379-86
  4. Stoval BA, Kumar S. Reliability of bony anatomic landmark asymmetry assessment in the lumbopelvic region: application to osteopathic medical education. J Am Osteopath Assoc. 2010 November;110(11):667–674
  5. Cooperstein R, Hickey M. The reliability of palpating the posterior superior iliac spine: a systematic review. J Can Chiropr Assoc. 2016 Mar;60(1):36-46
  6. Wu WH, et al. Pregnancy-related pelvic girdle pain (PPP), I: Terminology, clinical presentation, and prevalence. Eur Spine J. 2004 Nov;13(7):575-89
  7. Vleeming A, et al. European guidelines for the diagnosis and treatment of pelvic girdle pain. Eur Spine J. 2008 Jun;17(6):794-819
  8. Kanakaris K, Roberts CS, Giannoudis PV. Pregnancy-related pelvic girdle pain: an update. BMC Med. 2011 Feb 15;9:15
  9. Vermani E, Mittal R, Weeks A. Pelvic girdle pain and low back pain in pregnancy: a review. Pain Pract. 2010 Jan-Feb;10(1):60-71
  10. Stolwijk C, et al. Global Prevalence of Spondyloarthritis: A Systematic Review and Meta‐Regression Analysis. Arthritis Care Res (Hoboken). 2016 Sep;68(9):1320-31
  11. Simopoulos TT, et al. A systematic evaluation of prevalence and diagnostic accuracy of sacroiliac joint interventions. Pain Physician. 2012 May-Jun;15(3):E305-44
  12. Simopoulos TT, et al. Systematic Review of the Diagnostic Accuracy and Therapeutic Effectiveness of Sacroiliac Joint Interventions. Pain Physician. 2015 Sep-Oct;18(5):E713-56
  13. Laslett M. Commentary on Appropriate Use Criteria for SIJ Pain. Pain Med. 2018 Apr 26
  14. Chou LH, et al. Inciting Events Initiating Injection-Proven Sacroiliac Joint Syndrome. Pain Med. 2004 Mar;5(1):26-32
  15. Bogduk N. Clinical Anatomy of the Lumbar Spine and Sacrum. 5e edition 2012. Elsevier Health Sciences.
  16. Laslett M. Clinical Diagnosis of Sacroiliac Joint Pain. Techniques in Orthopaedics: June 2019 – Volume 34 – Issue 2 – p 76–86
  17. Vleeming A, et al. The sacroiliac joint: an overview of its anatomy, function and potential clinical implications. J Anat. 2012 Dec;221(6):537-67
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  19. Szadek KM, et al. Possible Nociceptive Structures in the Sacroiliac Joint Cartilage: An Immunohistochemical Study. Clin Anat. 2010 Mar;23(2):192-8
  20. Berthelot JM, et al. Provocative sacroiliac joint maneuvers and sacroiliac joint block are unreliable for diagnosing sacroiliac joint pain. Joint Bone Spine. 2006 Jan;73(1):17-23
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  23. Dreyfuss P, et al. Sacroiliac joint pain. J Am Acad Orthop Surg. 2004 Jul-Aug;12(4):255-65
  24. Slipman CW, et al. Sacroiliac joint pain referral zones. Arch Phys Med Rehabil. 2000 Mar;81(3):334-8
  25. van der Wurff P, Buijs EJ, Groen GJ. Intensity Mapping of Pain Referral Areas In Sacroiliac Joint Pain Patients. J Manipulative Physiol Ther. 2006 Mar-Apr;29(3):190-5
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  35. Baraliakos X, Maksymowych WP, Imaging in the diagnosis and management of axial spondyloarthritis, Best Practice & Research Clinical Rheumatology (2016)
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  41. Cook C, Hegedus E. Orthopedic Physical Examination Tests: An Evidence-Based Approach – Pearson New International Edition. 2nd Edition 2017
  42. Ozgocmen S et al. The value of sacroiliac pain provocation tests in early active sacroiliitis. Clin Rheumatol. 2008 Oct;27(10):1275-82
  43. Laslett M et al. Comments on Berthelot et al. review: ‘‘Provocative sacroiliac joint maneuvers and sacroiliac joint block are unreliable for diagnosing sacroiliac joint pain. Joint Bone Spine. 2007 May;74(3):306-7
  44. Bogduk N. A Commentary on Appropriate Use Criteria for Sacroiliac Pain. Pain Medicine 2017; 18: 2055–2057
  45. Hegedus EJ, Stern B. Beyond SpPIN and SnNOUT: Considerations with Dichotomous Tests during Assessment of Diagnostic Accuracy. J Man Manip Ther. 2009;17(1):E1-5
  46. Joshua Cleland, Michel Pillu, Shane Koppenhaver, Jonathan Su. Examen clinique de l’appareil locomoteur. Elsevier Masson. 3ème édition 2018
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  49. van der Wurff P, Hagmeijer RH, Meyne W. Clinical tests of the sacroiliac joint. A systematic methodological review. Part 1: Reliability. Man Ther. 2000 May;5(1):30-6
  50. van der Wurff P, Hagmeijer RH, Meyne W. Clinical tests of the sacroiliac joint. A systematic methodological review. Part 2: Validity. Man Ther. 2000 Feb;5(2):89-96
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  65. Sagi, P. Boudot, D. Vandeput. Méthode McKenzie : diagnostic et thérapie mécanique du rachis et des extrémités. 04/02/11. [26-076-A-10]
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  69. Laslett M, et al. Agreement between diagnoses reached by clinical examination and available reference standards: a prospective study of 216 patients with lumbopelvic pain. BMC Musculoskelet Disord. 2005;6:28
  70. Laslett M, et al. Centralization as a predictor of provocation discography results in chronic low back pain, and the influence of disability and distress on diagnostic power. Spine J. 2005 Jul-Aug;5(4):370-80

Questionnaire DSQ-PEM10 : dépistage des malaises post efforts.

Avec l’actualité et le sujet des COVID longs avec malaise post exercice (PEM), la question du diagnostic se pose : la fatigue de mon patient est-elle “normale” après ma séance, ou est-ce un malaise post-exercice ?

Ces malaises sont déjà décrit dans deux autres problèmes de santé : l’encéphalomyélite myalgique (ME) et le syndrome de fatigue chronique (CFS).

Le groupe de travail du National Institutes of Health/Centers for Disease Control and Prevention (NIH/CDC) Common Data Elements’ (CDE) recommande d’utiliser le DePaul Symptom Questionnaire DSQ-5 (sensibilité théorique de 97%) pour inclure l’hypothèse de malaise post-effort, puis d’utiliser diverses sources pour confirmer cette hypothèse. Cette étude propose 5 questions supplémentaires pour formaliser cette deuxième étape, en conservant une bonne sensibilité (<80%) et en diminuant le taux de faux positifs (à 16%).

L’association Long COVID propose d’utiliser ce DSQ-PEM 101 pour repérer nos patients COVID longs qui seraient sujet aux malaises post-exercices.


Références
  1. Cotler, Joseph & Holtzman, Carly & Dudun, Catherine & Jason, Leonard. (2018). A Brief Questionnaire to Assess Post-Exertional Malaise. Diagnostics. 8.[]

Quel matériel afin de réaliser un bon examen de neuropathie ?

Nous vous avons parlé plusieurs fois du bilan neurologique ici ou mais plusieurs d’entre vous ont eu du mal à trouver le matériel adéquat. C’est pour répondre à cette demande que nous vous avons concocté ce tableau avec les liens vers le matériel utilisable lors de votre bilan neurologique.

Que ce soit pour du screening médical, l’évaluation des fonctions neurologiques ou durant un diagnostic différentiel, l’examen neurologique est une part essentiel et indispensable à notre pratique.

 

Matériel Nom Type d’évaluation Lien Prix moyen
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Le syndrome du canal carpien : régler au mieux le problème. 3/3

Syndrome du canal carpien, pourquoi sommes-nous négligés du parcours de soin ? 

Par Bryan Littré, remerciements et aide à la relecture : Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke, Marie Akrich, Antoine Massuleau, Benjamin Heng

Comment ne pas rater une neuropathie au cabinet

Nous en avions déjà discuté dans un ancien article qui est toujours d’actualité. Je reviens sur l’évaluation du système nerveux car afin d’établir un diagnostic différentiel, ou évaluer le pronostic du patient, nous nous devons d’effectuer un test neurologique complet et efficace.

Les meilleurs éléments diagnostiques des neuropathies – KineFact

L’évaluation du système nerveux est valable pour toute partie du corps. Voici un récapitulatif du matériel nécessaire au cabinet afin de faire cette évaluation ainsi que le type de fibre évalué.

SCHMID, Annina B., FUNDAUN, Joel, et TAMPIN, Brigitte. Entrapment neuropathies: a contemporary approach to pathophysiology, clinical assessment, and management. Pain Reports, 2020, vol. 5, no 4.

Cependant je vais insister sur certains éléments du test car j’ai pu observer des éléments dans les pratiques communes qui  peuvent vous induire en erreur plus qu’autre chose.

L’évaluation du système nerveux est plus rapide et plus simple que vous le croyez encore faut-il le réaliser de manière correcte et comprendre ce que l’on fait. Malheureusement en IFMK je n’ai pas eu la chance d’avoir reçu des connaissances à jour sur ce domaine, voici donc en 2021 les choses à éviter et corriger (Cadeau pour tous les étudiants que je n’ai pas en tant que prof)  :

  1. NE PAS SE SERVIR DE SES MAINS DE THERAPEUTE AFIN D’EVALUER LA SENSIBILITE TACTILE

Pourquoi ? Car le seuil d’activation des grosses fibres évaluées par la discrimination tactile est spécifique à une échelle de pression dans laquelle est inclue le pinceau, le coton mais PAS LES MAINS. 

Également car la température et la transmission de chaleur peut activer plein de types de fibres différentes (en gros on n’évalue même pas ce que l’on pense évaluer). A retenir : n’utilisez pas vos mains pour la sensibilité tactile / Utilisez le matériel adéquat afin d’évaluer la sensibilité tactile.

  1. NE PAS FAIRE DE PIC/TOUCHE EN MÊME TEMPS

Pourquoi ? regardons le tableau au-dessus : 

Pic = pin prick qui évalue les fibres Adelta et les fibres C = tact grossier = sensibilité protopathique

Touche = light touch qui évalue les grosses fibres Abeta = tact fin = sensibilité épicritique

Aucune information intéressante ne peut sortir d’un pic/touche comme décrit initialement il faut faire l’évaluation de l’un PUIS de l’autre car il n’est pas possible de les croiser, en comparant ce que l’on trouve à l’autre côté pas en les comparant les uns aux autres car ce ne sont pas les mêmes fibres.

A retenir : effectuer l’évaluation du tact lié aux différentes fibres indépendamment l’un de l’autre.

  1. NE PAS OUBLIER QUE LES GROSSES FIBRES NE SONT PAS LES PETITES FIBRES

Cela reprend exactement les deux points précédents mais comme ça c’est peut-être plus clair. Un type de fibres équivaut à un groupe de fonctions nerveuses.

  1. NE PAS OUBLIER QUE C’EST UN TROUBLE EVOLUTIF

Le bilan neurologique de votre patient peut évoluer positivement nous orientant vers un meilleur pronostic mais également négativement nous orientant vers un moins bon pronostic. 

Voici un exemple : Mr VA-ALE-MIEU vient lors de la première séance et montre des troubles neurologiques mais lors de sa 5em séance malgré des douleurs montre une amélioration de sa fonction neurologique => vous êtes dans la bonne direction avec votre traitement.

Un deuxième exemple : Mme VA-ALE-MAL vient lors de votre première séance avec des douleurs neuropathiques sans aucune perte de fonction, cependant lors de votre 5em séance vous observez des pertes de fonction neurologiques qui se dégradent encore plus lors séances qui suivent => courrier au médecin

  1. NE PAS OUBLIER LES FACTEURS DE RISQUE, FAVORISANTS, PREDISPOSANTS, LES PATTERN PARTICULIERS

Si au cours de l’interrogatoire vous pouvez récolter des informations que vous savez être des éléments en lien avec des neuropathies ou des névralgies : intoxication aux métaux lourds, ATCD de douleurs neuropathiques ou d’atteintes nerveuses, intoxication médicamenteuse, troubles thyroïdiens, diabète, carences, chirurgie bariatrique, DN4 positif, trajet douloureux atypique … Ces éléments vont modifier votre manière d’évaluer le  système nerveux, prendre en charge votre patient ou conditionner la communication avec le médecin traitant.

Exemple de Novembre 2020 : Mr G vient me voir un jour de Novembre 2020 en me signalant une perte de sensibilité en chaussette sur les deux jambes. Test neuro effectué avec précision et effectivement il y avait une perte de sensation tactile SANS AUCUNE AUTRE PERTE DE FONCTION DE FORCE OU DE REFLEXES OU AUTRES. Cela durait depuis 1 semaine.

A quoi pensez-vous ? 

Je l’ai renvoyé avec un courrier explicatif le renvoyant vers un neurologue car je soupçonne une SEP ou toute autre atteinte métabolique. (  la perte de sensibilité en « botte » de manière bilatérale devrait augmenter notre niveau de vigilance ) 

  1. NE PAS CONFONDRE NEUROPATHIE ET NÉVRALGIE, ZONE DOULOUREUSE ET ZONE DE PERTE DE FONCTION

La différence ? Une neuropathie est la traduction clinique d’une perte de fonction nerveuse. Une névralgie est une douleur en lien avec le système nerveux périphérique. Ces deux domaines d’évaluation du nerf sont souvent en lien mais pas toujours non plus.

Voici un exemple vu au cabinet en été 2018 : Mr L vu pour une névralgie descendant le long de la cuisse jusqu’au mollet et parfois le pied, test neurodynamique positif, peu de perte de fonction nerveuses, va mieux  au bout de 3 semaines la vie est belle les papillons volent dans le ciel. 

Match de la France et 2ème poteau, PAVAAAARD, Mr L saute afin de célébrer ce moment mais le paye immédiatement car il ressent un éclair traversant son dos jusqu’à son pied. Des douleurs neuropathiques décrites comme des coups de jus et des brûlures surviennent immédiatement et persistent durant 2 jours. Au bout du 3e jour miracle plus aucune douleur, mais nous avions rendez-vous ensemble dans les jours suivants pour faire le point. Test neurodynamique négatif, PERTE DE FONCTION IMPORTANTE ( steppage, 2/5 au testing pour les racines S1, L5, L4, L3) S’en suit un courrier au médecin en vue d’une IRM et d’une prise en charge urgente selon moi. Résultat: hernie exclue

Les tests neurologiques conditionnent la conduite à tenir et prévalent sur les douleurs du patient.

Si vous voulez un billet discutant de :  quand orienter vers une chirurgie face à une « sciatique », radiculopathie ( lombaire et/ ou cervical ), faites le nous savoir

  1. NE PAS SURINTERPRÉTER  UN TEST NEURODYNAMIQUE

J’ai envie de discuter avec vous d’une subtilité concernant les tests neurodynamiques que vous ferez à vos patients. Cette subtilité va rejoindre le dernier point cité plus haut et sera illustré par l’étude ci-dessous.

Les auteurs se sont intéressés au phénotype somatosensoriel de patients atteints d’un SCC, ayant un test neurodynamique positif ou négatif, comparativement à un groupe contrôle sain.

Les patients inclus décrivaient un SCC et montraient une perte de fonction nerveuse objectivable par ENMG.

Ce qui nous intéresse : il existait une différence entre les deux groupes de patients ayant un SCC. Le groupe ayant un test neurodynamique négatif, montrait une plus grande altération des petites fibres de son système nerveux périphérique (objectivable par le QST ou par biopsie). 

Que comprendre :  si vous êtes face à un patient qui montre des signes de perte de fonction nerveuse avec un test neurodynamique négatif, déjà il a quand même une atteinte nerveuse mais sûrement que ses petites fibres autour de son nerf (Nervi Nervorum) sont plus altérées qu’un autre ayant le même problème mais un test ND positif. 

Le test neurodynamique, au niveau diagnostic, s’intéresse uniquement à l’implication de la mécanosensibilité  nerveuse au sein des symptômes du patient. pas aux neuropathies même si il y a un fort lien entre névralgie et neuropathie. 

Se servir de l’échographie ? 

Patient sain :

Patient ayant un SCC :

Nous observons une diminution de la mobilité transversale du nerf médian chez les patients atteints de SCC.

Le syndrome du canal carpien est souvent primitif mais la recherche de cause secondaire ou de facteur anatomique favorisant est l’un des challenges de l’imagerie (16). Ainsi, on recherchera l’existence d’une ténosynovite des fléchisseurs, d’un épanchement articulaire ou d’une distension kystique arthro-synoviale sur le versant palmaire du carpe pouvant comprimer le nerf médian au sein du canal carpien. On recherchera une tumeur et en particulier l’existence d’un lipome ou d’une tumeur nerveuse de type schwannome

Une méta-analyse conclut en 2013 que l’échographie utilisant la surface de section transversale du nerf médian ne pouvait pas être une alternative à l’ENMG pour le diagnostic du syndrome du canal carpien mais devrait être utilisée en complément (29). Dans une autre étude, prospective, sur 156 patients présentant un SCC cliniquement, les résultats échographiques étaient normaux chez 67 (42,9 %) alors que chez 44 patients (65,7 %) de ce sous-groupe, l’ENMG était anormal (30). Néanmoins la diversité des critères échographiques utilisés dans les études limite la comparaison, et les derniers critères validés qui semblent les plus sensibles et spécifiques n’étaient pas encore utilisés.

PETROVER, David et RICHETTE, Pascal. Prise en charge du syndrome du canal carpien: de l’échographie diagnostique à la libération percutanée sous échographie. Revue du Rhumatisme, 2018, vol. 85, no 3, p. 243-250.

Pourquoi l’ENMG n’est pas du tout un gold standard

L’ENMG  semble ne pouvoir évaluer que les grosses fibres myélinisées, or elles ne représentent pas la majorité de la composition d’un nerf. En effet pendant longtemps on pensait que les compressions nerveuses n’altéraient que les grosses fibres myélinisées et que c’est la démyélinisation axonale qui provoque la symptomatologie par une inflammation intra-neurale locale. On sait de nos jours que les fibres non myélinisées sont également atteintes et ne doivent pas être exclues de l’évaluation clinique.

L’examen clinique et le diagnostic de patients atteints de neuropathie périphérique devrait donc être basé sur l’interrogatoire du patient ou le test de douleur neuropathique (DN4). Pour un examen clinique, une combinaison de plusieurs tests comprenant l’ULNT, le seuil de douleur à la pression, le seuil douloureux à la chaleur et au froid semblent être des examens cliniques de choix ; ainsi nous aurions une idée plus précise de quelles fibres nerveuses au sein du nerf sont atteintes. 

L’ENMG est un excellent outil pour confirmer une neuropathie des grosses fibres ou pour faire du diagnostic différentiel lors d’atteintes nerveuses dégénératives ou pathologies neuro-immune. Il présente par contre des limites, lorsqu’un ENMG est négatif, nous ne pouvons rien dire en dehors du fait que le patient n’a pas de neuropathie des grosses fibres. Cela ne nous informe ni sur le fait qu’il ait une névralgie ou non, ni sur le fait qu’il y ait une neuropathie des petites fibres.

CHUNG, Tae, PRASAD, Kalpana, et LLOYD, Thomas E. Peripheral neuropathy: clinical and electrophysiological considerations. Neuroimaging Clinics, 2014, vol. 24, no 1, p. 49-65.

MEHRNAZ, M., FARAHNAZ, M., GHOLAMREZA, K., et al. A Review on Nerve Conduction Studies. Sch J Psychol & Behav Sci, 2018, vol. 1, no 3.

IKEDA, Masayoshi et OKA, Yoshinori. The relationship between nerve conduction velocity and fiber morphology during peripheral nerve regeneration. Brain and behavior, 2012, vol. 2, no 4, p. 382-390.

  

LA KINÉSITHÉRAPIE DÉLAISSÉE POUR LA CHIRURGIE ? 

www.ameli.fr/assure/sante/themes/syndrome-canal-carpien/traitement

Des référentiels validés par la Haute Autorité de santé (HAS) déterminent désormais, pour 14 situations de rééducation, le nombre de séances de masso-kinésithérapie remboursables sans accord préalable. Pour la prise en charge postopératoire du SCC, des lourdeurs administratives viennent nous faire obstacle. Le plus gros problème est que notre système de santé ne nous reconnaît même pas comme étant un intervenant permettant d’aider ces patients. De plus, d’après la HAS «  la rééducation n’est pas nécessaire » post-opératoire ou pré-opératoire. 

Vérifions grâce à pubmed : 

… ah bah non c’est tout l’inverse et voici quelques données.

Dans une étude prospective de Rozmaryn et al (1998), le nombre de mains opérées a diminué de manière statistiquement significative, chez les patients ayant eu une attelle de repos, des anti-inflammatoires, et des exercices de Totten et Hunter (43% d’opérés 4 mois après traitement) comparé à des patients traités quasiment par le même protocole hormis les exercices de Totten et Hunter (71.2% d’opérés).

Ci-dessous les exercices de type T&H

Dans leur étude contrôlée randomisée, Tal-Akabi et al montrent que les patients ayant participé aux groupes expérimentaux ont moins tendance à se tourner vers la chirurgie. Le groupe expérimental reçoit comme traitement des manœuvres de neuroglissements de type Totten&Hunter.

Une étude plus récente s’est intéressée directement au taux de conversion lié à la rééducation (Lewis et al 2020).

Le taux de conversion est le pourcentage de patients qui ne sont pas opérés alors qu’ils étaient sur liste d’attente en vue d’une opération.  Le taux de conversion était le critère de jugement primaire et le design de l’étude était un essai contrôlé randomisé. Les patients sélectionnés étaient tous sur liste d’attente d’une chirurgie pour le SCC dans les hôpitaux australiens. Le groupe expérimental (49 patients) a reçu des exercices à réaliser à la maison de type Totten&Hunter, couplée à la pose d’une orthèse de nuit ainsi que de l’éducation adapté au problème. Ils sont néanmoins restés sur la liste en attente de chirurgie. Le groupe contrôle (51 patients) est resté sur liste d’attente le temps de l’étude (donc les patients au sein de l’étude correspondent bien à une population générale qui pourrait être ciblée par cette intervention). Une prise des mesures a été faite à 6 et à 24 semaines après le début de l’étude.

Alors que le traitement administré par les kinésithérapeutes lors de cette étude n’est pas le meilleur (nous en parlerons juste après) qui a été évalué sur ces dernières années et que l’adhérence (observance) du groupe expérimental est très médiocre voir mauvaise, 41% des patients du groupe expérimental n’ont plus eu besoin de se faire opérer alors que seul 20% du groupe contrôle n’ont pas eu besoin de se faire opérer.

L’analyse secondaire des auteurs montre que tous les SCC considérés comme sévères par ENMG, se font tous opérer dans le groupe contrôle (11/11) et la majorité se fait opérer dans le groupe expérimental (8/12). 

Les données semblent en accord avec des études plus anciennes comme celle de O’Brien de 2013. 

ROZMARYN, Leo M., DOVELLE, Sam, ROTHMAN, Esther R., et al. Nerve and tendon gliding exercises and the conservative management of carpal tunnel syndrome. Journal of Hand Therapy, 1998, vol. 11, no 3, p. 171-179.

KOSTOPOULOS, Dimitrios. Treatment of carpal tunnel syndrome: a review of the non-surgical approaches with emphasis in neural mobilization. Journal of bodywork and movement therapies, 2004, vol. 8, no 1, p. 2-8.

TAL-AKABI, A. et RUSHTON, A. An investigation to compare the effectiveness of carpal bone mobilisation and neurodynamic mobilisation as methods of treatment for carpal tunnel syndrome. Manual Therapy, 2000, vol. 5, no 4, p. 214-222.

LEWIS, Karina J., COPPIETERS, Michel W., ROSS, Leo, et al. Group education, night splinting and home exercises reduce conversion to surgery for carpal tunnel syndrome: a multicentre randomised trial. Journal of Physiotherapy, 2020.

O’BRIEN, Lisa, HARDMAN, Alison, et GOLDBY, Sharon. The impact of a hand therapy screening and management clinic for patients referred for surgical opinion in an Australian public hospital. Journal of Hand Therapy, 2013, vol. 26, no 4, p. 318-322.

Dans l’étude de Hamzeh et al 2020, aucun patient n’a eu besoin de recourir à la chirurgie et cela même un an après la fin de leur étude interventionnelle 

HAMZEH, Hayat, MADI, Mohammad, ALGHWIRI, Alia A., et al. The long-term effect of neurodynamics vs exercise therapy on pain and function in people with carpal tunnel syndrome: A randomized parallel-group clinical trial. Journal of Hand Therapy, 2020

Que conclure ? La kiné est utile pour diminuer le taux de personnes ayant besoin de se faire opérer du SCC, mais lorsque l’atteinte est sévère le traitement conservateur semble être peu efficace. Or les neuropathies sont des atteintes évolutives, il semblerait donc que plus la prise en charge est précoce, plus on peut avoir un impact significatif afin de diminuer le nombre de personnes ayant besoin de se faire opérer. (comprendre : les médecins généralistes, pouvez-vous envoyer les patients assez tôt en séances avec un kinésithérapeute ? )

ET SI LA KINÉSITHÉRAPIE ÉTAIT MEILLEURE QUE LA CHIRURGIE ?

Ne vous inquiétez pas les chirurgiens auront encore du travail, ils sont utiles pour pleins de choses, mais si les recommandations se basent sur les études bien menées, ils auront sûrement des opérations plus stimulantes que des libération de nerf médian. Peut être que certains rouleront plus en Fiat Punto plutôt qu’en Ferrari 

(ceci est une blague canalisez-vous)

Voilà ce que disent TOUTES LES ÉTUDES comparant le traitement chirurgical au traitement conservateur bien mené pour la prise en charge du SCC. On peut dire que c’est une revue systématique sans méta-analyse comparant la chirurgie à la kinésithérapie dans la prise en charge du SCC.

Les 2 premières études incluent chacune une centaine (100/120) de patients répartis en deux groupes équivalents, ont été menées par Fernandez  De Las Penas (FDLP) et al. 2015 puis De Las Penas et al 2017. Ces études comparent la prise en charge par kinésithérapie à une prise en charge chirurgicale. Ces deux études ont une bonne qualité méthodologique notée à 8/10 selon l’échelle PEDro.

Concernant la première étude, tous les individus inclus ne sont que des femmes. Le critère de jugement principal est le BCTQ. Le groupe expérimental reçoit un traitement neurodynamique, une fois par semaine pendant 3 semaines, constitué de libérations d’interfaces ainsi que de mobilisations cervicales (CLG) et d’exercices « d’étirement » des muscles cervicaux à faire sur le moyen terme. Tous les sites potentiels de compression du nerf médian ont été traités manuellement afin de standardiser le traitement. Une prise des mesures a été effectuée à 1, 3, 6, 12 mois après l’intervention. Des exercices de neuroglissements de type Totten et Hunter sont expliqués aux patients pour qu’ils puissent les réaliser chez eux.

L’étude montre après 1 mois de traitement par thérapie manuelle, une amélioration statistiquement significative et une supériorité statistiquement significative, par rapport au groupe contrôle ayant reçu le traitement chirurgical, sur la fonction, la sévérité des symptômes et la force de préhension. Les résultats restent supérieurs de manière statistiquement significative pour le groupe expérimental jusqu’à 3 mois. De 6 à 12 mois le groupe ayant reçu le traitement chirurgical montre une amélioration progressive et on ne retrouve plus de différence statistiquement significative. Il n’y a pas de différence cliniquement significative (MCID) concernant le BCTQ avant et après l’étude même si la différence cliniquement significative est très proche du seuil de détection. 

Le traitement manuel semble donc aussi efficace et les résultats plus rapides que le traitement chirurgical pour la prise en charge du SCC non sévère chez une population féminine.

Concernant la deuxième étude, le modèle méthodologique est strictement le même que l’étude précédente, seuls quelques exercices cervicaux ainsi que la  thérapie manuelle ont été ajoutés. Le critère de jugement principal est le seuil de douleur à la pression. Le critère de jugement qui nous intéresse est l’étude de la douleur par échelle numérique de la douleur (NPRS).

Les résultats de l’étude montrent une supériorité statistiquement significative du groupe expérimental sur le moyen terme (3 mois) sur le critère de la douleur. Aucune différence statistiquement significative n’est retrouvée sur le moyen terme (1 an de suivi) entre le groupe recevant le traitement chirurgical et le groupe expérimental recevant le traitement manuel sur la douleur et les autres critères de jugement. L’amélioration de la douleur est cliniquement significative sur le long terme. Concernant les autres critères de jugement on remarque une supériorité statistiquement significative en faveur du groupe recevant le traitement manuel, pour le critère de jugement lié au seuil douloureux à la pression au canal carpien, à 1 an. Pour les autres critères de jugement, aucune différence statistiquement significative n’est observée.

FERNÁNDEZ-DE-LAS PEÑAS, César, ORTEGA-SANTIAGO, Ricardo, ANA, I., et al. Manual physical therapy versus surgery for carpal tunnel syndrome: a randomized parallel-group trial. The Journal of Pain, 2015, vol. 16, no 11, p. 1087-1094.

FERNANDEZ-DE-LAS-PENAS, Cesar, CLELAND, Joshua, PALACIOS-CEÑA, María, et al. The effectiveness of manual therapy versus surgery on self-reported function, cervical range of motion, and pinch grip force in carpal tunnel syndrome: a randomized clinical trial. journal of orthopaedic & sports physical therapy, 2017, vol. 47, no 3, p. 151-161.

Qu’est-ce que cela donne sur le long terme ? 

L’étude de De Las Penas et al 2020 a répondu à cette question, elle est la continuité de l’étude de 2015. Malgré les 3 ans de suivi sans traitement manuel par un kinésithérapeute, les bénéfices ressentis obtenus pendant l’étude sont maintenus sur le long terme.

CE traitement de kinésithérapie semble au moins aussi efficace que la chirurgie dans la prise en charge des patients ayant un SCC. Tous les stades de gravité ont été inclus dans l’étude et aucune analyse secondaire n’a pu analyser si un sous-groupe évoluait différemment des autres.

FERNÁNDEZ-DE-LAS-PEÑAS, César, ARIAS-BURÍA, José L., CLELAND, Joshua A., et al. Manual Therapy Versus Surgery for Carpal Tunnel Syndrome: 4-Year Follow-Up From a Randomized Controlled Trial. Physical Therapy, 2020, vol. 100, no 11, p. 1987-1996.

Au vu de la balance bénéfice/risque, la chirurgie n’est pas la solution la plus recommandée en première intention. On peut dire que l’opération est complémentaire à la kinésithérapie et non l’inverse. Comme le préconise “The Royal College of Surgeons of England and British Orthopaedic Association”, la prise en charge chirurgicale du SCC idiopathique ne devrait arriver qu’après une prise en charge par traitement conservateur bien mené. Petit rappel sur les risques et effets iatrogènes, qui sont TRES RARES (<1%)  suite à  la prise en charge chirurgicale de cette atteinte : Sepsis, SDRC ( algoneurodystrophie ), perte de force dans le poignet, lésions nerveuse ou vasculaires ou tendineuses, douleurs en lien avec la cicatrice.

The Royal College of Surgeons of England and British Orthopaedic Association. Commissioning guide: Treatment of carpal tunnel syndrome. London, United Kingdom. 2017.

LANE, Jennifer CE, CRAIG, Richard S., REES, Jonathan L., et al. Serious postoperative complications and reoperation after carpal tunnel decompression surgery in England: a nationwide cohort analysis. The Lancet Rheumatology, 2021, vol. 3, no 1, p. e49-e57

ZHANG, Dafang, BLAZAR, Philip, et EARP, Brandon E. Rates of complications and secondary surgeries of mini-open carpal tunnel release. HAND, 2019, vol. 14, no 4, p. 471-476..

 

Ces dernières données montrent que le traitement effectué par les kinésithérapeutes est au moins aussi efficace que le traitement chirurgical, pas plus efficace. Cependant il manque l’analyse de l’aspect économique. 

Fernandez De Las Penas a encore une fois effectué une étude sur le SCC et cette fois-ci il a analysé et comparé le coût d’un traitement conservateur et d’un traitement chirurgical.

FERNANDEZ-DE-LAS-PENAS, Cesar, ORTEGA-SANTIAGO, Ricardo, DÍAZ, Homid Fahandezh-Saddi, et al. Cost-effectiveness evaluation of manual physical therapy versus surgery for carpal tunnel syndrome: evidence from a randomized clinical trial. journal of orthopaedic & sports physical therapy, 2019, vol. 49, no 2, p. 55-63.

Cette analyse économique est la continuité et la suite de son étude de 2015. Sur les 118 patients inclus dans l’étude économique, nous retrouvons de grandes différences entre les deux groupes. Le groupe bénéficiant de la kinésithérapie montre un coût de prise en charge nettement moins élevé que le groupe bénéficiant de la chirurgie. Le groupe bénéficiant de la kinésithérapie montre également moins de jours d’arrêt. Il existe un total de 155 000€ de différence entre les deux groupes, comprenant les coûts directs et indirects énoncés dans l’étude. 52 personnes du groupe bénéficiant de la chirurgie ont eu un arrêt de travail alors que seulement 2 du groupe bénéficiant de la kinésithérapie en ont eu … 

J’espère que des personnes travaillant à la sécurité sociale ont pu lire ce petit paragraphe et me donneront un petit million sur les dizaines de millions d’euros qu’ils feront d’économie. Si nous calculons le coût de prise en charge du SCC en France et que l’on applique un taux de conversion similaire aux données actuelles et que l’on applique les potentiels économies retrouvées par les études de FDLP, nous pouvons observer qu’une petite centaine de millions d’euros peut être économisée si le parcours de soin des patients était amélioré. 

La kinésithérapie semble plus intéressante que la chirurgie dans la prise en charge de la plupart des SCC idiopathiques grâce à l’analyse des coûts ainsi que l’analyse du ratio bénéfice/risque, alors qu’en terme d’efficacité aucune des deux méthodes ne semble être supérieure à l’autre sur le long terme.  

Mon opinion : la chirurgie est indispensable afin d’aider les patients ayant un SCC spécifiques, peut-être faudrait-il privilégier le traitement conservateur dans un premi

er temps.

LA KINÉSITHÉRAPIE OUI MAIS LAQUELLE ? ET COMMENT CELA FONCTIONNE 

Dans cette partie décortiquons quel traitement a été efficace pour les patients atteints de SCC et nous explorons comment ce traitement fonctionne, quels éléments montrent qu’il fonctionne. 

Je ne transmets  ici QUE LES DONNÉES AYANT DÉMONTRÉ UNE RÉELLE EFFICACITÉ PROPRE et je me refuse de donner tous les “tips” cliniques que j’ai car certains peuvent ne pas être adaptées à vos patients. Par exemple avec certains patients que j’ai pu avoir au cabinet pour cette problématique, on a pu tenter de gérer la position de sommeil pour moins de contraintes sur le membre durant la nuit car les réveils nocturnes semblaient sensibiliser le Système Nerveux, le port d’une attelle de nuit, l’utilisation d’une souris ergonomique, la prise de médicaments le soir, des mouvements cervicaux pour d’autres … La limite reste que les données sont partageables, exploitables et réfutables, alors que les tips que je viens de vous ai cités, malheureusement sont beaucoup moins généralisables qu’un traitement analysé de manière rigoureuse. Donc vous pouvez aider vos patients comme vous le souhaitez, ce qui va suivre n’est pas une obligation mais uniquement le meilleur identifié à ce jour pour ce problème identifié.

Voici la description de la thérapie manuelle utilisée dans les études de FDLP afin d’aider les patients atteints de SCC idiopathiques. La base des traitements de kinésithérapie présentée ici est appelée « Neurodynamique ». 

La neurodynamique est un concept qui étudie les relations entre la mécanique et la physiologie du système nerveux. Elle permettrait selon les principaux auteurs, d’« évaluer et de traiter des états douloureux où l’intégrité physique du système nerveux est en cause. Il ne s’agit pas d’une méthode censée remplacer les techniques manuelles employées habituellement, mais plutôt d’un adjuvant qui permet de mesurer le degré d’implication du système nerveux dans les problèmes et de proposer le traitement le plus adéquat ». La biomécanique des tissus nerveux serait liée à la justification de l’utilisation du concept neurodynamique (ND) dans la prise en charge de neuropathies compressives. Le concept ND comprend un ensemble de techniques diagnostiques (Test neurodynamique de mécanosensibilité neurale) et de traitement (mobilisation du système nerveux et/ou de ses interfaces)

Ci-dessous les différentes techniques manuelles ainsi que les détails en anglais : LA RECETTE 

Le plus beau c’est que ces manœuvres ont un réel effet thérapeutique propre que l’on sait mesurer et que l’on connaît. J’insiste sur ce point car j’ai pu entendre pleins de choses différentes et très souvent non sourcées comme le fait que ce ne serait « que » de la modulation de symptôme non spécifique ou alors que « nous ne connaissons pas les effets… « . Si vous aussi vous avez déjà entendu cela c’est dommage car c’est faux.

Pourquoi ça fonctionne et comment ça fonctionne

Voici les effets démontrés des mobilisations neurales (neuroglissements et/ou neurotensions) sur le système nerveux :

  • Diminution de l’inflammation et de l’activation des cellules gliales dans le système nerveux central (Rat)

GIARDINI, Aline Carolina, SANTOS, Fabio Martinez dos, DA SILVA, Joyce Teixeira, et al. Neural mobilization treatment decreases glial cells and brain-derived neurotrophic factor expression in the central nervous system in rats with neuropathic pain induced by CCI in rats. Pain Research and Management, 2017, vol. 2017.

  • Améliore les conditions du milieu pour une meilleure régénération nerveuse (Rat)

DA SILVA, Joyce Teixeira, SANTOS, Fabio Martinez dos, GIARDINI, Aline Caroline, et al. Neural mobilization promotes nerve regeneration by nerve growth factor and myelin protein zero increased after sciatic nerve injury. Growth Factors, 2015, vol. 33, no 1, p. 8-13.

  • Diminue les allodynies et est suivi par une baisse de la production de cytokines inflammatoires (Rat) 

Zhu, G. C., Tsai, K. L., Chen, Y. W., & Hung, C. H. (2017). Neural mobilization attenuates mechanical allodynia and decreases proinflammatory cytokine concentrations in rats with painful diabetic neuropathy. Physical therapy, 98(4), 214-222.

  • Amélioration de la perfusion nerveuse post-manoeuvre. Cependant si l’allongement est léger les effets sont bénéfiques mais si l’allongement est important nous observons une altération de la fonction nerveuse et de la perfusion post –étirement (Lapin)

  

DRISCOLL, Peter J., GLASBY, Michael A., et LAWSON, Graham M. An in vivo study of peripheral nerves in continuity: biomechanical and physiological responses to elongation. Journal of Orthopaedic Research, 2002, vol. 20, no 2, p. 370-375.

  • Diminution de l’œdème périneural. La diminution de l’œdème neural est corrélé avec une diminution des symptômes. On observe une dispersion des fluides neuraux après mobilisation neurale. La dispersion du fluide semble dépendante de la zone traitée. (cadavre et patients humains vivants)

BOUDIER-REVÉRET, Mathieu, GILBERT, K. K., ALLÉGUE, D. R., et al. Effect of neurodynamic mobilization on fluid dispersion in median nerve at the level of the carpal tunnel: A cadaveric study. Musculoskeletal Science and Practice, 2017, vol. 31, p. 45-51. 

BROWN, Cynthia L., GILBERT, Kerry K., BRISMEE, Jean‐Michel, et al. The effects of neurodynamic mobilization on fluid dispersion within the tibial nerve at the ankle: an unembalmed cadaveric study. Journal of Manual & Manipulative Therapy, 2011, vol. 19, no 1, p. 26-34.

SCHMID, Annina B., ELLIOTT, James M., STRUDWICK, Mark W., et al. Effect of splinting and exercise on intraneural edema of the median nerve in carpal tunnel syndrome—an MRI study to reveal therapeutic mechanisms. Journal of orthopaedic research, 2012, vol. 30, no 8, p. 1343-1350.

  • Gain sur la force et de fonction nerveuse chez des patients atteints de SCC même 6 mois après la fin du traitement.

WOLNY, Tomasz et LINEK, Pawel. Long-term patient observation after conservative treatment of carpal tunnel syndrome: a summary of two randomised controlled trials. PeerJ, 2019, vol. 7, p. e8012.

  • L’action de ces manœuvres semble également avoir un impact plus sur la physiologie nerveuse que sur ses propriétés mécaniques. Après 6 séances de neuromobilisations, les patients montrent une amélioration cliniquement significative de leurs symptômes alors qu’aucun paramètre observable à l’échographie ne semble avoir de modification significative. Les auteurs observent toutefois des modifications centrales.

PAQUETTE, Philippe, HIGGINS, Johanne, et GAGNON, Dany H. Peripheral and Central Adaptations After a Median Nerve Neuromobilization Program Completed by Individuals With Carpal Tunnel Syndrome: An Exploratory Mechanistic Study Using Musculoskeletal Ultrasound Imaging and Transcranial Magnetic Stimulation. Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics, 2020, vol. 43, no 6, p. 566-578.

  • Les techniques de mobilisation du nerf tibial sur les patients diabétiques, contribuent à améliorer la vitesse de conduction du nerf et donc améliorent la fonction nerveuse. Trois semaines de techniques de mobilisation du nerf tibial sur les patients ont permis une amélioration significative de la vitesse de conduction du nerf chez ces patients sans causer de gêne ni aggraver aucun symptôme.

DOSHI, Mansi K., SINGARVELAN, R. M., et al. Effect of Tibial Nerve Mobilization on Nerve Conduction Velocity in Diabetic Neuropathy Patient. International Journal of Health Sciences and Research, 2019, vol. 9, no 5, p. 218-224.

Avant de conclure je voudrais préciser que les traitements présentés sont très « tissus centrés ». Cela permet de traiter un potentiel SCC idiopathique compressif au niveau du poignet. C’est une partie d’un savoir-faire qu’il faut coupler avec un savoir-être afin d’aider les patients, sans oublier de réaliser correctement son évaluation, trier les informations pertinentes lors d’un interrogatoire. C’est à vous de piocher dans les techniques présentées et ajuster le traitement à vos patients selon la sensibilité de son système nerveux, les comorbidités, les contre-indications. Ce traitement n’est pas valable pour toutes les neuropathies compressives. 

Par exemple, pour les neuropathies du nerf scapulaire chez les athlètes, certains exercices bien dosés sont très efficaces et suffisent à gérer le problème.

 Salles, J. I., Guimarães, J. M., Filho, G. M., & Morrissey, D. (2018). Effect of a specific exercise strategy on strength and proprioception in volleyball players with infraspinatus muscle atrophy. Scandinavian journal of medicine & science in sports, 28(9), 2093-2099. bisous

Fin du billet vous êtes désormais des apprentis sorciers. Vous saurez prendre les précautions lorsque vous serez face à ce syndrome et en plus vous saurez le traiter, c’est pas génial ça ?

Récapitulatif du problème actuel et conclusion

En 2008, l’incidence des interventions pour une libération du nerf médian (personnes âgées de plus de 20 ans) en France métropolitaine était de 2,7/1000 (respectivement 3,6 et 1,7/1000 pour les femmes et les hommes), soit 141 268 interventions chez 127 269 personnes. La disparité départementale (1,1 à 5,5/1000 pour les 20–59 ans) est « significativement et positivement associée à la densité départementale de chirurgiens pratiquant ces interventions, la part des ouvriers, la part des emplois dans l’industrie et négativement aux densités de kinésithérapeutes, de rhumatologues et de généralistes » 

Notre objectif en tant que collectivité est d’améliorer la qualité des soins, individualiser les soins, minimiser les risques et diminuer les coûts de soin sans altération de sa qualité. Les recommandations de bonne pratique devraient donc s’ajuster sur les données actuelles et les kinésithérapeutes devraient se trouver au centre du parcours de soin du patient (triage/intervention conservatrice). La chirurgie ne devrait être proposée qu’en cas de SCC spécifique ou lorsqu’un traitement conservateur bien réalisé a été proposé. Les prescripteurs devraient en être informés afin que les patients puissent en bénéficier, les traitements avec une faible valeur ajoutée devraient être remplacés par ceux présentant  une haute valeur ajoutée. (high value care) 

Cependant il faudrait aussi que les kinésithérapeutes acquièrent les connaissances ainsi que les compétences permettant de prendre en charge ce trouble, connaître les différents diagnostics différentiels, les facteurs de risque afin de proposer des soins ayant une haute valeur ajoutée, car toutes les interventions ne se valent pas et de nombreuses croyances malheureusement trop répandue nous décrédibilisent face à une médecine qui se veut efficiente, factuelle, raisonnée, individualisée

En effet, la kinésithérapie bien menée semble moins chère, au moins aussi efficace, plus sûre que la chirurgie, qui cette dernière a été démontrée comme efficace.

Du coup, pourquoi nous, kinésithérapeutes, sommes-nous négligés du parcours de soin des personnes atteintes du syndrome du canal carpien ? 

Bah moi j’en sais rien…

 

 

 

Merci à vous d’avoir lu cette série de billets jusqu’au bout, je ne peux que vous encourager à partager cet article si vous pensez qu’il peut faire changer la prise en charge de ce trouble, en espérant que des retombées positives se fassent pour notre profession mais surtout pour les patients, car si les autorités de santé françaises se penchent sur les données : LA KINÉSITHÉRAPIE EST ESSENTIELLE

 

POUR LA PARTIE 1 cliquez ICI

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Syndrome du canal carpien, quelques bases de compréhension. 1/3

 

Syndrome du canal carpien, pourquoi sommes-nous négligés du parcours de soin ? 

Par Bryan Littré, remerciements et aide à la relecture : Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke, Marie Akrich, Antoine Massuleau, Benjamin Heng

Avez-vous remarqué ce titre aguicheur ? Malheureusement il est véridique. Le syndrome du canal carpien est une atteinte autour de laquelle beaucoup de croyances existent, au même titre que la plupart des névralgies. J’ai pu m’en rendre compte durant l’élaboration de mon mémoire de fin d’étude de kiné qui a mené à cette publication :

Neurodynamique et neuropathie compressive du membre supérieur : revue systématique

Le but de cette série d’articles est de faire une mise à jour détaillée autour du syndrome du canal carpien (SCC).  Nous devons donc nous baser sur des connaissances qui reflètent le mieux notre savoir partageable sur ce sujet, voilà pourquoi tout cet article sera soutenu par la littérature scientifique. Pour prendre des bonnes décisions il faut déjà commencer par avoir de bonnes données, « si on a des données merdiques on fait de la merde »

Je tiens juste à préciser que les problèmes nerveux font partie d’un de mes domaines d’expertise et dispensant des formations pour professionnels de santé dans la prise en charge des neuropathies, névralgies, traitement neurodynamique et syndrome canalaires. Ayant donc des liens d’intérêts, toute donnée présentée sera soutenue par des données de la littérature scientifique, ce qui me semble le minimum même si je n’avais aucun lien d’intérêt, car nous allons discuter de santé pas de cuisine et dans la santé, la vie ou la qualité de vie des gens est en jeu. 

Cette petite première partie est un préambule afin d’avoir une base épistémique afin de mieux maitriser les deux autres billets qui vont suivre. La seconde partie traitement des spécificité du canal carpien et la dernière du traitement le plus approprié décris en détails.

En 1997, un groupe de travail français a tenté de définir le syndrome du canal carpien (SCC)

« Pour le groupe de travail, le syndrome du canal carpien est l’ensemble des symptômes ressentis par le patient et des signes constatés par le médecin. Plusieurs facteurs, imparfaitement définis, interviendraient dans les contraintes subies par le nerf médian dans la traversée du canal carpien (compressions, tractions ou autres). À côté de la compression chronique du nerf médian au niveau du canal carpien, il existe également des formes rares : compressions isolées de la branche motrice (transligamentaires) et compressions aiguës. Lorsque aucune cause n’est retrouvée, le syndrome du canal carpien est dit « idiopathique » (cas le plus fréquent). – Les critères cliniques ne sont pas pathognomoniques mais sont souvent évocateurs du syndrome du canal carpien. Il existe des critères électromyographiques pathognomoniques, mais inconstamment présents. L’aspect macroscopique per-opératoire est souvent normal, sauf dans les formes sévères. Il n’y a pas de signe anatomo-pathologique pathognomonique du syndrome du canal carpien. »

Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé. (1997). Stratégie des examens paracliniques et des indications thérapeutiques dans le syndrome du canal carpien. Recommandations et références médicales, 201-13.

Cette définition est à mon sens l’une des plus juste et adaptée au vu des données de l’époque. Ce groupe semblait tout à fait comprendre ce qu’était un syndrome du canal carpien. En effet, même si nous pourrions croire que c’est simple de créer cette définition, il y a des subtilités extrêmement importantes pouvant amener à des erreurs de compréhension de ce que sont les neuropathies et les névralgies, et ces erreurs ont été faites durant les dernières recommandations HAS de 2012. 

Ce n’est qu’un syndrome

Voici ma définition du syndrome du canal carpien : Les SCC correspondent à une plainte se présentant au moins par des douleurs neuropathiques ou des névralgies et/ou neuropathies en regard du territoire du nerf médian, à partir du canal carpien, accompagnées plus ou moins d’acroparesthésies nocturnes. Cette description est à la fois la plus large et la plus précise.

La simple notion de syndrome est problématique car fourre-tout. A la fois elle peut être utile pour étiqueter certains patients en les mettant dans des cases de par leur schéma clinique, mais justement cet étiquetage peut nous amener à perdre en précision et diminuer la qualité des soins. 

Explorons les notions de maladie, syndrome et symptôme à travers l’épistémologie afin de comprendre toute la subtilité du propos. Nous avons donc besoin de définitions.

L’épistémologie est une branche de la philosophie qui a pour objet l’étude critique des postulats, conclusions et méthodes d’une science particulière, considérée du point de vue de son évolution afin d’en déterminer l’origine logique, la valeur et la portée scientifique et philosophique (cf. philosophie* des sciences, empirisme* logique).

Diagnostic : l’origine étymologique du mot “diagnostic” nous vient du grec DIA – « séparément » et GIGNOSKEIN « savoir, percevoir, penser, juger »

Un diagnostic, c’est donc l’art d’identifier une maladie d’après ses signes, ses symptômes. Cela peut être définie également comme une conclusion, généralement prospective, faisant suite à l’examen analytique d’une situation souvent jugée critique ou complexe.

Qu’est ce qu’un symptôme ? Un symptôme est la manifestation spontanée d’un état ou d’une maladie permettant de la déceler, qui est perçue subjectivement par le sujet ou constatée objectivement par un observateur.

Je vous propose un petit exemple :

  • des sueurs,
  • une pâleur,
  • une fringale,
  • une vision floue,
  • des tremblements,
  • une sensation de faiblesse,
  • des troubles de l’humeur (tristesse, agressivité ou euphorie).

Sont les symptômes de l’hypoglycémie. Cependant, pour une même atteinte / maladie, les signes et symptômes peuvent totalement devenir différents selon la durée de l’atteinte et selon le niveau d’atteinte. Par exemple lorsque l’hypoglycémie perdure, une neuroglucopénie peut être observée. 

La neuroglucopénie : elle peut produire une variété d’effets et symptômes survenant pour un seuil glycémique inférieur à 0,50 gl·-1 : sensation de malaise avec asthénie importante, troubles de la concentration intellectuelle, sensation de dérobement des jambes, paresthésie des extrémités, céphalées, impressions vertigineuses, troubles psychiatriques, multiples et trompeurs (confusion aiguë, agitation, troubles de l’humeur et du comportement, état pseudo-ébrieux…), troubles neurologiques sévères (crises convulsives généralisées ou localisées), troubles moteurs déficitaires, troubles visuels à type de diplopie ou de vision trouble.

L’hypoglycémie sévère durable (glycémie inférieure à 0,20 gl·-1 pendant plus de deux heures) peut induire une nécrose cellulaire responsable de séquelles.

Certains médicaments produisent une hypoglycémie, c’est notamment le cas des médicaments anti- diabétiques, comme l’insuline et certains antidiabétiques oraux chez les sujets diabétiques. D’autres médicaments peuvent être mis en cause, comme l’aspirine (essentiellement chez le nourrisson et le petit enfant, à très forte dose), anti-inflammatoires non stéroïdiens, et quinidine.

Les hypoglycémies ont plusieurs catégories de causes : soit un excès d’insuline ; soit un défaut de production de glucose. L’excès d’insuline peut être endogène, lié à un surdosage, le plus souvent tumoral, par une tumeur du pancréas, l’insulinome, une tumeur rare, moins d’un cas pour un million d’individus par an. L’hypoglycémie se rapproche de ce que l’on nomme un syndrome.

Hypoglycémie — Wikipédia (wikipedia.org)

J’espère que vous vous rendez bien compte que pour traiter une hypoglycémie par tumeur du pancréas , ou une parce que Jean-Michel JeNeDéjeunePas fait un petit malaise dans le RER B à 8h04, ne se règlent pas de la même manière ? Bah c’est pareil pour le « syndrome » du canal carpien.

 La subtilité la plus importante pour nous reste la distinction entre syndrome et maladie.

  • Syndrome 

MÉD., PATHOL. Ensemble de signes, de symptômes, de modifications morphologiques, fonctionnelles ou biochimiques de l’organisme, d’apparence parfois disparate mais formant une entité reconnaissable qui, sans présager obligatoirement des causes de ces manifestations, permettent d’orienter le diagnostic.

https://www.cnrtl.fr/definition/syndrome

  • Maladie

[Chez l’homme] Altération de l’état de santé se manifestant par un ensemble de signes et de symptômes perceptibles directement ou non, correspondant à des troubles généraux ou localisés, fonctionnels ou lésionnels, dus à des causes internes ou externes et comportant une évolution.

https://www.cnrtl.fr/definition/maladie#

Pour partir sur de bonnes bases, il est nécessaire de connaître la signification première de ces deux termes, afin de mieux comprendre ce qui se cache derrière. La maladie est une altération ou un trouble d’un organisme vivant. Elle est forcément pathologique. Le syndrome, lui, est un ensemble de symptômes ou de signes cliniques, peut-être pathogène ou non, contrairement à la maladie qui l’est obligatoirement. 

Le patient peut présenter ces symptômes lorsqu’il a une maladie, ou bien lorsqu’il présente des écarts par rapport à la norme. Une maladie est un état pathologique, qui peut avoir plusieurs symptômes. Un syndrome est assez imprécis pour pouvoir intégrer plusieurs diagnostics plus ou moins précis. Et c’est là toute la différence entre les deux termes. Néanmoins, beaucoup de maladies portent le nom de syndrome, comme on peut le voir plus bas. Le syndrome peut aussi être le signe d’une maladie. D’autres fois, il peut être la conséquence.

Dans l’exemple ci-dessus, on voit que l’association céphalées + vomissements + raideur de la nuque + photophobie constitue un syndrome méningé traduisant l’irritation des méninges (plus précisément l’inflammation de l’espace sous-arachnoïdien). Le médecin pratique alors une ponction du liquide céphalo-rachidien qui va l’orienter vers la maladie en cause : hémorragie méningée si le liquide contient du sang, méningite purulente si le liquide est trouble, etc.

Le diagnostic d’une maladie est donc bien différent du syndrome qui est rattaché à elle. Les étapes du raisonnement clinique ne sont pas les mêmes. N’oublions pas non plus qu’un diagnostic est évolutif et que selon les recherches actuelles, les diagnostics établis peuvent devenir obsolètes. Comme le montre l’évolution de la définition de « l’homosexualité », qui a été considérée comme une MALADIE PSYCHIATRIQUE jusqu’en 1974 aux USA et 1992 en France 

http://www.slate.fr/story/41351/homosexualite-maladie 

BRIKI, Malick. Psychiatrie et homosexualité. Presses Univ. Franche-Comté, 2009.

Les diagnostics peuvent se préciser uniquement s’ils se détachent des autres atteintes au sein d’un syndrome. On parlera ici de diagnostic différentiel MAIS  si un syndrome est émis ou mis en évidence, alors le niveau de vigilance devrait être augmenté afin de trier les différentes maladies ou les différentes causes pouvant amener à ce syndrome. La recherche de « causes » est utile uniquement pour des aspects prescriptifs, donc si un traitement adapté à la condition existe et se montre plus efficient ou pertinent. Voici deux exemples différents afin d’illustrer mon propos : le traitement semble identique si un patient est atteint d’un syndrome fémoro patellaire ou d’une tendinopathie patellaire, par contre il peut être différent si il présente un syndrome de traversé thoraco-brachiale suite à une radiculalgie ou suite un une tumeur de l’apex pulmonaire ou Pancoast Tobias.

Le diagnostic différentiel est une méthode permettant de différencier une maladie parmi d’autres qui présentent des symptômes proches ou similaires. Ce processus vise à établir un diagnostic plus sûr via une approche méthodique qui prend en considération tant les éléments permettant d’exclure une maladie que ceux permettant de la confirmer. Le diagnostic différentiel peut aboutir à plusieurs hypothèses impossibles à départager à un instant donné, mais qui seront infirmées ou confirmées au cours du temps ou à l’aide d’examens complémentaires.

http://www.chu-rouen.fr/page/diagnostic-differentiel

Le SYNDROME du canal carpien (SCC) est donc un label, s’exprimant cliniquement d’une manière +/- distincte mais pouvant intégrer une population hétérogène. Ce label a des impacts sociologiques, de reconnaissance, permet de pouvoir ajuster des traitements et d’obtenir un pronostic, des démarches administratives ou des thérapeutiques plus efficaces. 

Le syndrome du canal carpien n’est donc pas forcément une mononeuropathie compressive au niveau du poignet. Le groupe de patients ayant un SCC contient un nombre de patients ayant une mononeuropathie compressive au niveau du poignet, mais également des gens ayant des troubles vasculaires, des troubles neurologiques autres …

 Les définitions de l’incidence et de la prévalence vont nous être utiles pour la suite voici donc leur définition classiquement admise : 

  • L’incidence mesure le nombre de nouveaux cas d’une maladie pendant une période de référence, souvent un an. De manière plus précise, l’incidence est la proportion des individus atteints par une maladie donnée par référence au nombre total de sujets présents dans la population étudiée, non malades au début de l’étude, et cela pendant une période donnée.
  • La prévalence est une mesure de l’état de santé d’une population à un instant donné, pour un problème sanitaire donné. Tout comme un sondage d’opinion, c’est une photographie instantanée, qui ne vaut que pour l’instant étudié. La prévalence d’une affection est calculée en rapportant à la population globale le nombre de malades présents dans cette population, qu’il s’agisse de nouveaux ou d’anciens cas. La prévalence est une proportion, en règle générale exprimée par un pourcentage. C’est un rapport du nombre de cas d’un trouble morbide à l’effectif total d’une population, sans distinction entre les cas nouveaux et les cas anciens, à un moment ou pendant une période donnée.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Incidence_(%C3%A9pid%C3%A9miologie)#:~:text=L%27incidence%20et%20la%20pr%C3%A9valence,%27apparition%20d%27une%20maladie.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9valence

https://www.vocabulaire-medical.fr/encyclopedie/226-frequence-incidence-occurrence-prevalence

Voici la fin de la première partie, permettant de mettre un socle commun pour la suite. Les articles 2 puis 3 explorerons avec finesse les données acquises sur le SCC ainsi que son traitement optimal en kinésithérapie. Sommes-nous légitimes à prendre en charge cette atteinte ?

POUR LA PARTIE 2 cliquez ICI


Thérapie Manuelle vue par les preuves: réponses et précisions.

Aujourd’hui nous retrouvons Gaëtan Henry en réponse à la relecture indépendante de Mr Trudelle Pierre faisant suite à l’article suivant: “Thérapie Manuelle vue par les preuves” : 1- Hypothèses biomécaniques, publié par Kinéfact. Au vu de la réponse rapide et à charge de Mr T, Gaëtan s’est proposé d’émettre une réponse très développée. Nous vous recommandons vivement de lire la première série d’article de Gaëtan avant de s’atteler à celui-ci

Amis de la lecture critique d’article longue et fastidieuse, bonjour.

En avril 2020, j’ai eu l’opportunité de publier sur le site de Kinéfact une série de 3 articles sur la thérapie manuelle. À cette o