La biomécanique des étirements ?

Femme en difficulté pour s'étirer

Aide à la relecture : Benjamin Heng, Anthony Halimi, Robin Vervaeke, Elsa Steinbach

Bryan LITTRE, après un article couronné de succès sur l’examen des douleurs neuropathiques, revient nous étonner avec une nouvelle publication sur les étirements. Son premier billet, lu par plus de 6000 personnes sur notre blog, permettait de mettre au clair un sujet complexe, et nul doute qu’à la lecture de cet article vous trouverez de nouvelles perles de connaissances.

Bonne lecture.


Voici l’histoire de quelques patients que j’ai pu voir sur ces deux dernières années.

  • Mme B1 était une ancienne athlète en Gymnastique Rythmique (GRS) qui, suite à un accident, déclencha un Syndrome Douloureux Régional Complexe à son genou. Ne vous inquiétez pas pour elle, elle va mieux depuis et a même repris le surf !

Cependant une chose intrigante dans cette histoire devrait vous intéresser. Lorsqu’elle s’est blessée à ses 15 ans, elle m’a raconté qu’elle ne savait pas faire les trois grands écarts. Aujourd’hui, à 18 ans alors qu’elle n’a pu faire aucun entrainement et n’a pas réalisé d’étirements depuis 3 ans, elle m’a dit pouvoir en réaliser au moins deux sans difficulté et le troisième presque totalement. Cette période de 3 ans correspond pourtant à la période où elle avait son SDRC.

  • Une autre patiente Mme B2, suite à un traumatisme récent et une longue immobilisation de plus de 4 semaines, se retrouvait avec un genou très douloureux et très peu mobile. Mme B2 n’arrivait pas à plier son genou à plus de 80°, d’abord à cause de la douleur, puis par sensation de réel blocage. Après une technique « magique » (qui s’appelle l’exercice physique intense), elle a gagné environ 20° (à vue d’œil). Elle ressentait moins de raideur durant la flexion, et un blocage n’apparaissant qu’en toute fin d’amplitude articulaire. J’ai également d’autres exemples au cabinet qui m’ont permis, grâce au mouvement imaginé (imagerie motrice) ou parfois  grâce à la thérapie miroir, de retrouver une  plus grande amplitude avec moins de douleur.
  • Un dernier patient Mr DS, 28ans, atteint de paralysie cérébrale depuis la naissance, vient me voir au cabinet suite à un problème au genou. La prise en charge de ce genou se termina rapidement, mais il restait encore quelques séances. Nous les avons donc utilisées afin d’améliorer sa qualité de vie, à sa demande. Il voulait gagner en amplitude articulaire afin de pouvoir marcher plus vite, ou courir. Je me suis donc mis à l’étirer en m’aidant de tout mon poids (90kg) comme un gros bourrin, dans le but de gagner de l’amplitude en dorsiflexion de cheville, extension de genou (ischio-jambiers) et adduction (adducteurs). Croyez-le ou non, mais en 2 semaines, il m’avait déjà signalé une amélioration au niveau de ses sensations dans la vie courante, et pouvait désormais poser le talon au sol (ce qui n’avait pas été possible depuis des années).

Je ne crois pas que ce soit en 4 fois 45 minutes de séances comprenant des étirements de tout le corps et quelques exercices qui ont permis d’allonger ses tissus. Je ne pense pas être assez fort pour cela. En plus, il avait déjà effectué beaucoup de séances d’étirements étant jeune, mais cela ne l’avait pas empêché d’avoir besoin de différentes ténotomies (Achilles, Adducteurs). Par contre, nos séances semblent avoir amélioré sa condition de manière observable et objectivable (dorsiflexion de cheville, SLUMP actif) Afin d’étirer le mollet de ce patient, j’avais pris comme option une position en décubitus ventral, son genou fléchi à 90°. Je posais alors mes avant-bras sur son pied et me servais de mon poids de corps afin de l’amener vers la dorsiflexion. Cette manœuvre, qui était perçue comme douloureuse les premières séances, ne l’était plus quelques semaines après.

Quels concepts théoriques à propos des étirements pourraient expliquer que cette patiente B1 parvienne à réaliser des mouvements qui ne sont accessibles dans l’imaginaire collectif que grâce à des étirements longs, fastidieux et intenses ?

Quels éléments expliqueraient qu’elle atteigne le stade ultime de souplesse sans travail ?

Quel(s) effet(s) de mes techniques pourrai(en)t expliquer l’amélioration de l’état de Mr DS ?

Peu importe la raison pour laquelle vous faites des étirements : le but de ce billet n’est pas de vous dire quoi faire dans vos cabinets. Le but de ce billet est d’analyser à travers la littérature ce qui pourrait soutenir leur utilisation. Quelles théories testables pourraient expliquer certaines de nos observations cliniques : quand « je mets en course externe » le membre du patient, l’amplitude articulaire disponible peut se retrouver augmentée.

Que ce soient des étirements statiques, dynamiques, les contractés relâchés … Ils sont tous analysés dans la littérature. Ce billet va tenter de répondre à toutes ces questions en s’appuyant sur la littérature en question.

Avant de décrire les deux plus grandes théories actuelles et les problématiques autour de ces théories, il s’impose un récapitulatif des termes liés au sujet des étirements.

Le terme « flexibility » signifie souplesse en français.

« La souplesse est cette capacité et qualité qu’a un être vivant de pouvoir exécuter des mouvements de grande amplitude articulaire par lui-même, ou sous l’influence d’une force extérieure » selon Weineck. La souplesse n’implique pas forcément une déformation du matériau analysé, ou une modification de ses propriétés rhéologiques ou mécaniques.

Le terme de souplesse est donc plus approprié pour nous français car il n’est pas fermé, et permet d’inclure toutes sortes d’éléments, laissant une probabilité non nulle à certaines théories d’exister sans en mettre une plus en avant. Il appartient donc à la recherche de mettre en avant ces facteurs. La flexibilité n’est pas à confondre avec l’extensibilité.

Lextensibilité est la qualité et la propriété qu’ont certains corps d’être extensibles. C’est à dire qui peuvent s’étendre ou être étendu. Ils peuvent être susceptibles d’allongement par addition d’éléments identiques ou ont la possibilité d’être rallongés. L’extensibilité implique donc forcément une modification du matériau étudié.

La mécanosensibilité neurale est un sens lié à la perception de la contrainte mécanique subie par le tissu neural. Dit simplement, c’est le système d’alerte du nerf, concernant les sollicitations mécaniques. Il peut être appelé « tolérance à l’étirement » (Coppieter 2016 ; Schmid et coll. 2018). Si vous voulez en savoir plus sur la mécanosensibilité neurale, nous en avons déjà parlé dans un ancien post.

La mécanosensibilité neurale est le phénomène pouvant expliquer en partie les diminutions d’amplitude articulaire supportables liées à certaines positions (lors d’un SLUMP ou d’un SLR), chez les gens sains ou ayant des névralgies. La mécanosensibilité neurale peut être vue comme le système d’alerte intrinsèque au système nerveux périphérique, modulé par les stimulations chimiques et mécaniques.

Voici deux des théories les plus diffusées, tentant d’expliquer le gain d’amplitude après des positions en allongement de membre :

  • Théorie neuro-sensorielle : Cette théorie impliquerait des modifications du système nerveux, que ce soit dans la tolérance à l’étirement, à la douleur, ou dans la modification du réflexe myotatique. (Moltubalkk 2019)
  • Théorie mécanique : Cette théorie implique des modifications du complexe muscle-tendon au travers de leurs propriétés visco-élastiques, suite à des contraintes tensiles. Que ce soit de part la longueur des fascicules, l’angle de pennation des fibres musculaires, la longueur du tendon au repos, la composition en collagène des tissus … Cela implique également une notion de temps, et de modification des propriétés visco-élastiques du tissu étudié : plus on en fait, plus le tissu est extensible. (Moltubakk 2019)


Ces théories ne sont pas forcément concurrentes et peuvent coexister. Un élément essentiel à ne pas oublier, c’est que la biomécanique permet de réfuter les théories mécaniques.

De nombreuses études ont montré que le lien entre biomécanique et clinique n’était pas aussi simple qu’on pouvait le penser, comme le fait qu’il existe peu ou pas de lien entre posture et douleur, ou l’existence d’anomalies à l’imagerie médicale pourtant asymptomatiques pour les patients. Nous en avions déjà parlé ici.

Au sein de la multitude de critères de jugement possibles, en existe –t-il des plus pertinents ?

OUI

Seule l’étude de l’architecture du complexe muscle-tendon semble pertinente afin de vérifier si il s’est produit une action mécanique ayant une répercussion sur les propriétés du tissu. Cela passe par l’imagerie médicale (l’échographie ou l’IRM), en étudiant par exemple la longueur des fascicules, parfois au travers de l’angulation de ces derniers (angle de pennation). De plus, on aura du mal à différencier ces éléments si l’architecture musculaire est dépendante de l’activité myoélectrique du muscle.

La « raideur musculaire » n’est pas un critère de jugement pertinent. En effet, les contractions musculaires liées à une stimulation nerveuse ne peuvent être exclues (« muscle stiffness » par le calcul du module d’élasticité grâce à l’élastrographe). Il en est de même pour la mesure du couple de force à un angle donné (« peak torque angle »). Tout d’abord, parce que la modification de la raideur peut être liée à une augmentation de la tolérance à l’étirement (théorie neuro-sensorielle), indiquant que le complexe muscle-tendon peut tolérer une tension passive plus importante après l’intervention. Cette modification pourrait également être due à un changement des propriétés mécaniques du complexe musculo-tendineux (par exemple, la diminution de la rigidité des tissus) ou de sa géométrie (par exemple. l’augmentation de la longueur des fascicules)


L’amplitude articulaire (Range of Motion : ROM) n’est pas adaptée, car elle ne permet pas de trancher quant à l’implication des théories sur les études. Cependant, nous sommes sûrs d’une chose : faire des assouplissements permet d’obtenir un gain d’amplitude.

Concernant la théorie neuro-sensorielle, l’ENMG serait pertinent afin d’évaluer uniquement l’existence d’un changement au sein du réflexe myotatique. Il permettrait également de vérifier l’état contractile du muscle étudié tout le long d’un étirement. Ce critère ne permet malheureusement pas d’analyser la tolérance à l’étirement.


Afin d’étayer ce propos, intéressons-nous à quelques études. La revue de Bonser, Hancock et coll. a proposé la problématique : « Dans une population active, quel-est l’effet de la mobilisation neurodynamique par rapport à l’étirement ou la facilitation proprioceptive neuromusculaire (PNF ou contracté relâché) ? »
Celle-ci a pu extraire trois études, 1 comparative et 2 essais contrôlés randomisés. Si je me base sur ses critères pour faire une revue en 2019, une dernière étude vient étoffer les données existantes. Voici ce qui ressort selon chaque étude :

  • Pour Castellote-Caballero et al, il y a une supériorité des manœuvres neurodynamiques comparativement à un étirement statique concernant l’amplitude articulaire des membres inférieurs (souplesse des ischio-jambiers). Cette étude était la plus rigoureuse méthodologiquement ainsi que celle ayant la puissance statistique la plus importante. Cela est lié en partie au nombre important de patients présents au sein de l’étude.
  • Pour Pagare et al, il n’y a aucune différence concernant le gain d’amplitude entre les manœuvres neurodynamiques et l’étirement statique.
  • Pour Vidhi et al, c’est le mystère. Cette étude comparative (qui est la moins rigoureuse méthodologiquement) a comparé les manœuvres neurodynamiques au contracté relâché. Entre les conclusions de l’étude et ce que l’on trouve dans les tableaux il y a un graaaaand écart. Ils annoncent que le contracté relâché est meilleur alors que les chiffres au sein des résultats sont en faveur des manœuvres neurodynamiques. Il m’est donc impossible de conclure concernant cette étude. Je me demande d’ailleurs ce que quelqu’un d’autre pourrait conclure de cette étude sans demander les résultats directement à l’équipe en question.
  • Une dernière étude peut venir se greffer à cette revue, celle de Adel Rashad Amed et al 2016. Les auteurs observent un gain d’amplitude articulaire au sein des deux groupes, avec une supériorité statistiquement significative pour le groupe recevant les mobilisations neurodynamiques, comparativement au groupe recevant l’étirement statique. Mais la différence est seulement de 4°.

Il existe donc des preuves de grade B, que les neuro-glissements semblent au moins aussi performants que les techniques d’étirements traditionnelles afin d’obtenir un gain d’amplitude articulaire. Les patients manquant de souplesse au niveau des ischio-jambiers pourraient donc bénéficier de ces manœuvres à visée de gain d’amplitude articulaire.

La neurodynamique étant fortement liée à la tolérance à l’étirement, il est très peu probable que des modifications tissulaires puissent s’opérer avec car la stimulation sur le tissu musculaire en fin d’amplitude active est très (trop) courte. La première limite semble être le système nerveux et si il devait y avoir un effet de fluage, ce ne se passerait pas avec ce genre de stimulations.

Le gain est-il donc plus lié à une adaptation du système nerveux, ou à une adaptation du système nerveux couplé à la modification des propriétés mécaniques du complexe muscle/tendon ?

Les études sur les animaux indiquent que les muscles sont très adaptables. On observe un gain de l’extensibilité (gain de longueur sur les tissus) en réponse à l’étirement. Toutefois, les essais récents portant sur des sujets sains qui ont été réalisés, indiquent que l’analyse in-vivo ne ne reflète pas l’analyse in-vitro des muscles de petits animaux ou d’humains. (Bjorklund et colL. 2001 ; Folpp et coll. 2006 ; Harvey et coll. 2006 ; Refshauge et coll. 2006)

Pour nous aider dans l’avancée de cette réflexion, nous allons nous servir d’excellents papiers récents : le premier est la thèse de Marie Moltubakk menée en 2019, le deuxième est une revue systématique avec méta-analyse menée par Freitas et coll. en 2018.

La thèse de M.Moltubakk se base sur 4 articles et études qu’elle a mené avec son équipe.

Voici ce que l’on peut extraire de ces données, ainsi qu’une synthèse d’analyse :


I. Moltubakk, M. M., Eriksrud, O., Paulsen, G., Seynnes, O. R., & Bojsen-Moller, J. (2016).

Hamstrings functional properties in athletes with high musculo-skeletal flexibility.

Scandinavian Journal of Medicine and Science in Sports, 26, 659-665.

Le premier article a pour but de comparer les propriétés mécaniques et contractiles du complexe muscle-tendon au sein des muscles ischio-jambiers, en passif et en actif, entre une population de danseuses et un groupe contrôle. Voici ce qu’ils arrivent à observer :

  • Une plus grande flexibilité au sein de la population de danseuses (score de Beighton)
  • Une résistance moins importante à l’étirement passif lors de l’extension du genou pour le groupe expérimental
  • La résistance passive en fin d’extension de genou est similaire pour les deux groupes
  • L’analyse de la force active et de la résistance passive en extension tend à mettre en évidence une amplitude fonctionnelle plus importante concernant le groupe expérimental. La force active peut-être élevée durant une plus large amplitude articulaire.

II. Moltubakk, M. M., Magulas, M. M., Villars, F. O., Seynnes, O. R., & Bojsen-Moller, J.

(2018). Specialized properties of the triceps surae muscle-tendon unit in professional ballet dancers.

Scandinavian Journal of Medicine and Science in Sports. 2018 May 3.

Le deuxième article a pour but de vérifier s’il existe des différences de propriétés neuromusculaires entre une population pratiquant des étirements régulièrement sur plusieurs années et une autre n’en pratiquant pas.

Ce papier nous permet de mettre en évidence que lorsque l’on compare 2 groupes, l’un contenant des danseurs de ballets (expérimental), et des gens issus de la population active ne faisant pas d’étirements réguliers (contrôle), nous observons :

  • Une amplitude de cheville plus importante et moins de douleurs ressenties en fin d’amplitude pour le groupe de danseurs de ballet
  • Une longueur et une épaisseur plus importantes des fascicules des muscles gastrocnémiens pour le groupe expérimental, que cela soit au repos ou à l’étirement
  • L’angle de pennation des muscles semble identique au sein des deux populations ciblées
  • Les danseurs tolèrent plus facilement l’étirement lent et passif, cependant en fin d’amplitude, la force passive mesurée et la rigidité sont similaires au sein des muscles des deux groupes (« passive torque and passive joint stiffness »)
  • Tout le long du mouvement d’étirement en passif, on observe une résistance plus importante pour le groupe contrôle (passive torque)
  • Une activité myo-électrique plus faible chez les danseurs que dans le groupe contrôle lors d’un étirement passif
  • La rigidité tendineuse, mesurée à l’élastographe, semble diminuée chez le groupe de danseurs comparativement au groupe contrôle

III. Moltubakk, M. M., Villars, F. O., Magulas, M. M., Magnusson S. P., Seynnes, O. R., & Bojsen-Moller, J.

Altered triceps surae muscle-tendon properties after 6 months of unilateral stretching.

La troisième expérience est une étude comparative, évaluant l’effet de 6 mois d’étirements unilatéraux du segment jambier postérieur, ainsi que la propriété du complexe muscle-tendon.

Après 24 semaines d’un protocole d’étirements statiques sur une seule jambe (groupe expérimental) Le groupe contrôle est constitué des jambes opposées et ne subit aucune intervention. Les étirements sont reproduits un minimum de 4 fois une minute par jour pour le groupe expérimental :

  • Suite à l’intervention, on observe une augmentation de l’amplitude de mouvement au sein des deux groupes (majorée dans le groupe expérimental)
  • Aucune modification de la longueur des fascicules des gastrocnemiens médiaux n’est observée en position neutre, aucune modification de la raideur ou de la taille du tendon achilléen (insertion avec les gastrocnémiens)
  • La douleur perçue durant l’étirement passif n’est pas modifiée en fin d’amplitude mais elle l’est durant le mouvement.
  • La force isométrique et concentrique des muscles est restée inchangée peu importe l’angulation de la cheville.
  • Les forces de tension passive semblent diminuées le long du mouvement de dorsiflexion après l’intervention au sein du groupe expérimental.
  • Il est observé une augmentation de l’élongation des fascicules des gastrocnémiens en fin d’amplitude de dorsiflexion, AU SEIN DES DEUX GROUPES, sans différence entre les groupes, après l’intervention.
  • En position de dorsiflexion après une stimulation passive, il est observé une augmentation de la longueur du tendon d’Achille (insertion gastrocnémiens et soléaire) au sein des deux groupes avec cependant une supériorité statistiquement significative au sein du groupe expérimental.
  • Une augmentation de l’élongation des fascicules du muscle soléaire pour le groupe expérimental comparativement au groupe contrôle qui n’observe aucune modification après intervention (fin d’amplitude de dorsiflexion)

IV. Moltubakk, M. M., Svensson, R. B., Magnusson S. P., Suetta, C., Raastad, T., Seynnes, O. R., & Bojsen-Moller, J.

Effects of 6-month stretching training on collagen content of the human soleus muscle.

Ce dernier article est une étude comparative ayant pour but d’évaluer la composition en collagène (tissu conjonctif) au sein des muscles avant puis après une intervention de 6 mois d’étirements réalisés uniquement sur le groupe expérimental. Ce programme est administré sur une jambe, l’autre servant de groupe contrôle :

  • On observe une amélioration de l’amplitude de la cheville en dorsiflexion pour les deux groupes.
  • L’intensité de la douleur perçue par les sujets semble diminuée du début de l’étirement jusqu’à un certain point.
  • Aucune modification des propriétés morphologiques du tendon d’Achille ou des fascicules des gastrocnémiens n’est observée au sein des deux groupes.
  • Le contenu intra-musculaire en collagène du soléaire ne semble pas être modifié après 24 semaines d’étirements, alors que l’amplitude de mouvement et la résistance passive à l’étirement sont modifiées.

Récapitulons ainsi ce que ces études ont pu mettre en avant dans les conditions expérimentales décrites :

1. L’amplitude de dorsiflexion de la cheville et de flexion de la hanche étaient plus importantes chez les danseurs de ballet ou gymnastes avec des années d’entraînement d’étirement par rapport aux groupes contrôles. L’amplitude de dorsiflexion de la cheville et d’extension du genou ont augmenté après 8 semaines d’étirement.

2. La résistance passive tout le long du mouvement était plus faible chez les gymnastes que chez le groupe contrôle pour l’extension du genou ainsi que la dorsiflexion de la cheville.

La résistance passive de l’articulation de la cheville en position neutre de dorsiflexion – mais pas à l’extension du genou- a été réduite après 24 semaines d’étirement.

La résistance passive en position maximale de l’articulation était similaire entre les danseurs et les groupes témoins, mais a augmenté chez les sujets qui ont subi 24 semaines d’étirements.

3. Les amplitudes de l’EMG des triceps suraux à un angle articulaire donné pour la dorsiflexion passive étaient les suivantes :

  • Plus faibles chez les danseurs de ballet que chez les témoins
  • Les amplitudes de l’EMG ont été réduites chez les sujets ayant subi 24 semaines d’étirements, pour les deux jambes, dont une n’ayant pas subi d’étirements.

4. Les danseurs de ballet ont montré une plus grande élongation du muscle gastrocnémien par rapport au groupe contrôle, mais la contribution du muscle par rapport au tendon à l’allongement total du complexe muscle-tendon n’était pas différente du groupe contrôle.

Après 24 semaines d’étirement, l’allongement du muscle et du tendon a augmenté, avec une contribution relative accrue du tendon d’Achille, tant à l’insertion du gastrocnémien qu’au niveau du soléaire.

5. Les longueurs de repos des faisceaux musculaires et du tendon d’Achille (insertion des gastrocnémiens) étaient plus étendues pour les danseurs de ballet par rapport au groupe contrôle, mais ni l’architecture musculaire, ni la teneur en collagène intramusculaire, ni la longueur du tendon d’Achille n’ont changé pendant ou après les 24 semaines d’étirements.

6. Les étirements semblent impliquer des adaptations neurales qui, sur une période de 24 semaines, ont contribué à des changements bilatéraux dans l’amplitude de dorsiflexion de la cheville, également des propriétés de la dorsiflexion passive (tension passive, amplitude EMG, faisceau, allongement musculaire et tendineux), d’allongement du tendon et de tension passive dans une position neutre donnée (à rappeler qu’une seule jambe subissait des étirements).

« Si j’ai choisi d’analyser et de parler des études de Moltubakk, c’est parce que les conditions (protocoles) d’expérimentations sont assez claires et précises pour permettre à de futures équipes de répliquer les études, que les outils d’évaluations font partie des meilleurs au vue des avancées technologiques, et que le temps de traitement est assez long pour mettre en évidence un potentiel effet lié au temps de traitement (permettant potentiellement un effet de fluage). Ces données sont à replacer dans le contexte des autres données existantes sur le sujet. »

Vous pouvez lire la partie II ici.

 


Bibliographie :

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