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Syndrome du canal carpien, pourquoi sommes-nous négligés du parcours de soin ? 2/3

 Syndrome du canal carpien, pourquoi sommes-nous négligés du parcours de soin ? 

Par Bryan Littré, remerciements et aide à la relecture : Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke, Marie Akrich, Antoine Massuleau, Benjamin Heng

Un tryptique d’enjeux : sociétal, économique et sanitaire

Maintenant, nous entrons dans le vif du sujet. Nous allons parler gros sous et crise sanitaire. 

Les soins pris en charge pour le SCC représentent 2 milliards de dollars dépensés par an depuis 2006 aux USA. Mais on n’a pas élu Donald Trump donc ça coûte moins cher pour nous.

Stapleton MJ. Occupation and carpal tunnel syndrome. Anz Journal of Surgery. 2006 Jun;76(6):494–496

Le syndrome du canal carpien représente le syndrome canalaire neurologique le plus fréquemment diagnostiqué. C’est le trouble musculo-squelettique (TMS) le plus fréquent dans la plupart des pays européens, aux États-Unis et au Canada. En France, l’incidence annuelle du diagnostic varie selon les études et les pays, estimée à 3,8 /1000 dans la population générale, elle est de 1 à 2/1000 chez les hommes, 4 à 5/1000 chez les femmes, avec un pic entre 40 et 60 ans. La prévalence du syndrome du canal carpien est de 14 % chez les diabétiques sans polyneuropathie contre 30 % parmi ceux qui présentent une polyneuropathie. L’incidence du syndrome du canal carpien au cours de la grossesse varie selon les études de 7 à 62 % et régresse après l’accouchement dans la majorité des cas.

En 2006, le syndrome du canal carpien constituait 37 % des maladies professionnelles indemnisables au titre du tableau 57 et environ 80 % de la totalité ́ des maladies professionnelles indemnisées. 

Dans la population salariée, 4% des femmes et 2,4% des hommes sont concernés, cette proportion double pour les salariés de plus de 50 ans.

La fraction de risque du Syndrome du Canal Carpien attribuable au travail est particulièrement élevée parmi les ouvriers (34%) et les ouvrières (15%).

Les coûts relatifs sont en grande partie liés aux arrêts de travail et à la prise en charge chirurgicale (GHM6 et GHM761).

  • Le nombre de nouveaux cas par an est estimé à 0,3% de la population. (200 000 personnes par an )
  • On note une forte hausse de cette incidence depuis les années 90.
  • Il touche plus les femmes que les hommes. On estime actuellement à 141 000 le nombre d’interventions réalisées pour 127 000 patients opérés par an. (2014) Donc 141 000 interventions pour 200 000 nouveaux cas par an. 
  • Le syndrome du canal carpien est la 2e pathologie reconnue en maladie professionnelle (après les pathologies de la coiffe des rotateurs) avec, pour le régime général de la sécurité sociale, 12 792 reconnaissances en maladie professionnelle ayant donné lieu à une première indemnisation en 2017. Cependant, la sous-déclaration en maladie professionnelle a été estimée en 2011 à 60 %.

http://www.moncanalcarpien.org/1_3_epidemiologie.html

https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/syndrome-canal-carpien/comprendre-syndrome-canal-carpien#:~:text=Le%20syndrome%20du%20canal%20carpien%20est%20fr%C3%A9quent,entre%2060%20et%2070%20ans.

https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-liees-au-travail/troubles-musculo-squelettiques/donnees/syndrome-du-canal-carpien

En termes de coûts pour la sécurité sociale, le prix de remboursement d’une opération par le régime de sécurité sociale est de 162€ en moyenne, comprenant acte chirurgical (104€) et anesthésie (58€). Cependant les dépassements d’honoraires semblent fréquents, ce qui impacte directement le budget des patients ainsi que celui des mutuelles. Dans le n°1043 de décembre 2009, Le Particulier publie les dépassements d’honoraires pratiqués dans les principales cliniques françaises pour les actes chirurgicaux les plus fréquents, dont le SCC. Cette étude est effectuée sur 153 zones géographiques différentes. Il semblerait qu’en 2009, 62% des opérations liées au SCC donnent lieu à des dépassements d’honoraires entre 49 et 542€. 

Les vrais tarifs des cliniques. Le Particulier . Décembre 2009. [Consulté le 16/01/2017]. N° 1043.p62-74. Consultable à l’URL : https://www.santeclair.fr/web/sites/santeclair.fr/files/document. 

A ces coûts, s’ajoutent évidemment les coûts proportionnels aux journées d’arrêt de travail des gens opérés, qui varie entre 30 et 44 jours ainsi que le coût des évaluations par électroneuromyogramme (ENMG), les infiltrations si le patient en a eu auparavant, les actes masso-kinésithérapiques post-chirurgicaux (lorsqu’il y a des complications que les kinés doivent prendre en charge comme les SDRC ou les lésions nerveuses), les journées et nuitées sur place etc … 

Une étude plus approfondie des coûts de la prise en charge française d’un SCC, par Tuppin et al (2008), montre que : «  Le coût des interventions pris en charge par l’ensemble des régimes d’assurance maladie en 2008 était de 108 millions d’euros. Pour les personnes âgées de 18 à 59 ans primo-opérés au second semestre 2008, 875 707 journées d’arrêt de travail ont été indemnisées soit 31,7 millions d’euros pour un semestre pour le seul régime général, dont 52 % pour le risque accident du travail/maladie professionnelle (AT/MP), soit 16,6 millions d’euros. Le coût des journées indemnisées pour les durées d’arrêt supérieures à  56 jours était de 22,6 millions d’euros, dont 14,3 millions d’euros pour le risque AT/MP. Par extrapolation sur un an, à l’ensemble des personnes opérées en 2008 et affiliées au seul régime général, le coût global des arrêts de travail était donc respectivement de l’ordre de 81 millions d’euros, dont 42 millions pour le risque AT/MP et, pour les arrêts supérieurs à 56 jours, il était de 58 millions d’euros, dont 37 millions d’euros pour le risque AT/MP ».

108+81 = 189 M € et cela uniquement pour la sécurité sociale. Donc aux organismes de mutuelle : vous aussi cela peut vous intéresser de lire tout ce billet jusqu’à la fin. 

Tuppin P, Blotière P-O, Weill A, Ricordeau P, Allemand H. Syndrome du canal carpien opéré en France en 2008 : caractéristiques des malades et de leur prise en charge. Rev Neurol (Paris) 2011;167:905–15. 

Shan RLP, Nicolle M, Chan M, Ashworth N, White C, Winston P, et al. Electrodiagnostic Testing and Treatment for Carpal Tunnel Syndrome in Canada. Can J Neurol Sci 2016;43:178–82.

Ce qui semble surprenant par contre c’est que pour une incidence et une prévalence similaire observée par les systèmes de santé, en Angleterre le taux d’opération est très en deçà du taux de SCC opérés en France ( -30% d’opérations pour chaque cas observé par la NHS en United Kingdom vs 70 % d’opérations pour chaque cas observé par la sécurité sociale en  France) 

BURTON, Claire L., CHEN, Ying, CHESTERTON, Linda S., et al. Trends in the prevalence, incidence and surgical management of carpal tunnel syndrome between 1993 and 2013: an observational analysis of UK primary care records. BMJ open, 2018, vol. 8, no 6, p. e020166.

Peut-être avons-nous le coup de bistouri facile ? L’accessibilité des soins est facilitée en France ? L’Angleterre incorpore les physiothérapeutes dans le parcours de soin ?  Peu importe la ou les justifications derrière ces données, nous pouvons constater que la prise en charge de ce trouble est extrêmement coûteuse en France. Nous explorerons la partie économique plus en détail lorsque nous verrons que nous les kinésithérapeutes, pouvons faire économiser des dizaines de millions d’euros à la sécurité sociale.

 

La prise en charge du SCC dépend grandement de comment nous comprenons ce trouble et l’idée que l’on a de ce dernier. Cependant une image erronée du trouble peut amener à des réponses inadaptées au niveau des soins proposés. 

Le SCC, est-ce une compression ? 

En effet, il est pertinent de se demander face à un patient présentant un SCC si celui-ci est secondaire à quelque chose de plus grave.

Afin d’illustrer mon propos voici un tableau montrant les diagnostics différentiels auxquels penser lorsque nous sommes face à des douleurs similaires au SCC ou similaires à des sciatalgies. 

Toutes ces atteintes peuvent mimer une simple mononeuropathie compressive au niveau du poignet, pourtant vous réalisez bien qu’un SCC lié à une sclérose en plaque est différent d’un SCC lié à une compression. Grâce à l’étude du diabète et de ses conséquences, nous avons des données nous permettant de dire que des différences se retrouvent au sein de la physiopathologie, de la validité des examens cliniques diagnostics comme l’échographie ou dans le potentiel de récupération suite à une opération, entre un SCC idiopathique compressif ou un SCC secondaire à un diabète 

Dit autrement, un SCC secondaire à un diabète, un SCC lié à une sténose vasculaire, un SCC idiopathique ou un SCC lié à des troubles thyroïdiens … NE SE VALENT PAS. Et ce au niveau du diagnostic, du pronostic et quelques fois au niveau du traitement le plus efficient permettant de gérer ce trouble. Certaines atteintes amenant à un SCC génèrent une altération métabolique ou des systèmes vasculaires et/ou nerveux, qui s’exprimera en SCC ( neuropathie dégénérative centrale, diabète, troubles thyroïdiens, intoxication médicamenteuses / pathologie de surcharge ou trop de contraintes au niveau du poignet ). 

Pourquoi autant de détails ? Car sinon nous n’aurons que des problèmes mal posés et des solutions multiples, ou dit autrement: c’est bien un syndrome qui peut soit rester seulement syndrome et idiopathique, soit être associé à de potentielles maladies bien plus graves à diagnostiquer et/ou si connues à prendre en charge différemment selon le contexte

De ce fait, certains auteurs et chercheurs émettent un doute justifiable quant à l’importance et l’utilité de l’opération pour bon nombre de patients.

Voici dans les tableaux ci-dessous, les différences histologiques observées lors de biopsies chez des patients atteints de SCC selon leur pathologie sous-jacente.

TAŞER, Figen, DEĞER, Ayşe Nur, et DEĞER, Hakkı. Comparative histopathological evaluation of patients with diabetes, hypothyroidism and idiopathic carpal tunnel syndrome. 2017.

TSAI, Nai-Wen, LEE, Lian-Hui, HUANG, Chi-Ren, et al. The diagnostic value of ultrasonography in carpal tunnel syndrome: a comparison between diabetic and non-diabetic patients. BMC neurology, 2013, vol. 13, no 1, p. 65.

CHEN, Jeng, CHANG, Ke-Vin, LOU, Yueh-Ming, et al. Can ultrasound imaging be used for the diagnosis of carpal tunnel syndrome in diabetic patients? A systemic review and network meta-analysis. Journal of neurology, 2020, vol. 267, no 7, p. 1887-1895.

THOMSEN, Niels OB et DAHLIN, Lars B. Vibrotactile sense 5 years after carpal tunnel release in people with diabetes: A prospective study with matched controls. Diabetic Medicine, 2020, p. e14453.

De ces observations et suite à des biopsies, on observe qu’une partie de la population semble avoir des prédispositions à avoir des troubles vasculaires et nerveux. Par exemple, l’analyse des nerfs interosseux postérieurs chez des patients diabétiques ayant un SCC avec ou sans polyneuropathies, ainsi que chez des patients ayant un SCC idiopathique, comparativement à un groupe contrôle n’ayant pas de SCC (Thomsen et al en 2009) :

  • Des différences dans la densité des fibres myélinisées 
  • Des différences dans la densité des capillaires sanguins 

Les auteurs énoncent  qu’il existe un rôle important de prédispositions génétiques dans l’apparition des neuropathies et des névralgies. 

Cela est également confirmé par d’autres données qui s’intéressent à l’expression des facteurs de croissance nerveuse, vasculaire, collagénique.

 THOMSEN, Niels OB, MOJADDIDI, Moaz, MALIK, Rayaz A., et al. Reduced myelinated nerve fibre and endoneurial capillary densities in the forearm of diabetic and non-diabetic patients with carpal tunnel syndrome. Acta neuropathologica, 2009, vol. 118, no 6, p. 785-791.

SHARMA, Deepankshi, JAGGI, Amteshwar Singh, et BALI, Anjana. Clinical evidence and mechanisms of growth factors in idiopathic and diabetes-induced carpal tunnel syndrome. European journal of pharmacology, 2018, vol. 837, p. 156-163.

Nous devrions donc parler DES SCC plutôt que DU SCC car ce terme regroupe une multitude de diagnostics et de causes sous-jacentes bien différents. 

Un SCC n’est donc pas qu’une mononeuropathie compressive du nerf médian au niveau du carpe, comme ce que laisse penser le terme employé usuellement. Si vous vous demandez pourquoi autant entrer dans les détails pour ce type d’atteinte, c’est parce que : mieux nous connaissons ce problème, mieux nous pouvons traiter précisément ce problème.  Un SCC lié à un trouble thyroïdien pourrait probablement plus bénéficier d’une infiltration au vu des données préliminaires qu’un SCC lié à une surcharge mécanique dû à l’activité, mais ce n’est qu’une supposition et il faudrait pouvoir vérifier cela en réalisant une stratification et des ECR selon les sous-groupes identifiables.

Si je devais faire un parallèle avec une appellation qui a été remise en question : le conflit sous-acromial, dont la meilleure compréhension du problème nous amène à nous rendre compte qu’une acromioplastie n’est pas la meilleure solution pour des douleurs dans la région de l’épaule. 

Car rien ne prouve que la « compression des tendons par l’acromion » soit un facteur prédominant dans les problèmes d’épaules, comme ce qu’a émis comme hypothèse Neer en 1972.

Il en est de même pour le SCC et les données cliniques nous montrent que la chirurgie n’est pas la meilleure solution dans toutes les circonstances (vous le verrez dans la dernière partie de ce billet).

Voici un exemple marquant qui je l’espère vous fera prendre conscience de l’importance de ne pas sauter sur l’occasion pour se faire opérer, car le problème n’est pas tout le temps localisé au poignet.

C’est l’histoire de l’amputation des doigts d’une patiente italienne suite à une erreur diagnostique.

En effet, cette patiente a eu une occlusion de son artère humérale suite à la position opératoire pour un SCC. Sauf que cette patiente avait  en réalité une côte cervicale supplémentaire amenant à une sténose de l’artère subclavière. Cette sténose vasculaire a amené à un SCC qui n’est qu’une traduction clinique. Le problème n’était absolument pas au niveau du poignet et cette patiente a eu une opération pour libération de son nerf médian au niveau de son canal carpien. Comme les symptômes se sont aggravés elle est retournée aux urgences ils l’ont ensuite opéré pour sa sténose vasculaire humérale amenant à une nécrose de ses doigts, une résection d’une côte accessoire supplémentaire et une amputation.

 Aurions-nous pu éviter ce drame ? Peut-être mais nous reviendrons dans un prochain billet sur les troubles vasculaires. 

TIENGO, Cesare, MONTICELLI, Andrea, BONVINI, Stefano, et al. Critical upper limb ischemia due to brachial tourniquet in misdiagnosed thoracic outlet syndrome after carpal tunnel decompression: a case report. World Journal of Plastic Surgery, 2017, vol. 6, no 3, p. 375.

En Octobre 2020, j’ai référé en vue d’une angiographie une patiente envoyée par un centre anti-douleur car cliniquement, au vu des connaissances actuelles et les tests cliniques effectués, tout m’orientait vers un trouble vasculaire. 

Je ne peux malheureusement pas partager l’audio de son parcours chaotique (fichier audio de +20minutes trop lourd). Cela reste cependant extrêmement intéressant concernant l’errance thérapeutique qu’elle a subi durant 2 longues années,  car il y avait également les jeux d’influence entre les différents professionnels de santé qui ne sont pas d’accord entre eux et son ressenti, son expérience personnelle en tant qu’acteur central mais impuissant face à la situation.

Pour l’anecdote c’est la 3ème patiente que je réfère pour une douleur d’épaule/bras en vue d’un examen vasculaire et qui se fait opérer rapidement alors qu’elles étaient toutes en errance thérapeutique et que certains médecins les avaient étiquetés comme ayant une “tendinite”, “névralgie cervico-brachiale”, ou une “épaule gelée”.

Ce 8 Février, j’ai reçu une patiente pour tendinite de Quervain, cependant même si la localisation semblait pertinente ainsi que la manière dont était déclenchée la douleur, la patiente présente une névralgie avec neuropathie ( +hyperalgésie + wind-up  + hypoesthésie des petites fibres) . Ce qui m’a permis de le savoir ? Les tests neuro bien menés et les tests neurodynamiques ( que nous verrons dans la 3ème partie). Le traitement pour elle ? Travailler avec des mouvements de nuque semble modifier ses marqueurs de manière importante sans irriter son poignet pour le moment donc on commence par cela et nous verrons l’évolution afin d’ajuster le traitement selon cette patiente.

Que retenir ? Se méfier des « syndromes » en étant rigoureux lors de son examen clinique afin d’exclure les diagnostics pouvant nécessiter une prise en charge spécifique. Améliorer ses connaissances peut permettre d’améliorer le parcours de soin (et surtout éviter de faire des erreurs) des patients ayant des troubles atypiques ou pouvant ressembler à des schémas cliniques flous.

Le SCC Classique 

 Nous observons bien sûr une augmentation de la pression intra canalaire chez de nombreux patients atteints de SCC idiopathiques lorsque les autres atteintes sont écartées.  Cette augmentation de pression est retrouvée au repos, ainsi que lors des activités nécessitant des mouvements de la main. Elle peut en partie s’expliquer par de la fibrose non inflammatoire, menant à une perte de mobilité transversale du nerf lors des mouvements. Étant donné qu’il y a moins de mouvement, la pression augmente. Cependant c’est la pression intra-neurale qui est la plus corrélée avec une altération de la fonction nerveuse lors d’une neuropathie compressive, et non la pression au sein du canal carpien. 

Erel E, Dilley A, Greening J, Morris V, Cohen B, Lynn B. Longitudinal sliding of the median nerve in patients with carpal tunnel syndrome. Journal of Hand Surgery (British and European Volume). 2003;28(5):439-43.

AHN, Seong Yeol, HONG, Youn-Ho, KOH, Young Hwan, et al. Pressure measurement in carpal tunnel syndrome: correlation with electrodiagnostic and ultrasonographic findings. Journal of Korean Neurosurgical Society, 2009, vol. 46, no 3, p. 199.

GOSS, Ben C. et AGEE, John M. Dynamics of intracarpal tunnel pressure in patients with carpal tunnel syndrome. The Journal of hand surgery, 2010, vol. 35, no 2, p. 197-206.

 LEE, Ho Jin, KIM, Il Sup, SUNG, Jae Hoon, et al. Intraoperative dynamic pressure measurements in carpal tunnel syndrome: Correlations with clinical signs. Clinical neurology and neurosurgery, 2016, vol. 140, p. 33-37.

CORACI, Daniele, SANTILLI, Valter, et PADUA, Luca. Reply to “Intraoperative dynamic pressure measurements in carpal tunnel syndrome: Correlations with clinical signs”. Clinical Neurology and Neurosurgery, 2016, vol. 100, no 143, p. 161.

L’augmentation de pression agit comme une force compressive qui induit une ischémie neurale, et en élevant la pression cela cause des altérations de la pression au sein des capillaires, des œdèmes et des obstructions du système artériel du nerf .

L’opération est utile et diminue grandement la pression intra-canalaire, il est donc compréhensible que l’opération soit recommandée lorsque nous avons en tête que la pression intra-canalaire est le mécanisme principal dans l’apparition et le maintien du SCC. Cependant, les dernières données cliniques en lien avec le SCC semblent montrer que le traitement chirurgical n’est pas meilleur que le traitement kiné, qui lui ne semble pas diminuer la pression intra canalaire…

 

Nous en reparlerons plus tard dans les détails, mais bonne nouvelle pour les patients: pas besoin de se faire opérer constamment et d’autres solutions existent! Bonne nouvelle pour les médecins vous pouvez prescrire un traitement efficace avant une opération qui coûte un peu plus chère à la sécurité sociale et montre des effets secondaires rares mais dramatiques. Bonne nouvelle pour les kinés, vous pouvez aider des patients qui ont eu jusqu’à maintenant des solutions encore trop peu adaptées au plus grand nombre. Bonne nouvelle pour les chirurgiens, vous pourrez prendre plus de vacances.

 Le traitement conservateur est indiqué dans les cas du SCC avant la prise en charge chirurgicale par l’ « American Academy of Orthopeadic Surgeon ». Cependant la prise en charge par un physiothérapeute (nos homologues) semble ne pas être dans les mœurs des prescripteurs, en France ou à l’étranger. Dans une étude prospective canadienne, Rodney Li Pi Shan et al (2016) montre que chez les cliniciens réalisant le diagnostic par ENMG d’un SCC, « en ce qui concerne le traitement, 99% recommanderaient le port d’une attelle dans les cas de SCC léger. Chez les cas de SCC modéré, l’attelle était recommandée par 91% des cliniciens et 68% considéraient également référer le patient en chirurgie. Dans les cas de SCC sévères, la plupart recommandaient la chirurgie (93%) ». En aucun cas la prise en charge par un physiothérapeute n’est évoquée alors que le SCC fait partie des troubles neuro-musculosquelettiques 

 De cette connotation de syndrome compressif, découle en partie cette absence des physiothérapeutes dans le parcours de soin. En effet, à quoi pourraient servir les kinésithérapeutes alors que c’est un problème de contenant-contenu et que seul la chirurgie peut permettre d’étendre le contenu.

American Academy of Orthopaedic Surgeons. Management of Carpal Tunnel Syndrome Evidence-Based Clinical Practice Guideline. www.aaos.org/ctsguideline. Published February 29, 2016.

SHAN, Rodney Li Pi, NICOLLE, Michael, CHAN, Ming, et al. Electrodiagnostic testing and treatment for carpal tunnel syndrome in Canada. Canadian Journal of Neurological Sciences, 2016, vol. 43, no 1, p. 178-182.

Quelques Facteurs de risques évitables

Parmi les facteurs de risque menant à l’apparition du SCC, certains sont contrôlables et ils sont majoritairement des facteurs biomécaniques liés au travail. Nous avons pu mettre en évidence grâce à Kozak et al que :

  • Il existe une association positive entre répétition de mouvements et SCC avec un haut niveau de preuve
  • Il existe une association positive entre la force utilisée lors des manœuvres et le SCC avec un haut niveau de preuve
  • Une exposition combinant ces deux paramètres est également associée à l‘augmentation du risque de SCC avec un haut niveau de preuve
  • Concernant les vibrations ainsi que les positions en fin d’amplitude du poignet, l’association n’est pas franche et les résultats sont hétérogènes. En effet les auteurs énoncent qu’il pourrait y avoir un effet dose-réponse (durée d’exposition / fréquence de vibration)

KOZAK, Agnessa, SCHEDLBAUER, Grita, WIRTH, Tanja, et al. Association between work-related biomechanical risk factors and the occurrence of carpal tunnel syndrome: an overview of systematic reviews and a meta-analysis of current research. BMC musculoskeletal disorders, 2015, vol. 16, no 1, p. 1-19.

Dans la revue systématique avec méta-analyse de Médiouni et al, les auteurs ne retrouvent pas de lien entre exposition à l’ordinateur et le SCC. 

MEDIOUNI, Zakia, DE ROQUEMAUREL, Alexis, DUMONTIER, Christian, et al. Is carpal tunnel syndrome related to computer exposure at work? A review and meta-analysis. Journal of occupational and environmental medicine, 2014, vol. 56, no 2, p. 204-208.

Donner seulement le résultat de cette revue systématique avec méta-analyse ne suffit pas, et je vous encourage à analyser les données plus en profondeur comme l’a fait celle faite par Rahman Shiri et al.

SHIRI, Rahman et FALAH-HASSANI, Kobra. Computer use and carpal tunnel syndrome: a meta-analysis. Journal of the neurological sciences, 2015, vol. 349, no 1-2, p. 15-19.

En effet, selon l’analyse de Mediouni et al, nous ne retrouvons pas de corrélation entre exposition à  un ordinateur et SCC au sein d’une population générale. Cependant la population étudiée n’a pas subi un ajustement des facteurs de risques identifiés comme tels. 

 Voici un exemple : les jeunes utilisent plus l’ordinateur que les personnes âgées et les personnes âgées montrent plus de SCC que les jeunes. Mais au vu des connaissances actuelles sur la physiopathologie du SCC, nous savons qu’il y a une installation lente et progressive de ce syndrome. Il faudrait donc comparer les jeunes ayant une exposition à l’ordinateur intense comparativement à d’autres jeunes. Revenons à notre cas : Les personnes sur les chantiers font partie de la population générale et subissent des contraintes nettement supérieures sur leurs poignets comparativement aux gens travaillant au bureau, ce qui amène à exclure un facteur spécifique à la population de personnes travaillant en bureau.

Donc pour tous les étudiants en plein mémoire ou les personnes s’intéressant à la lecture critique d’article, je vous conseille de bien analyser les données dans les détails plutôt que de lire uniquement les résumés.

 « Clinician who cannot critically read a study is a unprepared as one who cannot do a MSK examination » ( un mec chauve en formation )

Lorsque l’on analyse les données plus en détail et en comparant une population d’agents de bureau entre eux nous observons:

  • Une corrélation positive entre utilisation de l‘ordinateur et SCC
  • Une corrélation positive entre utilisation de la souris et SCC
  • Pas de corrélation positive entre utilisation du clavier et SCC
  • Une corrélation entre le temps d’exposition en années avec le SCC
  • Une corrélation avec le nombre d’heures par jour sur un ordinateur et le SCC 

Si nous extrapolons cette donnée, cela peut largement nous expliquer ce qui est observé par la communauté eSport. En effet le volume d’effort subi par ces athlètes est largement au-delà des sollicitations que peuvent subir les employés de bureau et de nombreux SCC sont énoncés.

Comme nous le verrons plus loin dans le billet, la kinésithérapie semble au moins aussi efficace que la chirurgie dans la prise en charge de ce problème. La chirurgie ne sera pas la solution de choix pour ce sous-groupe de patients car régulièrement les patients ont une perte de force significative au niveau de leur main ou poignet suite à un acte chirurgical. Le kinésithérapeute est donc le thérapeute de choix pour aider les Athlètes eSport, en plus de savoir prendre en charge des lombalgies pour lesquelles ces athlètes peuvent se plaindre.

J’ai déjà pu mettre en avant dans mon billet sur les lésions des IJ chez les sportifs que nous pouvons amener à moins de blessures, et par effet domino plus de victoires par équipe, peut être que nous pouvons aider ces athlètes également cela reste à vérifier dans de futures études.

Deux études longitudinales viennent nous apporter d’autres éléments permettant de mieux comprendre les SCC

La première étude a suivi des saisonniers afin d’évaluer si un travail répétitif et intensif de trois semaines pouvait amener au développement d’une neuropathie du nerf médian. L’évaluation par ENMG a été faite avant, pendant, à la fin et après le travail saisonnier. Ce travail était du « mink skinning »  ( en gros écorcher des visons pour leur fourrure … il y en  qui travaillent à McDo et d’autres qui préparent de la fourrure ) ils travaillaient par roulement de 7h30 et le nombre moyen de visons « travaillés » était de 109 par heure ( entre 114 et 105 ). Ils travaillèrent 22 jours. Les 11 saisonniers montraient un ENMG normal avant le début de la saison. 

Avant le début de l’étude 3/11 ont signifié avoir eu déjà dans leur vie des paresthésies dans leur main dominante. Durant l’étude et à la fin de la saison, ce nombre est passé à 8 puis est redescendu à 2 sur 9  lors du suivi quelques semaines plus tard, car 2 des participants n’ont pas renvoyé le questionnaire de suivi. 

Malgré le faible nombre de participants, nous observons des changements détectables significatifs dans la conduction nerveuse de chaque patient (courbes ci-dessous). Ces modifications semblent directement liées à l’effort, la charge et l’intensité du travail effectué pendant l’étude.  

 

Le niveau d’activité mesuré pour les saisonniers est considéré comme moyen, il semble correspondre au niveau de contraintes que subissent des peintres par exemple. Le niveau d’activité de la main est évalué à 7/10 selon  the  American Conference of Governmental Industrial Hygienists’ scale

TABATABAEIFAR, Sorosh, SVENDSEN, Susanne Wulff, JOHNSEN, Birger, et al. Reversible median nerve impairment after three weeks of repetitive work. Scandinavian Journal of Work, Environment & Health, 2017, p. 163-170.

Cette première étude nous montre qu’après un travail intensif de seulement 22 jours, nous observons une altération de la conduction nerveuse, signe d’une neuropathie. Nous observons également que cette neuropathie est réversible et transitoire (avec l’arrêt de l’activité). Cette neuropathie transitoire indique que d’autres mécanismes que la démyélinisation et la dégénération axonale puissent jouer un rôle dans les neuropathies ainsi que les douleurs neuropathiques.

Si l’on rapporte cette donnée à cette étude française : Les patients opérés d’un syndrome du canal carpien ont-ils un moins bon pronostic professionnel en cas de déclaration en maladie professionnelle ?, il n’est pas étonnant que les SCC liés au travail aient un moins bon pronostic si la charge et le niveau d’effort est élevé et constant, cela va irrémédiablement altérer les conditions d’adaptation du tissu nerveux, et cela indépendamment d’une quelconque indemnisation mise en jeu. Donc peut être facteur de risque et facteur pronostic ? 

Chazelle E, Girault C, Pascual M, Ha C, Garras L, Plaine J, et al. Les patients opérés d’un syndrome du canal carpien ont-ils un moins bon pronostic professionnel en cas de déclaration en maladie professionnelle ? Arch Mal Prof Environ 2016;77:1011.  

Une deuxième étude vient nous apporter d’autres subtilités concernant l’apparition des SCC. Cette étude longitudinale longue de 10 ans s’est intéressée aux nouveaux SCC qui sont survenus dans une population étudiée. Ils ont utilisé une échelle d’évaluation, allant de 0 à 10, du niveau d’activité quotidien  : the American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH) 

Sur les 8883 personnes suivies sur 10 ans, incluses dans l’étude, 431 nouveaux cas de SCC sont apparus, pour 126 avec une altération de la conduction des grosses fibres nerveuses objectivable par ENMG. Petit aparté : un syndrome étant une présentation clinique il n’y a pas à faire de différence et ces 2 catégories sont des SCC, par contre l’altération de la conduction nerveuse est juste un stade de gravité supérieur.

Cette étude nous apprend que : 

  • 1/3 des cas semblent imputables à l’intensité de l’activité manuelle  
  • Le niveau d’activité selon l’ACGIH semble prédictif d’apparition de cas lorsqu’une valeur seuil est dépassée
  • L’âge, le sexe et l’IMC semblent également des facteurs prédictifs mais selon la catégorie de SCC et le stade de gravité, les corrélations varient.

Cette étude énonce assez bien ses limites ainsi que les précautions liées à l’interprétation de leurs données au bout des 10 années de suivi il y a des perdus de vue. Durant l’étude certaines entreprises ont stoppé leur partenariat avec les chercheurs, certaines personnes ont changé de travail ou de domiciliation… De plus, dans ce modèle aux multiples variables, d’autres facteurs personnels ou génétiques n’ont pas été inclus. L’inclusion d’autres facteurs pourrait en effet diminuer la part de ceux analysés. Je vous invite à lire ces deux études qui sont vraiment bien décrites.

VIOLANTE, Francesco S., FARIOLI, Andrea, GRAZIOSI, Francesca, et al. Carpal tunnel syndrome and manual work: the OCTOPUS cohort, results of a ten-year longitudinal study. Scandinavian journal of work, environment & health, 2016, p. 280-290.

Selon certains auteurs, l’accumulation de plusieurs facteurs de risque augmenterait le risque d’apparition du SCC, car rendant le tissu nerveux plus facilement irritable.

Le tissu nerveux peut être sensibilisé par plusieurs types de stimulations et plus il est irrité plus il devient irritable. Ces stimulations peuvent être d’ordre mécanique ou métabolique. Nous parlons donc ici de « multiple crush syndrom » 

Une équipe française s’est intéressée à la prévalence des SCC dans le milieu agricole. Ils ont décidé de faire plusieurs groupes en lien avec leur exposition biomécanique de l’ exposition aux neurotoxiques durant leur travail. Cette étude nous apprend  que sur les 711 hommes du milieu agricole : 

  • La prévalence différait selon les 4 groupes d’exposition
  • La prévalence était la plus grande chez les co-exposés aux agents chimiques neurotoxiques et aux contraintes biomécaniques élevées
  • L’association entre la co-exposition et le SCC était statistiquement significative après ajustement des facteurs de risque individuels et médicaux du SCC, avec un odds-ratio plus élevé pour le groupe co-exposé ( OR=3,3 [ 0,8 ; 14,1 ] ) 

Cette étude est une de celles illustrant le concept de multiple crush syndrom.

Le SCC n’est pas qu’une simple mononeuropathie compressive 

Les causes qui ont fait que la maladie survienne ne sont pas forcément les mêmes qui font que la maladie persiste. C’est ce qui fait que ce n’est pas pertinent TOUT le temps de faire une décompression chirurgicale, car ce qui peut poser problème, c’est la neuroinflammation et nous les kinésithérapeutes pouvons agir dessus. 

J’ai déjà pu parler de neuro-inflammation durant des conférences mais là je vais tenter d’aller à l’essentiel. Voici donc une vidéo animée sur le sujet, traduite en français par Clément Noël qui résume plutôt bien le fait qu’une mononeuropathie compressive engendre des troubles à distance ainsi que des douleurs pouvant s’étendre. La vidéo est basée en partie sur les travaux de Annina Schmid

Nous pouvons retrouver des symptômes dans les zones d’irradiation en dehors du nerf concerné, ce qui nous pousserait à étendre l’examen clinique au-delà de la zone d’irradiation du nerf. En effet, il semblerait que l’on retrouve une invasion et une activation des cellules de l’immunité près des ganglions dorsaux rachidiens, ainsi qu’une activation des cellules gliales au sein du système nerveux central. Compte tenu de la proximité des cellules au sein d’un ganglion ou dans la moelle, les messagers chimiques peuvent atteindre des cellules ou des fibres nerveuses saines, et abaisser le seuil de sensibilité. Par conséquent, l’inflammation au sein des ganglions rachidiens  est une explication plausible expliquant la propagation des symptômes chez les patients atteints de névralgies, ou de SCC bilatéraux. 

Les connaissances actuelles concernant les mononeuropathies compressives, nous montre que : 

  • Il n’est pas nécessaire d’opérer pour chaque névralgie, SCC ou hernie discale
  • Une plainte de SCC bilatéraux peut se régler par une seule et même opération unilatérale
  • La compression détermine la perte de fonction et non la douleur, par conséquent ne pas présager d’une compression sans avoir objectivé une perte de fonction (biopsie, amyotrophie, break tests, tests nerveux par QST ou CST) 
  • Plus l’atteinte est longue, plus la probabilité d’avoir un SCC bilatéral est grande.

https://www.youtube.com/watch?v=7IWHUWQLqwQ

DEC, Pawel et ZYLUK, Andrzej. Bilateral carpal tunnel syndrome–A review. Neurologia i Neurochirurgia Polska, 2018, vol. 52, no 1, p. 79-83.

SCHMID, Annina B., FUNDAUN, Joel, et TAMPIN, Brigitte. Entrapment neuropathies: a contemporary approach to pathophysiology, clinical assessment, and management. Pain Reports, 2020, vol. 5, no 4.

 

POUR LA PARTIE 1 cliquez ICI

POUR LA PARTIE 3 cliquez ICI


Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 3)

Aide à la relecture : Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke, Anthony Halimi, Bryan Littré, Théo Chaumeil, Clément Loiseau

Abréviations :

ASI : articulation(s) sacro-iliaque(s)
DSI : douleur(s) en lien avec les articulations sacro-iliaques
SpA : spondylarthrite
vDW : van Der Wurff
CEN : centralisation
P.D. : préférence directionnelle
DDM : douleur(s) discogénique(s) mécanique(s)

Vous trouverez les liens vers les parties 1 et 2 de cette série à la fin de ce billet.

 

Combinaisons de tests pour les DSI

Nous avons pu voir dans le précédent billet que les indices de l’anamnèse ainsi que la topographie de la douleur ne nous étaient pas d’un grand secours pour ce qui était de différencier une DSI d’une autre affection susceptible de générer des douleurs lombo-pelviennes pouvant irradier dans le(s) membre(s) inférieur(s).

Pour nous aider à y voir plus clair, deux équipes indépendantes dirigées respectivement par Mark Laslett et Peter van der Wurff (vDW) ont isolément proposé une combinaison de tests cliniques, ou clusters.

Leurs clusters respectifs sont très similaires, tant dans le choix des tests que dans leurs résultats en comparaison à la référence standard. Cela a l’avantage de consolider la cohérence externe de ces combinaisons de tests, autrement dit : la confiance que l’on peut avoir dans leur pertinence clinique. Néanmoins, les critères de rigueur méthodologique pour la référence standard n’étaient pas strictement les mêmes [11].

La combinaison de Laslett est constituée des tests de distraction, de compression, de torsion pelvienne (de Gaenslen), du thrust fémoral et du thrust du sacrum [37, 38].

Vous pouvez en retrouver la démonstration ici par Mark Laslett lui-même.

Précautions d’emploi concernant le test en thrust du sacrum :

Avant de réaliser le test en thrust du sacrum, il est nécessaire de palper la crête sacrée afin de s’assurer qu’elle ne soit pas sensible à la palpation (chose possible en cas de lombalgie), ce qui pourrait sinon générer un faux positif lors du test.

De plus, la réponse symptomatique au test en thrust du sacrum doit être comparée à la réponse au test du rebond (spring test) sur les différents étages lombaires : si le test du sacrum reproduit la douleur habituelle du patient, les tests de la colonne lombaire, eux, ne doivent pas reproduire la douleur habituelle, auquel cas on considère le test du sacrum comme positif pour une DSI. Si un ou plusieurs tests lombaires reproduisent la douleur, alors un résultat positif au test du sacrum doit être considéré comme un faux positif pour une DSI et envisager une implication lombaire.

La combinaison de vDW est quant à elle composée des mêmes tests que celui de Laslett à l’exception du thrust du sacrum auquel lui est substitué le test de FABER (flexion – abduction – rotation externe de hanche, de Patrick) dont vous pouvez en retrouver la démonstration ici [39].

Remarques concernant le test de FABER :

Il est à noter que le test de FABER a été décrit pour tester tantôt la hanche, tantôt l’ASI ; son utilité dépend de l’étude, de la population et de la référence standard à laquelle il a été comparée (Figure 9) mais retenons que si c’est l’ASI qui est testée, le critère de positivité est la reproduction d’une douleur postérieure familière au patient, et non d’une douleur antérieure comme ce serait attendu dans le cadre d’une réponse symptomatique de la hanche.

Figure 9 :

Comparaison de la validité diagnostique du test de FABER selon l’étude
(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance, κ : kappa, CCI : coefficient de corrélation inta-classe)

 

Remarque doit également être faite que, dans le cas de DSI dans la lombalgie chronique, l’étude de Broadhurst & Bond et l’étude de Dreyfuss et al. présentent des valeurs de précision diagnostique diamétralement opposées. Or, bien que vDW se soit appuyé dessus pour inclure ce test dans son cluster, les résultats de Brodhurst & Bond ne devraient pas être considérés comme valides étant donné que tous les sujets n’ont pas reçu la même référence standard et que la clinimétrie a été mal calculée (la sensibilité était en fait la valeur prédictive positive) [40]. Ainsi, seuls les résultats de Dreyfuss et al. sont recevables (QUADAS = 10, d’après [41]), et ils révèlent l’utilité médiocre de ce test pour diagnostiquer ou exclure une DSI s’il est utilisé seul. Il semble néanmoins reproductible, et son utilité pour le diagnostic de DSI quand il est combiné à d’autres tests a été validée par deux fois [39, 42].

Remarques d’ordre général concernant la réalisation des tests :

Les tests présentés ici ont été évalués dans la population des lombalgies chroniques [37, 39]. Des tests évalués spécifiquement pour les douleurs pelviennes postérieures en lien avec la grossesse existent ; ils seront abordés dans un prochain article.

Ils sont censés tester la mécano-sensibilité des ASI au sens large (surfaces articulaires, capsule, ligaments) sans que l’on puisse ni distinguer entre une étiologie intra ou extra-articulaire ou apprécier la contribution relative de chaque compartiment [1, 18, 20, 43] ni même caractériser la nature de leur affection.

Ces tests sont donc tous des tests de provocation de la douleur : ils sont considérés comme positifs si la douleur habituelle, celle qui motive la consultation, est reproduite clairement. L’inconfort pouvant être ressenti par les prises ne rentre pas en compte dans les critères de positivité de ces tests ; le patient doit en être informé de façon à savoir quelle réponse donner lors de l’exécution des tests par le praticien.

Pour être correctement pratiquées, ces manœuvres doivent être effectuées :

  • sur un plan assez dur ;
  • avec une durée d’application d’au moins 20 secondes avant de pouvoir conclure à la négativité de la manœuvre. L’application de la force doit être progressive car dans le cas où les articulations SI sont bien mécano-sensibles les manœuvres peuvent se révéler irritantes si elles sont réalisées brutalement. Si aucune douleur n’est ainsi provoquée, on peut réaliser quelques secousses en fin d’amplitude afin de s’assurer de la négativité du test.
  • avec assez de force pour pouvoir mobiliser l’articulation SI et mettre en tension les ligaments qui la stabilisent ; en effet, la mobilité des articulations SI étant très faible (en moyenne, moins de 2° au maximum 4°) et les forces de verrouillage étant très importantes [17], il est primordial pour l’évaluateur d’être en mesure de transférer un maximum du poids de son corps dans les ASI (il semble qu’un poids de 25kg serait un minimum pour certaines manœuvres comme celle de Gaenslen) [1]. Cependant, il semble qu’il existe une grande variabilité dans les forces appliquées lors de ces manœuvres même chez des examinateurs expérimentés [20]. En effet, en pratique, il paraît difficile d’apprécier la force appliquée lors de chaque manœuvre. Retenons simplement que le.la praticien.ne doit parvenir à transférer (progressivement) un maximum de son poids de corps lors de l’application de la technique.

Clinimétrie des tests et des clusters : Un peu de maths (mais pas trop), c’est nécessaire vous allez voir !

Bien qu’il n’existe pas de consensus sur quelle serait la meilleure référence standard (« gold standard ») pour la lombalgie – et ce, quelle que soit la structure suspectée – les blocs d’anesthésique local restent le meilleur outil pour identifier une structure susceptible de contribuer aux douleurs [11, 12].

Afin de déterminer la performance diagnostique de ces deux clusters, les manœuvres ont été comparées à la meilleure (« meilleure », pas « parfaite » [1,43]) référence standard actuelle que constitue pour les DSI la double injection intra-articulaire d’anesthésique local (bloc initial : lidocaïne, courte durée d’action ; bloc de confirmation : bupivacaïne, longue durée d’action) guidée par fluoroscopie [11, 12]. Néanmoins, les critères pour la référence standard n’étaient pas exactement les mêmes (Figure 10) : Laslett considère une réponse positive à la référence standard si un soulagement de la douleur d’au moins 80% est obtenu, tandis que pour vDW une réduction de la douleur d’au moins 50% est requise [37, 39].

Cette référence standard en revanche n’est pas validée pour les douleurs en lien avec les structures extra-articulaires (ligaments) [44].

Figure 10 :

Comparaison des standards de référence pour les clusters de Laslett et van der Wurff

Pour rappel, si la sensibilité et la spécificité sont habituellement utilisées pour caractériser la performance diagnostique d’un test, les ratios de vraisemblance (positif : « RV+ », et négatif : « RV- ») devraient pourtant leur être préférées en pratique clinique car ces valeurs reflètent mieux le changement de probabilité d’une hypothèse [45]. Simplement : les RV positif et négatif représentent la capacité du test à augmenter ou à diminuer la probabilité que l’affection que l’on recherche avec ce test soit présente selon que le test est positif ou négatif (respectivement). On considère que le RV+ aboutira à une augmentation significative de la probabilité post-test par rapport à la probabilité pré-test (prévalence si accessible, ou appréciation du clinicien) si sa valeur est supérieure ou égale à 5. De même, on considère que le RV- aboutit à une diminution significative de la probabilité post-test si sa valeur est inférieure ou égale à 0,2. Plus sa valeur se rapproche de 1, moins un RV modifie la probabilité, et donc moins le test a d’utilité diagnostique [41, 46]. McGee a estimé que pour ces paliers de 5 et de 0,2, le changement approximatif de la probabilité est de +30 points et de -30 points de pourcentage, respectivement (Figure 11) [47].

Figure 11 :

Ratios de vraisemblance et changement de probabilité estimé, traduit d’après [47]
(en gras, les valeurs « seuils » d’utilité clinique d’après [41])

 

La clinimétrie individuelle des tests constituant les deux clusters est synthétisée dans la Figure 12 ; les valeurs sont arrondies pour faciliter la lecture, sans que cela n’affecte fondamentalement leur précision diagnostique (tests du cluster de Laslett : Reproductibilité : [48], Précision : [38] ; pour le FABER : [32] (d’après [49, 50]).

Figure 12 :

Tableau comparatif de la précision diagnostique et de la reproductibilité individuelle des tests inclus dans les clusters de Laslett et de van der Wurff
(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance, κ : kappa, *moyenne pour les côtés droit et gauche)

Avec le prisme des ratios de vraisemblances, on constate que la valeur individuelle de ces tests est globalement médiocre : aucun de ces tests ne permet, seul, d’aboutir à un changement significatif de la probabilité de l’hypothèse testée (Δ(post-test – pré-test) < 30%) [51].

Cependant, combiner judicieusement des tests peut permettre d’améliorer leur performance diagnostique globale, mais même en les associant ce gain peut rester marginal [52].

Alors comment interpréter les résultats d’une batterie de tests ? Pour faire simple, il s’agit d’abord de déterminer des paliers, ici : « 1 test positif sur 5 », « 2 tests positifs sur 5 », « 3 tests positifs sur 5 » et ainsi de suite, puis d’évaluer quel palier donne les meilleures performances diagnostiques.

Le tableau en Figure 13 récapitule et compare la clinimétrie de chaque palier de chaque cluster [53].

Figure 13 :

Comparaison de la clinimétrie des combinaisons de tests de Laslett et van der Wurff, adapté d’après [53]

 

Vous avez tenu jusque-là ? C’est maintenant que ça devient intéressant !

Dans ces clusters, le palier diagnostique optimal (cellules obscurcies) est « au moins 3 tests positifs sur 5 », seuil pour lequel le RV+ est de 4 environ [21, 54]. Cette règle diagnostique a été confirmée par vDW donc, mais aussi par deux études indépendantes ayant utilisé des tests similaires à ceux de Laslett et vDW [42, 55, 56].

De plus, une méta-analyse de 2009 rapporte pour la règle de « au moins 3 tests positifs » les données groupées de clinimétrie suivantes : une sensibilité de 85% et une spécificité de 76,4%, soit un RV+ de 3,6 et un RV- de 0,2, et calcule un rapport de côte diagnostique (diagnostic odd ratio) de 17,16 mais avec un large intervalle de confiance à 95% (7,6 – 39) avec la technique de double infiltration comme référence standard, confirmant ainsi l’utilité clinique de cette règle diagnostique [54].

Cliniquement, cela signifie que si au moins 3 tests sont positifs, il y aura une augmentation modérée de la probabilité de DSI (approximativement +25 points de pourcentage, selon [47]). Au contraire, si ce palier n’est pas atteint la probabilité que les douleurs soient en lien avec les ASI va diminuer significativement (au moins -30 points de pourcentage), nous permettant ainsi de rétrograder dans notre hiérarchie d’hypothèses une hypothèse qui était déjà peu probable dès le départ, et par conséquent d’envisager un diagnostic différentiel.

Pour aller plus loin dans l’interprétation de ces valeurs, si un seul test ou moins est positif, nous pouvons exclure avec une grande confiance l’hypothèse de DSI.

Cependant, dans le cas où 5 tests sont positifs sur 5, le RV+ est médiocre (gain sur la probabilité de l’hypothèse compris entre 0 et 15 points). Cela signifie que ce n’est pas parce qu’il y a plus de tests positifs que le diagnostic est plus certain ! Il faut donc être prudent quant aux conclusions à tirer d’un tel résultat.

Certains facteurs peuvent en effet sensibiliser les ASI et rendre les tests positifs alors que la douleur n’est pas en lien avec les structures articulaires en elles-mêmes (faux positifs).

D’abord, il serait judicieux d’exclure au préalable des tests de provocation des ASI toute affection lombaire plus prévalente que les DSI susceptible de mimer une DSI [25 – 31] et de générer de faux positifs aux tests [37]. Nous y reviendrons.

Chez les femmes enceintes, une hypersensibilité étendue des tissus (dont les mécanismes sous-jacents sont encore à élucider) est également susceptible de générer des faux positifs aux tests SI [57].

Enfin, face à un contexte de douleurs persistantes, il faut envisager la présence de phénomènes de facilitation de la nociception tels que la sensibilisation centrale, susceptibles d’aboutir à de l’hyperalgésie et donc à de faux positifs [58].

Intuitivement, on s’aperçoit déjà que prendre en compte et, si possible, dépister ces facteurs confondants au préalable de la réalisation des tests de provocation des ASI sera déterminant pour la confiance que l’on accordera à une réponse positive à ces tests.

Remarques concernant les clusters :

  • Dans la mesure où les 2 clusters ont une validité diagnostique très proche, les tests de FABER et du thrust du sacrum peuvent par conséquent être intervertis si nécessaire sans que cela n’affecte fondamentalement la performance des clusters. Ainsi, on pourra réaliser le test de FABER eu lieu du test en thrust du sacrum chez les patients ne pouvant tolérer le décubitus ventral, en particulier chez les femmes enceintes.
  • Laslett montre dans son étude de 2005, qui est une analyse secondaire de l’étude de 2003 [37] et dont la référence standard est cette fois un simple bloc anesthésique intra-articulaire, que le test de Gaenslen affecte peu la performance diagnostique du cluster (Figure 14) [38]. Limitant ainsi le nombre de tests à 4, le palier optimal devient : « au moins 2 tests positifs sur 4 ».

Figure 14 :

Comparaison de la clinimétrie du cluster de Laslett avec et sans le test de Gaenslen

  • Plus récemment, Schneider et al. ont réévalués les 6 tests des clusters de Laslett et vDW (test de FABER, thrust fémoral, thrust du sacrum, test de distraction, test de compression, test de Gaenslen ; Figure 15). La référence standard à laquelle comparer les résultats des tests qui a été utilisée diffère de celles utilisées par Laslett et vDW en ceci qu’il s’agissait d’une unique injection guidée par fluoroscopie d’un mélange d’anesthésique local de courte durée d’action (lidocaïne, également utilisée dans les études de Laslett et vDW) et d’anti-inflammatoires stéroïdiens (glucocorticoïdes : triamcinolone) avec un soulagement de la douleur d’au moins 80%. Il n’y a donc pas de bloc de confirmation avec une anesthésie au long cours comme c’est le cas dans les études de Laslett et vDW.

Dans ces conditions expérimentales, aucune manœuvre ne présente de précision diagnostique susceptible d’aboutir à un changement significatif de probabilité. Autrement dit, dans cette étude, aucun de ces tests n’a d’utilité clinique [59]. Sur ce point, les résultats sont cohérents avec ceux de Laslett et vDW mais aussi avec ceux de Maigne et de Dreyfuss [60, 61] : isolément, ces tests n’ont pas d’utilité clinique.

Figure 15 :

Tableau comparatif de la précision diagnostique individuelle des tests en comparaison avec un bloc diagnostic à 80% de soulagement de la douleur
(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance)

Ces tests ont également été évalués en combinaison : leur performance diagnostique a été calculée pour des seuils de soulagement de la douleur de 50%, 80% et 100%. Contrairement aux résultats de Laslett et vDW cette fois, aucune combinaison de tests pour aucun seuil de soulagement et pour aucun palier de tests positifs ne présente de RV+ qui indiquerait une utilité pour le diagnostic d’une DSI.

Avec tous ces éléments, on peut désormais résumer sous la forme d’un algorithme la combinaison de tests de Laslett et vDW avec le palier optimal de « au moins 2 tests positifs sur 4 » (Figure 16).

Figure 16 :

Algorithme des tests, adapté d’après [38]

 

Précautions préalables : Jusque-là c’était facile, c’est maintenant qu’il faut s’accrocher !

Mark Laslett (encore lui !) a montré dans son étude en 2003 que l’exclusion préalable d’une implication discogénique mécanique (DDM) à la douleur par une recherche infructueuse d’une centralisation (CEN) de la douleur par une approche MDT (« méthode McKenzie ») [37] permet d’augmenter la précision diagnostique des tests SI. En effet, il mettra en évidence en 2005 que le phénomène de CEN est très spécifique à une discographie de provocation contrôlée (donc à une douleur en lien avec le disque intervertébral) du moment où les sujets ne sont pas en détresse psycho-sociale ou en invalidité fonctionnelle importantes (mesurées sur le DRAM et sur l’échelle de Roland-Morris) [63]. Enfin, la prévalence de la CEN (et donc des douleurs discogéniques mécaniquement répondantes) semble se situer autour de 43% dans les lombalgies [64].

Lorsque les centraliseurs sont exclus, la spécificité du palier de « 3 tests positifs sur 5 » passe de 78% à 87%, améliorant ainsi le RV+ de 4 à 7 (le RV- ne change pas) ! Cela signifie qu’en excluant les centraliseurs, on obtient une réduction du nombre de faux positifs. En d’autres termes : si l’on n’exclut pas au préalable une implication lombaire mécanique, les tests SI sont susceptibles de générer plus de faux positifs !

Figure 17 : [65]

En outre, si l’on considère l’ensemble des affections pouvant générer des douleurs référées dans le membre inférieur et que l’on en exclut un sous-groupe, il en résulte une augmentation relative de la probabilité des sous-groupes restant. Pour le dire autrement : en excluant une hypothèse, chaque hypothèse restante a plus de chances d’être le bon diagnostic qu’elle n’en avait au départ.

Donc, dans l’ensemble des causes de douleurs lombo-pelviennes persistantes, l’exclusion d’une implication discogénique par exemple résulte en une augmentation relative de la probabilité des causes possibles restantes, dont les DSI (Figure 18). Grâce à cette application en ligne (issue de l’excellente vidéo de Christophe Michel, de la chaîne Hygiène Mentale, sur le raisonnement bayésien), vous pouvez visualiser comment les variations de probabilité d’une hypothèse affecte la probabilité d’hypothèses concurrentes (vous pouvez également visualiser comment la probabilité a priori et la vraisemblance d’un test ou d’une expérience affectent la probabilité finale d’une hypothèse).

Figure 18 :

Evolution des probabilités relatives dans un groupe fini d’hypothèses lors de l’exclusion de l’une d’entre elles (les étiquettes cliniques et leurs proportions relatives ont été arbitrairement choisies pour l’exemple et ne se veulent pas réalistes).

 

Cela n’est peut-être pas très parlant, alors voyons comment l’exclusion des centraliseurs nous permet d’être plus confiant dans la conclusion de nos tests de provocation SI.

Si nous reprenons les conditions de l’étude de Laslett en 2003, la probabilité pré-test (prévalence) des DSI, passe de 26% à 32% après exclusion des centraliseurs. Or, nous avons vu que dans ces conditions le RV+ pour le palier optimal de 3 tests positifs sur 5 passe de 4 à 7 [53].

Mathématiquement, si la règle de « 3 tests positifs sur 5 » est remplie, il en résulte alors que la probabilité post-test que le patient ait une DSI passe de 32% à 77%, soit un gain total d’environ +50 points par rapport à la probabilité initiale (26%) ! Pour le dire autrement : l’exclusion des centraliseurs a permis au final un gain de près de +20 points sur la probabilité post-test par rapport à s’ils ne l’avaient pas été.

On peut essayer de clarifier les choses en représentant graphiquement l’évolution des probabilités avec un nomogramme de Fagan [66]. L’échelle de gauche représente la probabilité initiale (ou « pré-test ») de présence de la pathologie (ce qui correspond à la prévalence si elle est connue grâce à l’épidémiologie, ou à défaut, à l’estimation du clinicien a priori selon les indices cliniques en présence), celle du milieu représente la valeur des ratios de vraisemblance du test et celle de droite représente la probabilité finale après avoir réalisé le test (probabilité post-test). Les droites de couleur modélisent le changement de probabilité permis par les RV (positif en bleu, négatif en rouge). Les crochets symbolisent les intervalles de confiance à 95%. Ainsi, ce graphique nous permet de visualiser dans quelle mesure un test dont on connaît les RV contribue à modifier (augmenter ou diminuer) la probabilité de présence d’une pathologie (Figure 19).

Figure 19 :

Illustration des changements de probabilités pour une règle de « au moins 3 tests positifs remplie » avant et après exclusion des sujets centraliseurs pour une prévalence initiale de 26%.
(réalisée avec :
http://araw.mede.uic.edu/cgi-bin/testcalc.pl)

 

En résumé :

L’exclusion préalable des centraliseurs a permis à la fois de rehausser la probabilité pré-test de l’hypothèse SI, mais aussi d’améliorer le RV+ du cluster de Laslett, ce qui aboutit, une fois les tests SI réalisés, à une probabilité de l’hypothèse de DSI significativement plus élevée (Figure 20).

Figure 20 :

Résumé schématique des effets probabilistes sur l’hypothèse de DSI de l’exclusion d’une hypothèse concurrente

 

Tout ça pour démontrer que l’ordre dans laquelle les différentes hypothèses sont testées, inclues et exclues, a une importance capitale en pratique clinique car il peut influencer les résultats des tests et les changements de probabilités des hypothèses. Retenons que le résultat d’un test pour une hypothèse pourra nous conduire à une conclusion clinique différente selon l’exclusion préalable ou non d’un ou plusieurs diagnostics différentiels.

Figure 21 :

Tableau récapitulatif de la clinimétrie des clusters de Laslett et van Der Wurff
(SN : sensibilité / SP : spécificité / RV : ratio de vraisemblance / les valeurs en gras soulignent les différences de valeurs d’une situation à l’autre au sein d’une même étude)

Il n’est pas exclu que d’autres sources lombaires de nociception que le disque intervertébral soient capables de produire de faux positifs aux tests SI mais cela reste à étudier.

En extrapolant on peut néanmoins considérer que, étant donné la faible prévalence des DSI, on ne peut se dispenser d’exclure dans un premier temps toute autre cause plus courante – et donc plus probable – de douleur lombo-pelvienne ou de douleur référée somatique du membre inférieur, et a fortiori si elle est susceptible de mimer une DSI et de générer des faux positifs aux tests SI, avant de considérer l’éventualité d’une DSI [67].

Mark Laslett (toujours lui !) suggère d’ailleurs que s’il existe un autre diagnostic plus susceptible d’expliquer les douleurs pelviennes ou des membres inférieurs, les résultats des tests de provocations SI doivent être ignorés et considérés comme des faux positifs [14, 16], d’autant qu’il est peu commun que deux structures impliquées dans des douleurs lombo-pelviennes coexistent [68, 69].

D’autres structures connues pour être en lien avec des douleurs référées somatiques pelviennes ou dans le membre inférieur sont présentées dans le tableau ci-après (Figure 22). Elles constituent une liste non-exhaustive de diagnostics différentiels des DSI à envisager (chacun ayant une prévalence particulière). En particulier, une éventuelle implication de la hanche est à également à exclure avant de tester les ASI étant donné que cette région est largement sollicitée par les tests SI.

Figure 22 :

(SN : sensibilité, SP : spécificité, RV : ratio de vraisemblance)

Evidemment en pratique il est difficile, sinon impossible, de rendre compte avec précision de ces phénomènes statistiques : d’une part nous ne disposons pas toujours de toutes les données nécessaires au calcul (épidémiologie, clinimétrie) et d’autre part il est évident qu’il ne s’agit pas de réaliser ces calculs au cours d’une consultation ! Mais l’objectif ici est, en se servant de l’exemple des DSI, d’illustrer comment la hiérarchisation probabiliste des hypothèses, l’ordre et les valeurs clinimétriques des tests nous permettent d’argumenter plus fiablement nos conclusions cliniques, et dans quelle mesure il est déterminant pour nos décisions cliniques d’appréhender les mécanismes du changement de probabilité.

À défaut d’être assisté par une intelligence artificielle recensant pour nous toutes les données nécessaires à ces calculs, le praticien doit faire appel à ses compétences de jugement afin d’apprécier « au doigt mouillé » les changements de probabilité. Si l’objectif du clinicien est de pouvoir faire confiance à ses conclusions, une compréhension fine des ressorts d’un raisonnement probabiliste, des outils mathématiques et de l’influence de la façon dont est conduit un examen clinique sur la probabilité des hypothèses est fondamentale. L’expertise du praticien a donc encore de beaux jours devant elle !

Objection sur le rôle de la centralisation dans le diagnostic différentiel de DSI :

Nous avons dit que dans l’étude de Laslett en 2003 [37], l’exclusion d’une DDM a été réalisée avec l’approche MDT (« méthode McKenzie ») par la recherche infructueuse d’une CEN à l’aide de stratégies de mise en contrainte directionnelle du rachis lombaire (mouvements répétés ou positions maintenues).

Sauf que Laslett lui-même a montré ensuite en 2005 que, dans les conditions de son étude, la CEN n’a pas une bonne capacité d’exclusion pour les douleurs discogéniques mécaniques (RV- ≈ 0,6, Figure 23) [70], donnée soutenue par les travaux de Young en 2003 (RV- = 0,5) [26].

Ainsi, des patients qui ne centralisent pas peuvent quand même présenter une DDM (faux négatifs). En d’autres termes : tous les patients avec une DDM ne centralisant pas, l’absence de CEN ne suffit donc pas à exclure une implication discogénique mécanique !

Laslett a d’ailleurs lui-même présenté ici des résultats de la comparaison entre la présence d’une préférence directionnelle (P.D.) sans CEN (dont elle est un cas particulier, Figure 24) et un résultat positif à une discographie de provocation, montrant que, comme la CEN, la P.D. est utile pour inclure une DDM, et comme la CEN, la P.D. ne permet pas d’exclure une contribution discale mécanique à la douleur (Figure 23 ; plus d’informations à ce sujet dans une publication antérieure à la création de Kinéfact, ici).

Ces résultats – qui doivent être considérés avec précaution car ils n’ont à ma connaissance pas été publiés dans une revue à comité de relecture par les pairs – suggèrent à nouveau qu’il existe encore un sous-groupe de patients souffrant de DDM qui ne présentent ni P.D., ni CEN, dont on peut imaginer qu’il puisse également générer de faux positifs aux tests SI s’ils ne sont pas préalablement exclus.

Figure 23 :

Comparaison de la précision diagnostique de la centralisation et de la préférence directionnelle en fonction du risque psycho-social, d’après Laslett
(RM :
Echelle de Roland-Morris ; DRAM : Distress and Risk Assessment Method)

Nota Bene : pour une raison inconnue, les valeurs des RV diffèrent de celles présentes dans l’étude de Laslett 2005 [70] ; elles ont été recalculées à partir des valeurs de la sensibilité et de la spécificité disponibles dans l’étude et vérifiées avec calculateur de précision diagnostique (ici). Ce sont donc ces dernières qui ont été gardées.

Figure 24 :

En MDT, la centralisation est considérée comme un cas particulier de la préférence directionnelle

De ces résultats, on remarque que si la capacité de la CEN et de la P.D. à diagnostiquer une DDM n’est pas indépendante de la détresse psycho-sociale et de l’invalidité, leur capacité d’exclusion en revanche n’est pas affectée par ces facteurs.

Enfin, bien qu’il soit tout à fait envisageable que d’autres approches permettent de dépister une implication discogénique mécanique (auquel cas elles doivent être évaluées formellement dans une étude diagnostique avec comparaison aux résultats d’une discographie de provocation contrôlée), les résultats de l’étude de Laslett ne peuvent à ce jour être considérés qu’à travers l’approche MDT.

Ultimement, les tests SI peuvent aider le clinicien à identifier les cas susceptibles de bénéficier ensuite d’une injection intra-articulaire d’anesthésique à visée diagnostique, permettant, en confirmant l’hypothèse, de mieux orienter la prise en charge thérapeutique [1].

Articles précédents : Parties 1 (épidémiologie) et 2 (anamnèse) :

Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 1)

Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 2)

Suite de cet article : Partie 4 (conclusion) :

Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 4)

Références : (par ordre d’apparition dans le texte)

  1. Berthelot JM, Laslett M. Par quels signes cliniques s’assurer au mieux qu’une douleur est bien d’origine sacro-iliaque (sensu lato) ? Revue du Rhumatisme Sept 2009;76(8):741-749
  2. van der Wurff et al. Clinical tests of the sacroiliac joint. A systematic methodological review. Part 1: Reliability. Man Ther. 2000 Feb;5(1):30-6
  3. Haneline MT, Young M. A review of intraexaminer and interexaminer reliability of static spinal palpation: a literature synthesis. J Manipulative Physiol Ther. 2009 Jun;32(5):379-86
  4. Stoval BA, Kumar S. Reliability of bony anatomic landmark asymmetry assessment in the lumbopelvic region: application to osteopathic medical education. J Am Osteopath Assoc. 2010 November;110(11):667–674
  5. Cooperstein R, Hickey M. The reliability of palpating the posterior superior iliac spine: a systematic review. J Can Chiropr Assoc. 2016 Mar;60(1):36-46
  6. Wu WH, et al. Pregnancy-related pelvic girdle pain (PPP), I: Terminology, clinical presentation, and prevalence. Eur Spine J. 2004 Nov;13(7):575-89
  7. Vleeming A, et al. European guidelines for the diagnosis and treatment of pelvic girdle pain. Eur Spine J. 2008 Jun;17(6):794-819
  8. Kanakaris K, Roberts CS, Giannoudis PV. Pregnancy-related pelvic girdle pain: an update. BMC Med. 2011 Feb 15;9:15
  9. Vermani E, Mittal R, Weeks A. Pelvic girdle pain and low back pain in pregnancy: a review. Pain Pract. 2010 Jan-Feb;10(1):60-71
  10. Stolwijk C, et al. Global Prevalence of Spondyloarthritis: A Systematic Review and Meta‐Regression Analysis. Arthritis Care Res (Hoboken). 2016 Sep;68(9):1320-31
  11. Simopoulos TT, et al. A systematic evaluation of prevalence and diagnostic accuracy of sacroiliac joint interventions. Pain Physician. 2012 May-Jun;15(3):E305-44
  12. Simopoulos TT, et al. Systematic Review of the Diagnostic Accuracy and Therapeutic Effectiveness of Sacroiliac Joint Interventions. Pain Physician. 2015 Sep-Oct;18(5):E713-56
  13. Laslett M. Commentary on Appropriate Use Criteria for SIJ Pain. Pain Med. 2018 Apr 26
  14. Chou LH, et al. Inciting Events Initiating Injection-Proven Sacroiliac Joint Syndrome. Pain Med. 2004 Mar;5(1):26-32
  15. Bogduk N. Clinical Anatomy of the Lumbar Spine and Sacrum. 5e edition 2012. Elsevier Health Sciences.
  16. Laslett M. Clinical Diagnosis of Sacroiliac Joint Pain. Techniques in Orthopaedics: June 2019 – Volume 34 – Issue 2 – p 76–86
  17. Vleeming A, et al. The sacroiliac joint: an overview of its anatomy, function and potential clinical implications. J Anat. 2012 Dec;221(6):537-67
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  19. Szadek KM, et al. Possible Nociceptive Structures in the Sacroiliac Joint Cartilage: An Immunohistochemical Study. Clin Anat. 2010 Mar;23(2):192-8
  20. Berthelot JM, et al. Provocative sacroiliac joint maneuvers and sacroiliac joint block are unreliable for diagnosing sacroiliac joint pain. Joint Bone Spine. 2006 Jan;73(1):17-23
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  23. Dreyfuss P, et al. Sacroiliac joint pain. J Am Acad Orthop Surg. 2004 Jul-Aug;12(4):255-65
  24. Slipman CW, et al. Sacroiliac joint pain referral zones. Arch Phys Med Rehabil. 2000 Mar;81(3):334-8
  25. van der Wurff P, Buijs EJ, Groen GJ. Intensity Mapping of Pain Referral Areas In Sacroiliac Joint Pain Patients. J Manipulative Physiol Ther. 2006 Mar-Apr;29(3):190-5
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  35. Baraliakos X, Maksymowych WP, Imaging in the diagnosis and management of axial spondyloarthritis, Best Practice & Research Clinical Rheumatology (2016)
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  41. Cook C, Hegedus E. Orthopedic Physical Examination Tests: An Evidence-Based Approach – Pearson New International Edition. 2nd Edition 2017
  42. Ozgocmen S et al. The value of sacroiliac pain provocation tests in early active sacroiliitis. Clin Rheumatol. 2008 Oct;27(10):1275-82
  43. Laslett M et al. Comments on Berthelot et al. review: ‘‘Provocative sacroiliac joint maneuvers and sacroiliac joint block are unreliable for diagnosing sacroiliac joint pain. Joint Bone Spine. 2007 May;74(3):306-7
  44. Bogduk N. A Commentary on Appropriate Use Criteria for Sacroiliac Pain. Pain Medicine 2017; 18: 2055–2057
  45. Hegedus EJ, Stern B. Beyond SpPIN and SnNOUT: Considerations with Dichotomous Tests during Assessment of Diagnostic Accuracy. J Man Manip Ther. 2009;17(1):E1-5
  46. Joshua Cleland, Michel Pillu, Shane Koppenhaver, Jonathan Su. Examen clinique de l’appareil locomoteur. Elsevier Masson. 3ème édition 2018
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  49. van der Wurff P, Hagmeijer RH, Meyne W. Clinical tests of the sacroiliac joint. A systematic methodological review. Part 1: Reliability. Man Ther. 2000 May;5(1):30-6
  50. van der Wurff P, Hagmeijer RH, Meyne W. Clinical tests of the sacroiliac joint. A systematic methodological review. Part 2: Validity. Man Ther. 2000 Feb;5(2):89-96
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  65. Sagi, P. Boudot, D. Vandeput. Méthode McKenzie : diagnostic et thérapie mécanique du rachis et des extrémités. 04/02/11. [26-076-A-10]
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  69. Laslett M, et al. Agreement between diagnoses reached by clinical examination and available reference standards: a prospective study of 216 patients with lumbopelvic pain. BMC Musculoskelet Disord. 2005;6:28
  70. Laslett M, et al. Centralization as a predictor of provocation discography results in chronic low back pain, and the influence of disability and distress on diagnostic power. Spine J. 2005 Jul-Aug;5(4):370-80

Questionnaire DSQ-PEM10 : dépistage des malaises post efforts.

Avec l’actualité et le sujet des COVID longs avec malaise post exercice (PEM), la question du diagnostic se pose : la fatigue de mon patient est-elle “normale” après ma séance, ou est-ce un malaise post-exercice ?

Ces malaises sont déjà décrit dans deux autres problèmes de santé : l’encéphalomyélite myalgique (ME) et le syndrome de fatigue chronique (CFS).

Le groupe de travail du National Institutes of Health/Centers for Disease Control and Prevention (NIH/CDC) Common Data Elements’ (CDE) recommande d’utiliser le DePaul Symptom Questionnaire DSQ-5 (sensibilité théorique de 97%) pour inclure l’hypothèse de malaise post-effort, puis d’utiliser diverses sources pour confirmer cette hypothèse. Cette étude propose 5 questions supplémentaires pour formaliser cette deuxième étape, en conservant une bonne sensibilité (<80%) et en diminuant le taux de faux positifs (à 16%).

L’association Long COVID propose d’utiliser ce DSQ-PEM 101 pour repérer nos patients COVID longs qui seraient sujet aux malaises post-exercices.


Références
  1. Cotler, Joseph & Holtzman, Carly & Dudun, Catherine & Jason, Leonard. (2018). A Brief Questionnaire to Assess Post-Exertional Malaise. Diagnostics. 8.[]

Quel matériel afin de réaliser un bon examen de neuropathie ?

Nous vous avons parlé plusieurs fois du bilan neurologique ici ou mais plusieurs d’entre vous ont eu du mal à trouver le matériel adéquat. C’est pour répondre à cette demande que nous vous avons concocté ce tableau avec les liens vers le matériel utilisable lors de votre bilan neurologique.

Que ce soit pour du screening médical, l’évaluation des fonctions neurologiques ou durant un diagnostic différentiel, l’examen neurologique est une part essentiel et indispensable à notre pratique.

 

Matériel Nom Type d’évaluation Lien Prix moyen
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Le syndrome du canal carpien : régler au mieux le problème. 3/3

Syndrome du canal carpien, pourquoi sommes-nous négligés du parcours de soin ? 

Par Bryan Littré, remerciements et aide à la relecture : Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke, Marie Akrich, Antoine Massuleau, Benjamin Heng

Comment ne pas rater une neuropathie au cabinet

Nous en avions déjà discuté dans un ancien article qui est toujours d’actualité. Je reviens sur l’évaluation du système nerveux car afin d’établir un diagnostic différentiel, ou évaluer le pronostic du patient, nous nous devons d’effectuer un test neurologique complet et efficace.

Les meilleurs éléments diagnostiques des neuropathies – KineFact

L’évaluation du système nerveux est valable pour toute partie du corps. Voici un récapitulatif du matériel nécessaire au cabinet afin de faire cette évaluation ainsi que le type de fibre évalué.

SCHMID, Annina B., FUNDAUN, Joel, et TAMPIN, Brigitte. Entrapment neuropathies: a contemporary approach to pathophysiology, clinical assessment, and management. Pain Reports, 2020, vol. 5, no 4.

Cependant je vais insister sur certains éléments du test car j’ai pu observer des éléments dans les pratiques communes qui  peuvent vous induire en erreur plus qu’autre chose.

L’évaluation du système nerveux est plus rapide et plus simple que vous le croyez encore faut-il le réaliser de manière correcte et comprendre ce que l’on fait. Malheureusement en IFMK je n’ai pas eu la chance d’avoir reçu des connaissances à jour sur ce domaine, voici donc en 2021 les choses à éviter et corriger (Cadeau pour tous les étudiants que je n’ai pas en tant que prof)  :

  1. NE PAS SE SERVIR DE SES MAINS DE THERAPEUTE AFIN D’EVALUER LA SENSIBILITE TACTILE

Pourquoi ? Car le seuil d’activation des grosses fibres évaluées par la discrimination tactile est spécifique à une échelle de pression dans laquelle est inclue le pinceau, le coton mais PAS LES MAINS. 

Également car la température et la transmission de chaleur peut activer plein de types de fibres différentes (en gros on n’évalue même pas ce que l’on pense évaluer). A retenir : n’utilisez pas vos mains pour la sensibilité tactile / Utilisez le matériel adéquat afin d’évaluer la sensibilité tactile.

  1. NE PAS FAIRE DE PIC/TOUCHE EN MÊME TEMPS

Pourquoi ? regardons le tableau au-dessus : 

Pic = pin prick qui évalue les fibres Adelta et les fibres C = tact grossier = sensibilité protopathique

Touche = light touch qui évalue les grosses fibres Abeta = tact fin = sensibilité épicritique

Aucune information intéressante ne peut sortir d’un pic/touche comme décrit initialement il faut faire l’évaluation de l’un PUIS de l’autre car il n’est pas possible de les croiser, en comparant ce que l’on trouve à l’autre côté pas en les comparant les uns aux autres car ce ne sont pas les mêmes fibres.

A retenir : effectuer l’évaluation du tact lié aux différentes fibres indépendamment l’un de l’autre.

  1. NE PAS OUBLIER QUE LES GROSSES FIBRES NE SONT PAS LES PETITES FIBRES

Cela reprend exactement les deux points précédents mais comme ça c’est peut-être plus clair. Un type de fibres équivaut à un groupe de fonctions nerveuses.

  1. NE PAS OUBLIER QUE C’EST UN TROUBLE EVOLUTIF

Le bilan neurologique de votre patient peut évoluer positivement nous orientant vers un meilleur pronostic mais également négativement nous orientant vers un moins bon pronostic. 

Voici un exemple : Mr VA-ALE-MIEU vient lors de la première séance et montre des troubles neurologiques mais lors de sa 5em séance malgré des douleurs montre une amélioration de sa fonction neurologique => vous êtes dans la bonne direction avec votre traitement.

Un deuxième exemple : Mme VA-ALE-MAL vient lors de votre première séance avec des douleurs neuropathiques sans aucune perte de fonction, cependant lors de votre 5em séance vous observez des pertes de fonction neurologiques qui se dégradent encore plus lors séances qui suivent => courrier au médecin

  1. NE PAS OUBLIER LES FACTEURS DE RISQUE, FAVORISANTS, PREDISPOSANTS, LES PATTERN PARTICULIERS

Si au cours de l’interrogatoire vous pouvez récolter des informations que vous savez être des éléments en lien avec des neuropathies ou des névralgies : intoxication aux métaux lourds, ATCD de douleurs neuropathiques ou d’atteintes nerveuses, intoxication médicamenteuse, troubles thyroïdiens, diabète, carences, chirurgie bariatrique, DN4 positif, trajet douloureux atypique … Ces éléments vont modifier votre manière d’évaluer le  système nerveux, prendre en charge votre patient ou conditionner la communication avec le médecin traitant.

Exemple de Novembre 2020 : Mr G vient me voir un jour de Novembre 2020 en me signalant une perte de sensibilité en chaussette sur les deux jambes. Test neuro effectué avec précision et effectivement il y avait une perte de sensation tactile SANS AUCUNE AUTRE PERTE DE FONCTION DE FORCE OU DE REFLEXES OU AUTRES. Cela durait depuis 1 semaine.

A quoi pensez-vous ? 

Je l’ai renvoyé avec un courrier explicatif le renvoyant vers un neurologue car je soupçonne une SEP ou toute autre atteinte métabolique. (  la perte de sensibilité en « botte » de manière bilatérale devrait augmenter notre niveau de vigilance ) 

  1. NE PAS CONFONDRE NEUROPATHIE ET NÉVRALGIE, ZONE DOULOUREUSE ET ZONE DE PERTE DE FONCTION

La différence ? Une neuropathie est la traduction clinique d’une perte de fonction nerveuse. Une névralgie est une douleur en lien avec le système nerveux périphérique. Ces deux domaines d’évaluation du nerf sont souvent en lien mais pas toujours non plus.

Voici un exemple vu au cabinet en été 2018 : Mr L vu pour une névralgie descendant le long de la cuisse jusqu’au mollet et parfois le pied, test neurodynamique positif, peu de perte de fonction nerveuses, va mieux  au bout de 3 semaines la vie est belle les papillons volent dans le ciel. 

Match de la France et 2ème poteau, PAVAAAARD, Mr L saute afin de célébrer ce moment mais le paye immédiatement car il ressent un éclair traversant son dos jusqu’à son pied. Des douleurs neuropathiques décrites comme des coups de jus et des brûlures surviennent immédiatement et persistent durant 2 jours. Au bout du 3e jour miracle plus aucune douleur, mais nous avions rendez-vous ensemble dans les jours suivants pour faire le point. Test neurodynamique négatif, PERTE DE FONCTION IMPORTANTE ( steppage, 2/5 au testing pour les racines S1, L5, L4, L3) S’en suit un courrier au médecin en vue d’une IRM et d’une prise en charge urgente selon moi. Résultat: hernie exclue

Les tests neurologiques conditionnent la conduite à tenir et prévalent sur les douleurs du patient.

Si vous voulez un billet discutant de :  quand orienter vers une chirurgie face à une « sciatique », radiculopathie ( lombaire et/ ou cervical ), faites le nous savoir

  1. NE PAS SURINTERPRÉTER  UN TEST NEURODYNAMIQUE

J’ai envie de discuter avec vous d’une subtilité concernant les tests neurodynamiques que vous ferez à vos patients. Cette subtilité va rejoindre le dernier point cité plus haut et sera illustré par l’étude ci-dessous.

Les auteurs se sont intéressés au phénotype somatosensoriel de patients atteints d’un SCC, ayant un test neurodynamique positif ou négatif, comparativement à un groupe contrôle sain.

Les patients inclus décrivaient un SCC et montraient une perte de fonction nerveuse objectivable par ENMG.

Ce qui nous intéresse : il existait une différence entre les deux groupes de patients ayant un SCC. Le groupe ayant un test neurodynamique négatif, montrait une plus grande altération des petites fibres de son système nerveux périphérique (objectivable par le QST ou par biopsie). 

Que comprendre :  si vous êtes face à un patient qui montre des signes de perte de fonction nerveuse avec un test neurodynamique négatif, déjà il a quand même une atteinte nerveuse mais sûrement que ses petites fibres autour de son nerf (Nervi Nervorum) sont plus altérées qu’un autre ayant le même problème mais un test ND positif. 

Le test neurodynamique, au niveau diagnostic, s’intéresse uniquement à l’implication de la mécanosensibilité  nerveuse au sein des symptômes du patient. pas aux neuropathies même si il y a un fort lien entre névralgie et neuropathie. 

Se servir de l’échographie ? 

Patient sain :

Patient ayant un SCC :

Nous observons une diminution de la mobilité transversale du nerf médian chez les patients atteints de SCC.

Le syndrome du canal carpien est souvent primitif mais la recherche de cause secondaire ou de facteur anatomique favorisant est l’un des challenges de l’imagerie (16). Ainsi, on recherchera l’existence d’une ténosynovite des fléchisseurs, d’un épanchement articulaire ou d’une distension kystique arthro-synoviale sur le versant palmaire du carpe pouvant comprimer le nerf médian au sein du canal carpien. On recherchera une tumeur et en particulier l’existence d’un lipome ou d’une tumeur nerveuse de type schwannome

Une méta-analyse conclut en 2013 que l’échographie utilisant la surface de section transversale du nerf médian ne pouvait pas être une alternative à l’ENMG pour le diagnostic du syndrome du canal carpien mais devrait être utilisée en complément (29). Dans une autre étude, prospective, sur 156 patients présentant un SCC cliniquement, les résultats échographiques étaient normaux chez 67 (42,9 %) alors que chez 44 patients (65,7 %) de ce sous-groupe, l’ENMG était anormal (30). Néanmoins la diversité des critères échographiques utilisés dans les études limite la comparaison, et les derniers critères validés qui semblent les plus sensibles et spécifiques n’étaient pas encore utilisés.

PETROVER, David et RICHETTE, Pascal. Prise en charge du syndrome du canal carpien: de l’échographie diagnostique à la libération percutanée sous échographie. Revue du Rhumatisme, 2018, vol. 85, no 3, p. 243-250.

Pourquoi l’ENMG n’est pas du tout un gold standard

L’ENMG  semble ne pouvoir évaluer que les grosses fibres myélinisées, or elles ne représentent pas la majorité de la composition d’un nerf. En effet pendant longtemps on pensait que les compressions nerveuses n’altéraient que les grosses fibres myélinisées et que c’est la démyélinisation axonale qui provoque la symptomatologie par une inflammation intra-neurale locale. On sait de nos jours que les fibres non myélinisées sont également atteintes et ne doivent pas être exclues de l’évaluation clinique.

L’examen clinique et le diagnostic de patients atteints de neuropathie périphérique devrait donc être basé sur l’interrogatoire du patient ou le test de douleur neuropathique (DN4). Pour un examen clinique, une combinaison de plusieurs tests comprenant l’ULNT, le seuil de douleur à la pression, le seuil douloureux à la chaleur et au froid semblent être des examens cliniques de choix ; ainsi nous aurions une idée plus précise de quelles fibres nerveuses au sein du nerf sont atteintes. 

L’ENMG est un excellent outil pour confirmer une neuropathie des grosses fibres ou pour faire du diagnostic différentiel lors d’atteintes nerveuses dégénératives ou pathologies neuro-immune. Il présente par contre des limites, lorsqu’un ENMG est négatif, nous ne pouvons rien dire en dehors du fait que le patient n’a pas de neuropathie des grosses fibres. Cela ne nous informe ni sur le fait qu’il ait une névralgie ou non, ni sur le fait qu’il y ait une neuropathie des petites fibres.

CHUNG, Tae, PRASAD, Kalpana, et LLOYD, Thomas E. Peripheral neuropathy: clinical and electrophysiological considerations. Neuroimaging Clinics, 2014, vol. 24, no 1, p. 49-65.

MEHRNAZ, M., FARAHNAZ, M., GHOLAMREZA, K., et al. A Review on Nerve Conduction Studies. Sch J Psychol & Behav Sci, 2018, vol. 1, no 3.

IKEDA, Masayoshi et OKA, Yoshinori. The relationship between nerve conduction velocity and fiber morphology during peripheral nerve regeneration. Brain and behavior, 2012, vol. 2, no 4, p. 382-390.

  

LA KINÉSITHÉRAPIE DÉLAISSÉE POUR LA CHIRURGIE ? 

www.ameli.fr/assure/sante/themes/syndrome-canal-carpien/traitement

Des référentiels validés par la Haute Autorité de santé (HAS) déterminent désormais, pour 14 situations de rééducation, le nombre de séances de masso-kinésithérapie remboursables sans accord préalable. Pour la prise en charge postopératoire du SCC, des lourdeurs administratives viennent nous faire obstacle. Le plus gros problème est que notre système de santé ne nous reconnaît même pas comme étant un intervenant permettant d’aider ces patients. De plus, d’après la HAS «  la rééducation n’est pas nécessaire » post-opératoire ou pré-opératoire. 

Vérifions grâce à pubmed : 

… ah bah non c’est tout l’inverse et voici quelques données.

Dans une étude prospective de Rozmaryn et al (1998), le nombre de mains opérées a diminué de manière statistiquement significative, chez les patients ayant eu une attelle de repos, des anti-inflammatoires, et des exercices de Totten et Hunter (43% d’opérés 4 mois après traitement) comparé à des patients traités quasiment par le même protocole hormis les exercices de Totten et Hunter (71.2% d’opérés).

Ci-dessous les exercices de type T&H

Dans leur étude contrôlée randomisée, Tal-Akabi et al montrent que les patients ayant participé aux groupes expérimentaux ont moins tendance à se tourner vers la chirurgie. Le groupe expérimental reçoit comme traitement des manœuvres de neuroglissements de type Totten&Hunter.

Une étude plus récente s’est intéressée directement au taux de conversion lié à la rééducation (Lewis et al 2020).

Le taux de conversion est le pourcentage de patients qui ne sont pas opérés alors qu’ils étaient sur liste d’attente en vue d’une opération.  Le taux de conversion était le critère de jugement primaire et le design de l’étude était un essai contrôlé randomisé. Les patients sélectionnés étaient tous sur liste d’attente d’une chirurgie pour le SCC dans les hôpitaux australiens. Le groupe expérimental (49 patients) a reçu des exercices à réaliser à la maison de type Totten&Hunter, couplée à la pose d’une orthèse de nuit ainsi que de l’éducation adapté au problème. Ils sont néanmoins restés sur la liste en attente de chirurgie. Le groupe contrôle (51 patients) est resté sur liste d’attente le temps de l’étude (donc les patients au sein de l’étude correspondent bien à une population générale qui pourrait être ciblée par cette intervention). Une prise des mesures a été faite à 6 et à 24 semaines après le début de l’étude.

Alors que le traitement administré par les kinésithérapeutes lors de cette étude n’est pas le meilleur (nous en parlerons juste après) qui a été évalué sur ces dernières années et que l’adhérence (observance) du groupe expérimental est très médiocre voir mauvaise, 41% des patients du groupe expérimental n’ont plus eu besoin de se faire opérer alors que seul 20% du groupe contrôle n’ont pas eu besoin de se faire opérer.

L’analyse secondaire des auteurs montre que tous les SCC considérés comme sévères par ENMG, se font tous opérer dans le groupe contrôle (11/11) et la majorité se fait opérer dans le groupe expérimental (8/12). 

Les données semblent en accord avec des études plus anciennes comme celle de O’Brien de 2013. 

ROZMARYN, Leo M., DOVELLE, Sam, ROTHMAN, Esther R., et al. Nerve and tendon gliding exercises and the conservative management of carpal tunnel syndrome. Journal of Hand Therapy, 1998, vol. 11, no 3, p. 171-179.

KOSTOPOULOS, Dimitrios. Treatment of carpal tunnel syndrome: a review of the non-surgical approaches with emphasis in neural mobilization. Journal of bodywork and movement therapies, 2004, vol. 8, no 1, p. 2-8.

TAL-AKABI, A. et RUSHTON, A. An investigation to compare the effectiveness of carpal bone mobilisation and neurodynamic mobilisation as methods of treatment for carpal tunnel syndrome. Manual Therapy, 2000, vol. 5, no 4, p. 214-222.

LEWIS, Karina J., COPPIETERS, Michel W., ROSS, Leo, et al. Group education, night splinting and home exercises reduce conversion to surgery for carpal tunnel syndrome: a multicentre randomised trial. Journal of Physiotherapy, 2020.

O’BRIEN, Lisa, HARDMAN, Alison, et GOLDBY, Sharon. The impact of a hand therapy screening and management clinic for patients referred for surgical opinion in an Australian public hospital. Journal of Hand Therapy, 2013, vol. 26, no 4, p. 318-322.

Dans l’étude de Hamzeh et al 2020, aucun patient n’a eu besoin de recourir à la chirurgie et cela même un an après la fin de leur étude interventionnelle 

HAMZEH, Hayat, MADI, Mohammad, ALGHWIRI, Alia A., et al. The long-term effect of neurodynamics vs exercise therapy on pain and function in people with carpal tunnel syndrome: A randomized parallel-group clinical trial. Journal of Hand Therapy, 2020

Que conclure ? La kiné est utile pour diminuer le taux de personnes ayant besoin de se faire opérer du SCC, mais lorsque l’atteinte est sévère le traitement conservateur semble être peu efficace. Or les neuropathies sont des atteintes évolutives, il semblerait donc que plus la prise en charge est précoce, plus on peut avoir un impact significatif afin de diminuer le nombre de personnes ayant besoin de se faire opérer. (comprendre : les médecins généralistes, pouvez-vous envoyer les patients assez tôt en séances avec un kinésithérapeute ? )

ET SI LA KINÉSITHÉRAPIE ÉTAIT MEILLEURE QUE LA CHIRURGIE ?

Ne vous inquiétez pas les chirurgiens auront encore du travail, ils sont utiles pour pleins de choses, mais si les recommandations se basent sur les études bien menées, ils auront sûrement des opérations plus stimulantes que des libération de nerf médian. Peut être que certains rouleront plus en Fiat Punto plutôt qu’en Ferrari 

(ceci est une blague canalisez-vous)

Voilà ce que disent TOUTES LES ÉTUDES comparant le traitement chirurgical au traitement conservateur bien mené pour la prise en charge du SCC. On peut dire que c’est une revue systématique sans méta-analyse comparant la chirurgie à la kinésithérapie dans la prise en charge du SCC.

Les 2 premières études incluent chacune une centaine (100/120) de patients répartis en deux groupes équivalents, ont été menées par Fernandez  De Las Penas (FDLP) et al. 2015 puis De Las Penas et al 2017. Ces études comparent la prise en charge par kinésithérapie à une prise en charge chirurgicale. Ces deux études ont une bonne qualité méthodologique notée à 8/10 selon l’échelle PEDro.

Concernant la première étude, tous les individus inclus ne sont que des femmes. Le critère de jugement principal est le BCTQ. Le groupe expérimental reçoit un traitement neurodynamique, une fois par semaine pendant 3 semaines, constitué de libérations d’interfaces ainsi que de mobilisations cervicales (CLG) et d’exercices « d’étirement » des muscles cervicaux à faire sur le moyen terme. Tous les sites potentiels de compression du nerf médian ont été traités manuellement afin de standardiser le traitement. Une prise des mesures a été effectuée à 1, 3, 6, 12 mois après l’intervention. Des exercices de neuroglissements de type Totten et Hunter sont expliqués aux patients pour qu’ils puissent les réaliser chez eux.

L’étude montre après 1 mois de traitement par thérapie manuelle, une amélioration statistiquement significative et une supériorité statistiquement significative, par rapport au groupe contrôle ayant reçu le traitement chirurgical, sur la fonction, la sévérité des symptômes et la force de préhension. Les résultats restent supérieurs de manière statistiquement significative pour le groupe expérimental jusqu’à 3 mois. De 6 à 12 mois le groupe ayant reçu le traitement chirurgical montre une amélioration progressive et on ne retrouve plus de différence statistiquement significative. Il n’y a pas de différence cliniquement significative (MCID) concernant le BCTQ avant et après l’étude même si la différence cliniquement significative est très proche du seuil de détection. 

Le traitement manuel semble donc aussi efficace et les résultats plus rapides que le traitement chirurgical pour la prise en charge du SCC non sévère chez une population féminine.

Concernant la deuxième étude, le modèle méthodologique est strictement le même que l’étude précédente, seuls quelques exercices cervicaux ainsi que la  thérapie manuelle ont été ajoutés. Le critère de jugement principal est le seuil de douleur à la pression. Le critère de jugement qui nous intéresse est l’étude de la douleur par échelle numérique de la douleur (NPRS).

Les résultats de l’étude montrent une supériorité statistiquement significative du groupe expérimental sur le moyen terme (3 mois) sur le critère de la douleur. Aucune différence statistiquement significative n’est retrouvée sur le moyen terme (1 an de suivi) entre le groupe recevant le traitement chirurgical et le groupe expérimental recevant le traitement manuel sur la douleur et les autres critères de jugement. L’amélioration de la douleur est cliniquement significative sur le long terme. Concernant les autres critères de jugement on remarque une supériorité statistiquement significative en faveur du groupe recevant le traitement manuel, pour le critère de jugement lié au seuil douloureux à la pression au canal carpien, à 1 an. Pour les autres critères de jugement, aucune différence statistiquement significative n’est observée.

FERNÁNDEZ-DE-LAS PEÑAS, César, ORTEGA-SANTIAGO, Ricardo, ANA, I., et al. Manual physical therapy versus surgery for carpal tunnel syndrome: a randomized parallel-group trial. The Journal of Pain, 2015, vol. 16, no 11, p. 1087-1094.

FERNANDEZ-DE-LAS-PENAS, Cesar, CLELAND, Joshua, PALACIOS-CEÑA, María, et al. The effectiveness of manual therapy versus surgery on self-reported function, cervical range of motion, and pinch grip force in carpal tunnel syndrome: a randomized clinical trial. journal of orthopaedic & sports physical therapy, 2017, vol. 47, no 3, p. 151-161.

Qu’est-ce que cela donne sur le long terme ? 

L’étude de De Las Penas et al 2020 a répondu à cette question, elle est la continuité de l’étude de 2015. Malgré les 3 ans de suivi sans traitement manuel par un kinésithérapeute, les bénéfices ressentis obtenus pendant l’étude sont maintenus sur le long terme.

CE traitement de kinésithérapie semble au moins aussi efficace que la chirurgie dans la prise en charge des patients ayant un SCC. Tous les stades de gravité ont été inclus dans l’étude et aucune analyse secondaire n’a pu analyser si un sous-groupe évoluait différemment des autres.

FERNÁNDEZ-DE-LAS-PEÑAS, César, ARIAS-BURÍA, José L., CLELAND, Joshua A., et al. Manual Therapy Versus Surgery for Carpal Tunnel Syndrome: 4-Year Follow-Up From a Randomized Controlled Trial. Physical Therapy, 2020, vol. 100, no 11, p. 1987-1996.

Au vu de la balance bénéfice/risque, la chirurgie n’est pas la solution la plus recommandée en première intention. On peut dire que l’opération est complémentaire à la kinésithérapie et non l’inverse. Comme le préconise “The Royal College of Surgeons of England and British Orthopaedic Association”, la prise en charge chirurgicale du SCC idiopathique ne devrait arriver qu’après une prise en charge par traitement conservateur bien mené. Petit rappel sur les risques et effets iatrogènes, qui sont TRES RARES (<1%)  suite à  la prise en charge chirurgicale de cette atteinte : Sepsis, SDRC ( algoneurodystrophie ), perte de force dans le poignet, lésions nerveuse ou vasculaires ou tendineuses, douleurs en lien avec la cicatrice.

The Royal College of Surgeons of England and British Orthopaedic Association. Commissioning guide: Treatment of carpal tunnel syndrome. London, United Kingdom. 2017.

LANE, Jennifer CE, CRAIG, Richard S., REES, Jonathan L., et al. Serious postoperative complications and reoperation after carpal tunnel decompression surgery in England: a nationwide cohort analysis. The Lancet Rheumatology, 2021, vol. 3, no 1, p. e49-e57

ZHANG, Dafang, BLAZAR, Philip, et EARP, Brandon E. Rates of complications and secondary surgeries of mini-open carpal tunnel release. HAND, 2019, vol. 14, no 4, p. 471-476..

 

Ces dernières données montrent que le traitement effectué par les kinésithérapeutes est au moins aussi efficace que le traitement chirurgical, pas plus efficace. Cependant il manque l’analyse de l’aspect économique. 

Fernandez De Las Penas a encore une fois effectué une étude sur le SCC et cette fois-ci il a analysé et comparé le coût d’un traitement conservateur et d’un traitement chirurgical.

FERNANDEZ-DE-LAS-PENAS, Cesar, ORTEGA-SANTIAGO, Ricardo, DÍAZ, Homid Fahandezh-Saddi, et al. Cost-effectiveness evaluation of manual physical therapy versus surgery for carpal tunnel syndrome: evidence from a randomized clinical trial. journal of orthopaedic & sports physical therapy, 2019, vol. 49, no 2, p. 55-63.

Cette analyse économique est la continuité et la suite de son étude de 2015. Sur les 118 patients inclus dans l’étude économique, nous retrouvons de grandes différences entre les deux groupes. Le groupe bénéficiant de la kinésithérapie montre un coût de prise en charge nettement moins élevé que le groupe bénéficiant de la chirurgie. Le groupe bénéficiant de la kinésithérapie montre également moins de jours d’arrêt. Il existe un total de 155 000€ de différence entre les deux groupes, comprenant les coûts directs et indirects énoncés dans l’étude. 52 personnes du groupe bénéficiant de la chirurgie ont eu un arrêt de travail alors que seulement 2 du groupe bénéficiant de la kinésithérapie en ont eu … 

J’espère que des personnes travaillant à la sécurité sociale ont pu lire ce petit paragraphe et me donneront un petit million sur les dizaines de millions d’euros qu’ils feront d’économie. Si nous calculons le coût de prise en charge du SCC en France et que l’on applique un taux de conversion similaire aux données actuelles et que l’on applique les potentiels économies retrouvées par les études de FDLP, nous pouvons observer qu’une petite centaine de millions d’euros peut être économisée si le parcours de soin des patients était amélioré. 

La kinésithérapie semble plus intéressante que la chirurgie dans la prise en charge de la plupart des SCC idiopathiques grâce à l’analyse des coûts ainsi que l’analyse du ratio bénéfice/risque, alors qu’en terme d’efficacité aucune des deux méthodes ne semble être supérieure à l’autre sur le long terme.  

Mon opinion : la chirurgie est indispensable afin d’aider les patients ayant un SCC spécifiques, peut-être faudrait-il privilégier le traitement conservateur dans un premi

er temps.

LA KINÉSITHÉRAPIE OUI MAIS LAQUELLE ? ET COMMENT CELA FONCTIONNE 

Dans cette partie décortiquons quel traitement a été efficace pour les patients atteints de SCC et nous explorons comment ce traitement fonctionne, quels éléments montrent qu’il fonctionne. 

Je ne transmets  ici QUE LES DONNÉES AYANT DÉMONTRÉ UNE RÉELLE EFFICACITÉ PROPRE et je me refuse de donner tous les “tips” cliniques que j’ai car certains peuvent ne pas être adaptées à vos patients. Par exemple avec certains patients que j’ai pu avoir au cabinet pour cette problématique, on a pu tenter de gérer la position de sommeil pour moins de contraintes sur le membre durant la nuit car les réveils nocturnes semblaient sensibiliser le Système Nerveux, le port d’une attelle de nuit, l’utilisation d’une souris ergonomique, la prise de médicaments le soir, des mouvements cervicaux pour d’autres … La limite reste que les données sont partageables, exploitables et réfutables, alors que les tips que je viens de vous ai cités, malheureusement sont beaucoup moins généralisables qu’un traitement analysé de manière rigoureuse. Donc vous pouvez aider vos patients comme vous le souhaitez, ce qui va suivre n’est pas une obligation mais uniquement le meilleur identifié à ce jour pour ce problème identifié.

Voici la description de la thérapie manuelle utilisée dans les études de FDLP afin d’aider les patients atteints de SCC idiopathiques. La base des traitements de kinésithérapie présentée ici est appelée « Neurodynamique ». 

La neurodynamique est un concept qui étudie les relations entre la mécanique et la physiologie du système nerveux. Elle permettrait selon les principaux auteurs, d’« évaluer et de traiter des états douloureux où l’intégrité physique du système nerveux est en cause. Il ne s’agit pas d’une méthode censée remplacer les techniques manuelles employées habituellement, mais plutôt d’un adjuvant qui permet de mesurer le degré d’implication du système nerveux dans les problèmes et de proposer le traitement le plus adéquat ». La biomécanique des tissus nerveux serait liée à la justification de l’utilisation du concept neurodynamique (ND) dans la prise en charge de neuropathies compressives. Le concept ND comprend un ensemble de techniques diagnostiques (Test neurodynamique de mécanosensibilité neurale) et de traitement (mobilisation du système nerveux et/ou de ses interfaces)

Ci-dessous les différentes techniques manuelles ainsi que les détails en anglais : LA RECETTE 

Le plus beau c’est que ces manœuvres ont un réel effet thérapeutique propre que l’on sait mesurer et que l’on connaît. J’insiste sur ce point car j’ai pu entendre pleins de choses différentes et très souvent non sourcées comme le fait que ce ne serait « que » de la modulation de symptôme non spécifique ou alors que « nous ne connaissons pas les effets… « . Si vous aussi vous avez déjà entendu cela c’est dommage car c’est faux.

Pourquoi ça fonctionne et comment ça fonctionne

Voici les effets démontrés des mobilisations neurales (neuroglissements et/ou neurotensions) sur le système nerveux :

  • Diminution de l’inflammation et de l’activation des cellules gliales dans le système nerveux central (Rat)

GIARDINI, Aline Carolina, SANTOS, Fabio Martinez dos, DA SILVA, Joyce Teixeira, et al. Neural mobilization treatment decreases glial cells and brain-derived neurotrophic factor expression in the central nervous system in rats with neuropathic pain induced by CCI in rats. Pain Research and Management, 2017, vol. 2017.

  • Améliore les conditions du milieu pour une meilleure régénération nerveuse (Rat)

DA SILVA, Joyce Teixeira, SANTOS, Fabio Martinez dos, GIARDINI, Aline Caroline, et al. Neural mobilization promotes nerve regeneration by nerve growth factor and myelin protein zero increased after sciatic nerve injury. Growth Factors, 2015, vol. 33, no 1, p. 8-13.

  • Diminue les allodynies et est suivi par une baisse de la production de cytokines inflammatoires (Rat) 

Zhu, G. C., Tsai, K. L., Chen, Y. W., & Hung, C. H. (2017). Neural mobilization attenuates mechanical allodynia and decreases proinflammatory cytokine concentrations in rats with painful diabetic neuropathy. Physical therapy, 98(4), 214-222.

  • Amélioration de la perfusion nerveuse post-manoeuvre. Cependant si l’allongement est léger les effets sont bénéfiques mais si l’allongement est important nous observons une altération de la fonction nerveuse et de la perfusion post –étirement (Lapin)

  

DRISCOLL, Peter J., GLASBY, Michael A., et LAWSON, Graham M. An in vivo study of peripheral nerves in continuity: biomechanical and physiological responses to elongation. Journal of Orthopaedic Research, 2002, vol. 20, no 2, p. 370-375.

  • Diminution de l’œdème périneural. La diminution de l’œdème neural est corrélé avec une diminution des symptômes. On observe une dispersion des fluides neuraux après mobilisation neurale. La dispersion du fluide semble dépendante de la zone traitée. (cadavre et patients humains vivants)

BOUDIER-REVÉRET, Mathieu, GILBERT, K. K., ALLÉGUE, D. R., et al. Effect of neurodynamic mobilization on fluid dispersion in median nerve at the level of the carpal tunnel: A cadaveric study. Musculoskeletal Science and Practice, 2017, vol. 31, p. 45-51. 

BROWN, Cynthia L., GILBERT, Kerry K., BRISMEE, Jean‐Michel, et al. The effects of neurodynamic mobilization on fluid dispersion within the tibial nerve at the ankle: an unembalmed cadaveric study. Journal of Manual & Manipulative Therapy, 2011, vol. 19, no 1, p. 26-34.

SCHMID, Annina B., ELLIOTT, James M., STRUDWICK, Mark W., et al. Effect of splinting and exercise on intraneural edema of the median nerve in carpal tunnel syndrome—an MRI study to reveal therapeutic mechanisms. Journal of orthopaedic research, 2012, vol. 30, no 8, p. 1343-1350.

  • Gain sur la force et de fonction nerveuse chez des patients atteints de SCC même 6 mois après la fin du traitement.

WOLNY, Tomasz et LINEK, Pawel. Long-term patient observation after conservative treatment of carpal tunnel syndrome: a summary of two randomised controlled trials. PeerJ, 2019, vol. 7, p. e8012.

  • L’action de ces manœuvres semble également avoir un impact plus sur la physiologie nerveuse que sur ses propriétés mécaniques. Après 6 séances de neuromobilisations, les patients montrent une amélioration cliniquement significative de leurs symptômes alors qu’aucun paramètre observable à l’échographie ne semble avoir de modification significative. Les auteurs observent toutefois des modifications centrales.

PAQUETTE, Philippe, HIGGINS, Johanne, et GAGNON, Dany H. Peripheral and Central Adaptations After a Median Nerve Neuromobilization Program Completed by Individuals With Carpal Tunnel Syndrome: An Exploratory Mechanistic Study Using Musculoskeletal Ultrasound Imaging and Transcranial Magnetic Stimulation. Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics, 2020, vol. 43, no 6, p. 566-578.

  • Les techniques de mobilisation du nerf tibial sur les patients diabétiques, contribuent à améliorer la vitesse de conduction du nerf et donc améliorent la fonction nerveuse. Trois semaines de techniques de mobilisation du nerf tibial sur les patients ont permis une amélioration significative de la vitesse de conduction du nerf chez ces patients sans causer de gêne ni aggraver aucun symptôme.

DOSHI, Mansi K., SINGARVELAN, R. M., et al. Effect of Tibial Nerve Mobilization on Nerve Conduction Velocity in Diabetic Neuropathy Patient. International Journal of Health Sciences and Research, 2019, vol. 9, no 5, p. 218-224.

Avant de conclure je voudrais préciser que les traitements présentés sont très « tissus centrés ». Cela permet de traiter un potentiel SCC idiopathique compressif au niveau du poignet. C’est une partie d’un savoir-faire qu’il faut coupler avec un savoir-être afin d’aider les patients, sans oublier de réaliser correctement son évaluation, trier les informations pertinentes lors d’un interrogatoire. C’est à vous de piocher dans les techniques présentées et ajuster le traitement à vos patients selon la sensibilité de son système nerveux, les comorbidités, les contre-indications. Ce traitement n’est pas valable pour toutes les neuropathies compressives. 

Par exemple, pour les neuropathies du nerf scapulaire chez les athlètes, certains exercices bien dosés sont très efficaces et suffisent à gérer le problème.

 Salles, J. I., Guimarães, J. M., Filho, G. M., & Morrissey, D. (2018). Effect of a specific exercise strategy on strength and proprioception in volleyball players with infraspinatus muscle atrophy. Scandinavian journal of medicine & science in sports, 28(9), 2093-2099. bisous

Fin du billet vous êtes désormais des apprentis sorciers. Vous saurez prendre les précautions lorsque vous serez face à ce syndrome et en plus vous saurez le traiter, c’est pas génial ça ?

Récapitulatif du problème actuel et conclusion

En 2008, l’incidence des interventions pour une libération du nerf médian (personnes âgées de plus de 20 ans) en France métropolitaine était de 2,7/1000 (respectivement 3,6 et 1,7/1000 pour les femmes et les hommes), soit 141 268 interventions chez 127 269 personnes. La disparité départementale (1,1 à 5,5/1000 pour les 20–59 ans) est « significativement et positivement associée à la densité départementale de chirurgiens pratiquant ces interventions, la part des ouvriers, la part des emplois dans l’industrie et négativement aux densités de kinésithérapeutes, de rhumatologues et de généralistes » 

Notre objectif en tant que collectivité est d’améliorer la qualité des soins, individualiser les soins, minimiser les risques et diminuer les coûts de soin sans altération de sa qualité. Les recommandations de bonne pratique devraient donc s’ajuster sur les données actuelles et les kinésithérapeutes devraient se trouver au centre du parcours de soin du patient (triage/intervention conservatrice). La chirurgie ne devrait être proposée qu’en cas de SCC spécifique ou lorsqu’un traitement conservateur bien réalisé a été proposé. Les prescripteurs devraient en être informés afin que les patients puissent en bénéficier, les traitements avec une faible valeur ajoutée devraient être remplacés par ceux présentant  une haute valeur ajoutée. (high value care) 

Cependant il faudrait aussi que les kinésithérapeutes acquièrent les connaissances ainsi que les compétences permettant de prendre en charge ce trouble, connaître les différents diagnostics différentiels, les facteurs de risque afin de proposer des soins ayant une haute valeur ajoutée, car toutes les interventions ne se valent pas et de nombreuses croyances malheureusement trop répandue nous décrédibilisent face à une médecine qui se veut efficiente, factuelle, raisonnée, individualisée

En effet, la kinésithérapie bien menée semble moins chère, au moins aussi efficace, plus sûre que la chirurgie, qui cette dernière a été démontrée comme efficace.

Du coup, pourquoi nous, kinésithérapeutes, sommes-nous négligés du parcours de soin des personnes atteintes du syndrome du canal carpien ? 

Bah moi j’en sais rien…

 

 

 

Merci à vous d’avoir lu cette série de billets jusqu’au bout, je ne peux que vous encourager à partager cet article si vous pensez qu’il peut faire changer la prise en charge de ce trouble, en espérant que des retombées positives se fassent pour notre profession mais surtout pour les patients, car si les autorités de santé françaises se penchent sur les données : LA KINÉSITHÉRAPIE EST ESSENTIELLE

 

POUR LA PARTIE 1 cliquez ICI

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Syndrome du canal carpien, quelques bases de compréhension. 1/3

 

Syndrome du canal carpien, pourquoi sommes-nous négligés du parcours de soin ? 

Par Bryan Littré, remerciements et aide à la relecture : Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke, Marie Akrich, Antoine Massuleau, Benjamin Heng

Avez-vous remarqué ce titre aguicheur ? Malheureusement il est véridique. Le syndrome du canal carpien est une atteinte autour de laquelle beaucoup de croyances existent, au même titre que la plupart des névralgies. J’ai pu m’en rendre compte durant l’élaboration de mon mémoire de fin d’étude de kiné qui a mené à cette publication :

Neurodynamique et neuropathie compressive du membre supérieur : revue systématique

Le but de cette série d’articles est de faire une mise à jour détaillée autour du syndrome du canal carpien (SCC).  Nous devons donc nous baser sur des connaissances qui reflètent le mieux notre savoir partageable sur ce sujet, voilà pourquoi tout cet article sera soutenu par la littérature scientifique. Pour prendre des bonnes décisions il faut déjà commencer par avoir de bonnes données, « si on a des données merdiques on fait de la merde »

Je tiens juste à préciser que les problèmes nerveux font partie d’un de mes domaines d’expertise et dispensant des formations pour professionnels de santé dans la prise en charge des neuropathies, névralgies, traitement neurodynamique et syndrome canalaires. Ayant donc des liens d’intérêts, toute donnée présentée sera soutenue par des données de la littérature scientifique, ce qui me semble le minimum même si je n’avais aucun lien d’intérêt, car nous allons discuter de santé pas de cuisine et dans la santé, la vie ou la qualité de vie des gens est en jeu. 

Cette petite première partie est un préambule afin d’avoir une base épistémique afin de mieux maitriser les deux autres billets qui vont suivre. La seconde partie traitement des spécificité du canal carpien et la dernière du traitement le plus approprié décris en détails.

En 1997, un groupe de travail français a tenté de définir le syndrome du canal carpien (SCC)

« Pour le groupe de travail, le syndrome du canal carpien est l’ensemble des symptômes ressentis par le patient et des signes constatés par le médecin. Plusieurs facteurs, imparfaitement définis, interviendraient dans les contraintes subies par le nerf médian dans la traversée du canal carpien (compressions, tractions ou autres). À côté de la compression chronique du nerf médian au niveau du canal carpien, il existe également des formes rares : compressions isolées de la branche motrice (transligamentaires) et compressions aiguës. Lorsque aucune cause n’est retrouvée, le syndrome du canal carpien est dit « idiopathique » (cas le plus fréquent). – Les critères cliniques ne sont pas pathognomoniques mais sont souvent évocateurs du syndrome du canal carpien. Il existe des critères électromyographiques pathognomoniques, mais inconstamment présents. L’aspect macroscopique per-opératoire est souvent normal, sauf dans les formes sévères. Il n’y a pas de signe anatomo-pathologique pathognomonique du syndrome du canal carpien. »

Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé. (1997). Stratégie des examens paracliniques et des indications thérapeutiques dans le syndrome du canal carpien. Recommandations et références médicales, 201-13.

Cette définition est à mon sens l’une des plus juste et adaptée au vu des données de l’époque. Ce groupe semblait tout à fait comprendre ce qu’était un syndrome du canal carpien. En effet, même si nous pourrions croire que c’est simple de créer cette définition, il y a des subtilités extrêmement importantes pouvant amener à des erreurs de compréhension de ce que sont les neuropathies et les névralgies, et ces erreurs ont été faites durant les dernières recommandations HAS de 2012. 

Ce n’est qu’un syndrome

Voici ma définition du syndrome du canal carpien : Les SCC correspondent à une plainte se présentant au moins par des douleurs neuropathiques ou des névralgies et/ou neuropathies en regard du territoire du nerf médian, à partir du canal carpien, accompagnées plus ou moins d’acroparesthésies nocturnes. Cette description est à la fois la plus large et la plus précise.

La simple notion de syndrome est problématique car fourre-tout. A la fois elle peut être utile pour étiqueter certains patients en les mettant dans des cases de par leur schéma clinique, mais justement cet étiquetage peut nous amener à perdre en précision et diminuer la qualité des soins. 

Explorons les notions de maladie, syndrome et symptôme à travers l’épistémologie afin de comprendre toute la subtilité du propos. Nous avons donc besoin de définitions.

L’épistémologie est une branche de la philosophie qui a pour objet l’étude critique des postulats, conclusions et méthodes d’une science particulière, considérée du point de vue de son évolution afin d’en déterminer l’origine logique, la valeur et la portée scientifique et philosophique (cf. philosophie* des sciences, empirisme* logique).

Diagnostic : l’origine étymologique du mot “diagnostic” nous vient du grec DIA – « séparément » et GIGNOSKEIN « savoir, percevoir, penser, juger »

Un diagnostic, c’est donc l’art d’identifier une maladie d’après ses signes, ses symptômes. Cela peut être définie également comme une conclusion, généralement prospective, faisant suite à l’examen analytique d’une situation souvent jugée critique ou complexe.

Qu’est ce qu’un symptôme ? Un symptôme est la manifestation spontanée d’un état ou d’une maladie permettant de la déceler, qui est perçue subjectivement par le sujet ou constatée objectivement par un observateur.

Je vous propose un petit exemple :

  • des sueurs,
  • une pâleur,
  • une fringale,
  • une vision floue,
  • des tremblements,
  • une sensation de faiblesse,
  • des troubles de l’humeur (tristesse, agressivité ou euphorie).

Sont les symptômes de l’hypoglycémie. Cependant, pour une même atteinte / maladie, les signes et symptômes peuvent totalement devenir différents selon la durée de l’atteinte et selon le niveau d’atteinte. Par exemple lorsque l’hypoglycémie perdure, une neuroglucopénie peut être observée. 

La neuroglucopénie : elle peut produire une variété d’effets et symptômes survenant pour un seuil glycémique inférieur à 0,50 gl·-1 : sensation de malaise avec asthénie importante, troubles de la concentration intellectuelle, sensation de dérobement des jambes, paresthésie des extrémités, céphalées, impressions vertigineuses, troubles psychiatriques, multiples et trompeurs (confusion aiguë, agitation, troubles de l’humeur et du comportement, état pseudo-ébrieux…), troubles neurologiques sévères (crises convulsives généralisées ou localisées), troubles moteurs déficitaires, troubles visuels à type de diplopie ou de vision trouble.

L’hypoglycémie sévère durable (glycémie inférieure à 0,20 gl·-1 pendant plus de deux heures) peut induire une nécrose cellulaire responsable de séquelles.

Certains médicaments produisent une hypoglycémie, c’est notamment le cas des médicaments anti- diabétiques, comme l’insuline et certains antidiabétiques oraux chez les sujets diabétiques. D’autres médicaments peuvent être mis en cause, comme l’aspirine (essentiellement chez le nourrisson et le petit enfant, à très forte dose), anti-inflammatoires non stéroïdiens, et quinidine.

Les hypoglycémies ont plusieurs catégories de causes : soit un excès d’insuline ; soit un défaut de production de glucose. L’excès d’insuline peut être endogène, lié à un surdosage, le plus souvent tumoral, par une tumeur du pancréas, l’insulinome, une tumeur rare, moins d’un cas pour un million d’individus par an. L’hypoglycémie se rapproche de ce que l’on nomme un syndrome.

Hypoglycémie — Wikipédia (wikipedia.org)

J’espère que vous vous rendez bien compte que pour traiter une hypoglycémie par tumeur du pancréas , ou une parce que Jean-Michel JeNeDéjeunePas fait un petit malaise dans le RER B à 8h04, ne se règlent pas de la même manière ? Bah c’est pareil pour le « syndrome » du canal carpien.

 La subtilité la plus importante pour nous reste la distinction entre syndrome et maladie.

  • Syndrome 

MÉD., PATHOL. Ensemble de signes, de symptômes, de modifications morphologiques, fonctionnelles ou biochimiques de l’organisme, d’apparence parfois disparate mais formant une entité reconnaissable qui, sans présager obligatoirement des causes de ces manifestations, permettent d’orienter le diagnostic.

https://www.cnrtl.fr/definition/syndrome

  • Maladie

[Chez l’homme] Altération de l’état de santé se manifestant par un ensemble de signes et de symptômes perceptibles directement ou non, correspondant à des troubles généraux ou localisés, fonctionnels ou lésionnels, dus à des causes internes ou externes et comportant une évolution.

https://www.cnrtl.fr/definition/maladie#

Pour partir sur de bonnes bases, il est nécessaire de connaître la signification première de ces deux termes, afin de mieux comprendre ce qui se cache derrière. La maladie est une altération ou un trouble d’un organisme vivant. Elle est forcément pathologique. Le syndrome, lui, est un ensemble de symptômes ou de signes cliniques, peut-être pathogène ou non, contrairement à la maladie qui l’est obligatoirement. 

Le patient peut présenter ces symptômes lorsqu’il a une maladie, ou bien lorsqu’il présente des écarts par rapport à la norme. Une maladie est un état pathologique, qui peut avoir plusieurs symptômes. Un syndrome est assez imprécis pour pouvoir intégrer plusieurs diagnostics plus ou moins précis. Et c’est là toute la différence entre les deux termes. Néanmoins, beaucoup de maladies portent le nom de syndrome, comme on peut le voir plus bas. Le syndrome peut aussi être le signe d’une maladie. D’autres fois, il peut être la conséquence.

Dans l’exemple ci-dessus, on voit que l’association céphalées + vomissements + raideur de la nuque + photophobie constitue un syndrome méningé traduisant l’irritation des méninges (plus précisément l’inflammation de l’espace sous-arachnoïdien). Le médecin pratique alors une ponction du liquide céphalo-rachidien qui va l’orienter vers la maladie en cause : hémorragie méningée si le liquide contient du sang, méningite purulente si le liquide est trouble, etc.

Le diagnostic d’une maladie est donc bien différent du syndrome qui est rattaché à elle. Les étapes du raisonnement clinique ne sont pas les mêmes. N’oublions pas non plus qu’un diagnostic est évolutif et que selon les recherches actuelles, les diagnostics établis peuvent devenir obsolètes. Comme le montre l’évolution de la définition de « l’homosexualité », qui a été considérée comme une MALADIE PSYCHIATRIQUE jusqu’en 1974 aux USA et 1992 en France 

http://www.slate.fr/story/41351/homosexualite-maladie 

BRIKI, Malick. Psychiatrie et homosexualité. Presses Univ. Franche-Comté, 2009.

Les diagnostics peuvent se préciser uniquement s’ils se détachent des autres atteintes au sein d’un syndrome. On parlera ici de diagnostic différentiel MAIS  si un syndrome est émis ou mis en évidence, alors le niveau de vigilance devrait être augmenté afin de trier les différentes maladies ou les différentes causes pouvant amener à ce syndrome. La recherche de « causes » est utile uniquement pour des aspects prescriptifs, donc si un traitement adapté à la condition existe et se montre plus efficient ou pertinent. Voici deux exemples différents afin d’illustrer mon propos : le traitement semble identique si un patient est atteint d’un syndrome fémoro patellaire ou d’une tendinopathie patellaire, par contre il peut être différent si il présente un syndrome de traversé thoraco-brachiale suite à une radiculalgie ou suite un une tumeur de l’apex pulmonaire ou Pancoast Tobias.

Le diagnostic différentiel est une méthode permettant de différencier une maladie parmi d’autres qui présentent des symptômes proches ou similaires. Ce processus vise à établir un diagnostic plus sûr via une approche méthodique qui prend en considération tant les éléments permettant d’exclure une maladie que ceux permettant de la confirmer. Le diagnostic différentiel peut aboutir à plusieurs hypothèses impossibles à départager à un instant donné, mais qui seront infirmées ou confirmées au cours du temps ou à l’aide d’examens complémentaires.

http://www.chu-rouen.fr/page/diagnostic-differentiel

Le SYNDROME du canal carpien (SCC) est donc un label, s’exprimant cliniquement d’une manière +/- distincte mais pouvant intégrer une population hétérogène. Ce label a des impacts sociologiques, de reconnaissance, permet de pouvoir ajuster des traitements et d’obtenir un pronostic, des démarches administratives ou des thérapeutiques plus efficaces. 

Le syndrome du canal carpien n’est donc pas forcément une mononeuropathie compressive au niveau du poignet. Le groupe de patients ayant un SCC contient un nombre de patients ayant une mononeuropathie compressive au niveau du poignet, mais également des gens ayant des troubles vasculaires, des troubles neurologiques autres …

 Les définitions de l’incidence et de la prévalence vont nous être utiles pour la suite voici donc leur définition classiquement admise : 

  • L’incidence mesure le nombre de nouveaux cas d’une maladie pendant une période de référence, souvent un an. De manière plus précise, l’incidence est la proportion des individus atteints par une maladie donnée par référence au nombre total de sujets présents dans la population étudiée, non malades au début de l’étude, et cela pendant une période donnée.
  • La prévalence est une mesure de l’état de santé d’une population à un instant donné, pour un problème sanitaire donné. Tout comme un sondage d’opinion, c’est une photographie instantanée, qui ne vaut que pour l’instant étudié. La prévalence d’une affection est calculée en rapportant à la population globale le nombre de malades présents dans cette population, qu’il s’agisse de nouveaux ou d’anciens cas. La prévalence est une proportion, en règle générale exprimée par un pourcentage. C’est un rapport du nombre de cas d’un trouble morbide à l’effectif total d’une population, sans distinction entre les cas nouveaux et les cas anciens, à un moment ou pendant une période donnée.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Incidence_(%C3%A9pid%C3%A9miologie)#:~:text=L%27incidence%20et%20la%20pr%C3%A9valence,%27apparition%20d%27une%20maladie.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9valence

https://www.vocabulaire-medical.fr/encyclopedie/226-frequence-incidence-occurrence-prevalence

Voici la fin de la première partie, permettant de mettre un socle commun pour la suite. Les articles 2 puis 3 explorerons avec finesse les données acquises sur le SCC ainsi que son traitement optimal en kinésithérapie. Sommes-nous légitimes à prendre en charge cette atteinte ?

POUR LA PARTIE 2 cliquez ICI


Thérapie Manuelle vue par les preuves: réponses et précisions.

Aujourd’hui nous retrouvons Gaëtan Henry en réponse à la relecture indépendante de Mr Trudelle Pierre faisant suite à l’article suivant: “Thérapie Manuelle vue par les preuves” : 1- Hypothèses biomécaniques, publié par Kinéfact. Au vu de la réponse rapide et à charge de Mr T, Gaëtan s’est proposé d’émettre une réponse très développée. Nous vous recommandons vivement de lire la première série d’article de Gaëtan avant de s’atteler à celui-ci

Amis de la lecture critique d’article longue et fastidieuse, bonjour.

En avril 2020, j’ai eu l’opportunité de publier sur le site de Kinéfact une série de 3 articles sur la thérapie manuelle. À cette occasion, de nombreuses critiques positives ont été formulées. Toutefois, un kinésithérapeute et gestionnaire d’organisme de formation, Mr Trudelle Pierre a rédigé en deux jours, une critique du premier article de la série. Il m’a semblé nécessaire d’y répondre et je remercie l’équipe de KineFact qui me permet de rendre visible cette réponse.

Je tiens aussi, avant de commencer, à remercier  Pierre Trudelle pour le temps passé à rédiger sa relecture, certaines de ses remarques et études citées auront été constructives et m’auront permis d’améliorer l’article et mes connaissances sur le sujet.

J’ai rédigé, avec méthode, une réponse exhaustive, article par article. Vous y trouverez aussi, mises en avant, les différentes modifications que j’ai pu faire sur le premier article.

Au total sur les 64 études que j’ai pu citées, seulement une seule n’était pas pertinente pour son appel dans le texte bien qu’elle aurait confirmé mes propos dans une autre partie du texte. 11 études auraient mérité une présentation plus approfondie afin de de clarifier mon texte. Pour ce qui est des 29 études apportées  par Mr Trudelle dans la réflexion, seulement 5 sont pertinentes et apportent du contenu par rapport à leurs appels dans le texte, les autres sont hors sujet. Il est important de noter que ces 5 études vont dans le sens des propos rapportés dans l’article. 

Il me paraissait aussi essentiel de souligner trois points avant de commencer cette réponse exhaustive :

Mr Trudelle a notamment formulé le reproche de ne pas déclarer mes conflits d’intérêt et ceux des différents relecteurs, dont le nom était signalé, ce que l’on ne retrouve pas forcément dans une Peer Review. Pour ma part je n’ai ni lien ni conflit d’intérêt, il est regrettable et très étonnant que suite à cela Mr Trudelle n’ait pas déclaré les siens lors de sa relecture.

Mr Trudelle considère aussi qu’il n’est pas recevable d’inclure des études qui n’ont pas été effectuées par des physiothérapeutes. C’est un argument qu’il a maintes fois utilisé pour justifier le fait de ne pas analyser certaines des études citées. A ce titre pourquoi ne pas prendre en compte seulement des études de kinésithérapeutes français puisque la formation d’un pays à un autre diffère, ou encore ayant réalisé un cursus post diplôme particulier, tant les pratiques intra-professionnelles semblent varier ? Sur tous les articles sur la thérapie manuelle qui ont été cités ou lues pour la réalisation de cet article, aucun n’a spécifiquement dans sa revue systématique ou narrative ciblé une profession en particulier. Ostéopathe, kinésithérapeute, chiropracteur, médecin, nous partageons des compétences communes et il ne semble pas logique et intéressant, d’un point de vue scientifique de ne s’en tenir qu’à la lecture d’article de confrère de même profession pour discuter de thérapie manuelle, d’autant plus si les termes évoqués sont décrits de manière similaire dans les études. 

Les articles de validité palpatoire nécessitent une imagerie pour confirmer la palpation, il est donc tout à fait normal que des médecins puissent être présent dans l’étude, de plus la palpation est un champ qui intéresse fortement les médecins pour le diagnostic ou encore pour permettre d’infiltrer le plus précisément possible en l’absence de contrôle radiologique. L’étude de Kim qui n’a pas été lue par Mr Trudelle car faite par des médecins ne porte même pas sur la palpation mais sur la concordance radio de la ligne EIPS vis-à-vis d’un étage vertébral particulier afin de confirmer ou d’infirmer la règle palpatoire EIPS en regard de S2.

Enfin, parfois Mr Trudelle a signalé n’avoir lu que le résumé des études que j’avais pu citer ce qui est fortement préjudiciable sur la qualité de son analyse sur les articles en question.

A l’issue de cette réponse vous aurez une connaissance de fond sur les différentes études citées.

Chaque ligne, chaque donnée du premier article sont maintenues, détaillées et expliquées par cette analyse exhaustive qui je l’espère ne vous découragera pas par sa longueur. Bonne lecture. 

Avant propos: Bien que l’usage du “nous et du “on” ont été employés, cette réponse a été effectuée et rédigée exclusivement par Gaëtan Henry. 

Aide à la relecture: Marguerite Dontenwille, Bryan Littré, Robin Vervaecke, Joshua Lavallé, Yvan Sonjon, Théo Chaumeil et Anthony Halimi 

Cette partie est l’analyse détaillée et critique de l’ensemble de la littérature que j’ai pu citer dans mon premier article ainsi que celle de Pierre Trudelle dans sa relecture.

Dans cette réponse analytique à Pierre Trudelle, il sera question de :

  • Corriger les erreurs : celles relevées par M. Trudelle, ainsi que celles qui lui ont échappées et qui ont été relevées lors de la relecture de l’article en vue de cette réponse ;
  • Préciser les imprécisions qui ont donc pu être sujettes à interprétation de la part des lecteurs ;
  • Compléter et approfondir les notions à la lumière de données n’ayant pas encore été avancées dans le débat ;
  • Discuter, à la lumière de ces 3 premiers points, de la validité de la critique générale apportée par M. Trudelle

Pour ce faire la présentation de l’article se fera comme telle : La trame suivra celle du premier article, je commenterai les différentes études citées dans ce premier volet ainsi que celles proposées par Mr Trudelle. Si des modifications de certains passages du premier article s’avèrent nécessaires, celles- ci seront mises en avant en rouge. 

Pour éviter toute confusion,  Mr Trudelle sera cité en marron et  l’article de Kinéfact en bleu. Il en sera de même pour les études : en marron celles citées par Mr Trudelle en bleu celles citées par moi même.

La méthode de cet article est la suivante : J’ai réalisé à nouveau une lecture critique de toutes les études que j’ai eu l’occasion de citer dans l’article.Les études citées par Mr Trudelle ont été relues elles aussi . Afin de nourrir l’argumentaire j’ai également effectué une recherche par “Snowballing” c’est-à dire la recherche de nouveaux articles via les citations d’études et via la lecture des références de chaque étude. Une équation de recherche a été mise en place pour chaque thématique. Par exemple, pour la partie : association mobilité symptômes, les mots clés utilisés étaient les suivants “ spinal stiffness”, “segmental stiffness”, “lumbar stiffness”,“passive accessory intervertebral movement test”, “palpation”, AND “hypomobility” OR “hypermobility”AND “pain” OR “symptom” OR “disability”.

Cette analyse ne concerne que le cœur de l’article, c’est-à-dire les 8 chapitres découlant de l’approche du rasoir d’Occam que j’ai auparavant explicité. 

  1. Association mobilité-symptôme

Etude de Branney2014 : 

C’est une étude de cohorte réalisée par des chiropraticiens. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous pensons de la discrimination de Mr Trudelle sur les articles issus de cette profession.

30 sujets sains et 30 sujets symptomatiques (région cervicale), avec des caractéristiques démographiques comparables à la baseline ont reçu des examens de fluoroscopie quantitative afin de mesurer la flexion et l’extension cervicale à la baseline, et à 4 semaines de suivi. De nombreux objectifs ont été déterminés dans cette étude, dont voici les principaux : 

Le critère de jugement principal était l’amplitude intervertébrale. Les patients symptomatiques ont reçu 12 séances de manipulation vertébrale sur 4 semaines.

Voici un résumé du schéma de l’étude illustré ici : 

Cette étude a permis de faire ressortir les résultats suivants : 

  • Il existe des articulations entre les vertèbres, qui bougent moins que les autres dans les cervicales 
  • Il y a autant de vertèbres bougeant moins chez les personnes qui ont mal que chez les personnes asymptomatiques  
  • A mains nues on ne semble pas pouvoir les identifier 
  • Manipuler permettrait d’augmenter la mobilité des vertèbres mais pas forcément de celles qui bougent le moins 
  • Les douleurs s’améliorent sans rapport avec l’augmentation de la mobilité 

Cette étude est donc conforme à nos propos rapportés dans l’article : Il n’existe pas de différence significative entre la perte de mobilité segmentaire et la présence de douleur cervicale (Branney 2014) Une coquille était placée ici, nous avons remplacé le terme “lombaire” par “cervical” A la question suivante posée par Mr Trudelle : « Pourquoi avoir choisi cette étude pour évaluer l’association mobilité et symptôme alors que cette étude évalue l’impact des manipulations sur des segments qui ont quasiment la même mobilité que pour les sujets sains ? »

L’étude montre bien qu’il n’y a pas de différence de mobilité entre sujets sains et sujets symptomatiques, c’est l’une des questions posées par l’article.

Etude de Jordan 1997 : Mr Trudelle nous renvoie sur cette étude pour discuter sur le même sujet de la région lombaire (en lien avec la coquille dans notre phrase).

Nous ne comprenons pas ce que pourrait apporter l’étude de Jordan, car en effet celle-ci traite aussi de patients cervicalgiques et non lombalgiques. Celle-ci cherche à comprendre les différences sur certaines variables entre une population saine et une population symptomatique. Il est à noter qu’il ne nous a pas été possible de nous procurer l’article en entier. Basés sur la lecture du résumé, nous formulons avec prudence que celui-ci ne semble pas avoir pris en variable de contrôle la mobilité segmentaire passive ni régionale, mais la mobilité active ainsi que la force musculaire, ce qui est hors-sujet. 

L’article cité dans la relecture de Mr Trudelle semble ne pas être pertinent. 

A la suite de cela, Mr Trudelle cite des enseignants de son organisme de formation sans aucune référence.

Etude de Rubio-Ochoa 2016 : Cette revue systématique proposée par Mr Trudelle a pour objectif de déterminer la validité (précision diagnostique) et la fiabilité (reproductibilité) de tests cliniques pour diagnostiquer des céphalées cervicogéniques. 

La validité ici n’est pas déterminée par un quelconque défaut de mobilité, mais par la présence ou non d’une céphalée cervicogénique en réponse aux tests cliniques (reproduction des symptômes).

Ce qui est intéressant, c’est que lorsque l’on se penche sur la méthode des études incluses dans cette revue, on observe que les tests PAIVM  (Passive accessory Intervertébral Movement) employé dans ces études sont décrits ici pour la recherche de reproduction de symptômes et non d’une quelconque appréciation de mobilité contrairement à ce dont il était question de discuter dans mon article (pour rappel la mobilité) :  

« Each vertebra was tested a maximum of two times, in an attempt to minimise a mobilisation effect of the test procedure, in an effort to maintain subject consistency for the second examiner. A negative response was no pain on firm pressure. A positive response was to elicit pain, particularly when the patients’ exact symptoms were reproduced. The symptomatic segment was defined as the vertebral level where pain was provoked to the strongest extent, or most reproduced the patients’ symptoms » (Hall 2010, l’une des études inclue dans la revue systématique).

L’étude citée par Mr Trudelle n’est pas pertinente car l’étude ne porte pas sur des tests évaluant la perception de mouvement.

Etude de Karas 2016 :  Mr Trudelle, inspiré, nous propose  une autre étude sur ce sujet, celle de Karas et al. Cette étude qualitative cherche à analyser la relation entre la confiance dans certaines techniques manuelles et le niveau de connaissance des thérapeutes au sein de IFOMPT. Les auteurs mettent en évidence dans leur introduction le manque de validité et de fiabilité dans les techniques palpatoires et de traitements manuels spécifiques comme les PAIVM, ce qui est en accord avec les affirmations faites dans mon article :

« While some research has shown that experienced physical therapists and manual therapists (MTs) can reliably repeat static palpatory findings in the spine, the inter-therapist reliability is often poor. » ou encore « Techniques such as passive physiological intervertebral motion (PPIVM) and passive accessory intervertebral motion (PAIVM) are frequently used to allow MTs to dynamically assess spinal motion segments. The results of these assessment techniques, along with a variety of additional information, guide the therapist’s clinical decisions.12,13 While these techniques are commonly taught in manual therapy education, their lack of validity and reliability has not gone unnoticed. »

Les auteurs soulignent que 98% des thérapeutes manuels utilisent l’évaluation de mobilité segmentaire dans leur bilan et pensent que celle-ci est valide : « Étant donné le manque apparent de preuves solides concernant la validité et la fiabilité de l’évaluation du mouvement intervertébral, il devient difficile de savoir comment les MT développent leur confiance en exécutant des compétences cliniques manuelles avec la connaissance de la littérature disponible » (Traduction personnelle) 

« Nous avons spécifiquement évalué deux questions de recherche principales : (1) La confiance dans l’évaluation manuelle de la colonne vertébrale est-elle associée au degré de familiarité rapporté d’un MT avec la littérature ? (2) Les prédicteurs de confiance dépendent-ils de la région vertébrale à laquelle la technique est appliquée ou de la technique spécifique employée ? » (Traduction personnelle) 

L’étude de Karas est extrêmement intéressante, vous pouvez ici voir deux questions, l’une se rapportant à la confiance dans la palpation statique lombaire, et l’autre se rapportant à la perception de connaissance de la littérature sur le sujet. Celles-ci sont quantifiées à l’aide d’ une échelle de Likert. 

Les auteurs ont rapporté que plus la sensation d’avoir des connaissances sur le sujet était forte, plus la confiance dans la technique l’était aussi. 

Les auteurs ont souligné dans leur discussion que ce résultat était très étonnant compte tenu de la littérature sur ce sujet. En effet, avec une réelle connaissance du sujet, les thérapeutes auraient dû être moins confiants sur leurs capacités palpatoires et de précision dans leurs techniques.  

Ce qui fait questionner les auteurs sur la littérature lue par les thérapeutes et sur les données qu’ils reçoivent sur le sujet ou qui retiennent leur attention et surtout, comment ils interprètent la littérature : « Although we did detect a relationship between use of the literature and confidence, in order not to bias the results of the study, we were unable to specifically determine how each respondent interprets the literature, that is, whether they interpret it to support or refute the given technique. In addition, we did not attempt to determine what types of literature the respondents read and were basing their answers upon. It may be that respondents were well read in palpatory models that have not been validated. While this distinction is important, we did not believe we could determine one’s ability to critically review and appraise the relevant, current literature. »

Aurait-on affaire ici à un biais de sélection ou à un effet Dunning Kruger des sujets ? Peut-être les deux, mais les organismes dispensant des formations en thérapie manuelle devraient à ce jour, montrer toutes les données permettant aux participants d’avoir un avis plus actuel,en phase avec les observations faites de manières contrôlées.

Cette étude bien qu’intéressante et en lien avec notre sujet n’est pas pertinente pour justifier son appel de référence par Mr Trudelle, on ne voit pas en quoi celle-ci peut justifier son argumentaire. 

Cette étude est en revanche en accord avec le propos général de la série d’articles. 

Suite à cela 5 études sont citées de la manière suivante par Mr Trudelle: “Si l’auteur cherche des études où des physiothérapeutes ciblent un traitement articulaire rachidien lombaire pour traiter une hypomobilité, il est possible de citer Ford 2019 (13) pour un traitement ciblé du lombalgique sur des hypomobilités, ou une étude sur la concordance de l’évaluation sur le sujet comme celle de Hidalgo en 2014 (14) ou de Maher en 1994 (15). Il existe des études de sensibilité et spécificité avec bloc anesthésique pour étudier la spécificité comme celle de Phillips en 1996 (16) ou sur le choix stratégique hypo ou hypermobilité et le traitement adapté comme celle de Fritz en 2015 (5). C’est difficile de proposer des articles lorsque l’on ne sait pas ce qui recherché spécifiquement ici.”

Analysons les: 

ECR de Ford2019:  Cette étude porte sur un sous groupe de patients lombalgique. Elle compare l’efficacité d’un traitement manuel, associé à du contrôle moteur et des conseils patients centrés basés sur différents facteurs psycho sociaux, sur 10 séances, comparé à deux séances de conseils. Les critères de jugement ne portent pas sur la mobilité mais sur la douleur et la fonction. L’étude n’est pas adaptée au sujet traité, il est impossible d’une part d’isoler ici l’efficacité ou non du traitement manuel puisque que l’on retrouve aussi dans le groupe interventionnel d’autres traitements non présents dans le groupe comparateur. Et de plus, de comprendre par quels effets, biomécaniques ou non, ce traitement manuel aurait pu être efficace, de part l’absence de critères de jugement appropriés pour cela

Etude diagnostique de Hidalgo2014Cette étude porte sur la clinimétrie de différents tests actifs et passifs dont les PAIVMs. Les auteurs ne se basent ici que sur la reproduction de symptômes douloureux, nous n’avons pas d’informations sur comment ont été objectivés les différents étages vertébraux (palpation ? contrôle radio ?) ce qui pose un réel biais sur l’interprétation des données.

L’étude n’est pas adaptée au sujet traité. 

Etude diagnostic de Maher1994: C’est une étude portant sur la fiabilité du test de PA segmentaire sur deux paramètres: la reproduction de douleur et la sensation de raideur perçue. L’accord inter-évaluateur était faible pour la sensation de raideur perçue et il n’y avait aucun contrôle radiologique afin de s’assurer de la précision palpatoire des différents étages. Cette étude n’est pas pertinente pour son appel dans le texte. Les résultats en revanche confirment les propos que j’ai pu rapporter dans une autre partie de l’article, à savoir la faible fiabilité de ce type de manœuvre. 

Etude diagnostic de Phillips1996: C’est une étude de fiabilité et de validité portant sur la capacité des thérapeutes à incriminer par des tests manuels (PAIVMs PPIVMs) un étage symptomatique, comparée à un gold Standard ( bloc anesthésiant sur la structure incriminée). 

Outre le fait que l’on ne connaît pas en détails les moyens d’évaluation permettant d’incriminer la zone à infiltrer, l’étude n’analyse pas la mobilité vertébrale via un Gold Standard. D’une part l’association mobilité symptôme n’est pas étudiée d’autre part les valeurs clinimétriques en l’absence d’indications verbales des patients ( provocation de douleur ou non à la palpation) sont modérées seulement et pourraient être expliquées par des facteurs confondants comme l’imprécision du bloc anesthésiant , les suggestions verbales, la dissociation radio clinique, etc… 

Cette étude n’est pas pertinente pour son appel dans le texte.  

Etude de Wong2017: L’étude de Wong 2017 est une étude narrative, elle souligne que l’interprétation de la validité et de la fiabilité des techniques de perception de mobilité est souvent confondue entre technique instrumentale et manuelle. Cette affirmation est en partie erronée, Snodgrass en 2012 différencie déjà les deux dans son interprétation. Pour justifier l’hétérogénéité des données, Fritz le fait aussi en 2011 (Snodgrass2012, Fritz2011).

Elle se penche aussi sur l’association entre la mobilité et  les symptômes et cherche à savoir si ce principe fondamental utilisé comme justification à la recherche et au traitement d’une “hyper/hypo mobilité” est valide ou non.

L’étude de Wong a été citée dans un premier temps car elle pose bien le contexte de la place de l’évaluation de la mobilité segmentaire en thérapie manuelle: « Of various physical examination procedures, posteroanterior (PA) segmental spinal stiffness assessment is a routine measurement adopted by manipulative practitioners .Notably, this assessment has face validity to evaluate changes of spinal biomechanics after manual therapy] and to guide treatment options based on spinal mobility. 

To examine spinal stiffness, a clinician applies a manual PA force to the lumbar spine in   general or to a spinal landmark (e.g. spinous process). The clinician then perceives the stiffness/movement of the spine. This may be repeated with adjacent segments to evaluate the relative stiffness of different spinal regions. »

A ce titre de nombreuses autres études auraient pu être citées, mais il ne figure pas de schéma d’étude plus pertinent que d’autres pour poser le cadre du sujet traité. De plus, les techniques analysées comme la PA (pression postéro-antérieur sur une vertèbre) sont bien décrites dans cet article.

L’étude dans une première partie fait le point sur la fiabilité et validité des PAIVM et conclue que ces derniers ne sont ni fiables ni valides, en accord avec les données fournies par notre article. A la suite de cela elle apporte de nombreuses solutions pour rendre plus crédible la littérature sur le sujet dont les auteurs trouvent la qualité méthodologique insuffisante. 

L’étude de Wong aurait pu être citée sur les trois points de cette partie de du 1er article de la série tant elle résume l’ensemble de la littérature sur le sujet. 

Pour ce qui est de son deuxième appel dans le texte du 1ere article de la série, son 2e objectif était la recherche de la relation entre mobilité et symptômes ce qui convient parfaitement à sa citation dans cette partie corps du texte.

Les auteurs segmentent leur article en plusieurs parties : ils cherchent d’abord à voir s’il y a une relation à un instant “t” via des études transversales et divisent en deux les données : une première partie où ils compilent les données de la littérature en faveur d’une association entre perte de mobilité et symptômes et une autre où ils compilent les données de la littérature en défaveur avec cette affirmation. 

Dans un second temps, les auteurs répertorient des séries de cas, des études longitudinales et aussi des analyses secondaires d’ECR afin de déterminer s’il y a une corrélation ou un lien de causalité dans le temps entre perte/gain de mobilité et symptômes. Cette fois, on retrouve un argumentaire prônant l’idée qu’il y aurait un lien de causalité entre modification de la rigidité vertébrale et amélioration des symptômes. Ici, on retrouve des séries de cas citées, donc sans groupe contrôle. Le schéma des études ne permet d’exclure des facteurs confondants ni des biais de mesure. Il est étonnant aussi de voir que la direction de l’association n’est pas discutée, est-ce la diminution de symptôme qui pourrait faire augmenter la mobilité ou l’augmentation de la mobilité qui ferait diminuer les symptômes ? 

Dans la réflexion de Wong et al portant sur le caractère prescriptif, de nombreuses études pertinentes montrant que les symptômes et la mobilité évoluent indépendamment du traitement effectué ne sont pas citées et ne permettent pas une discussion impartiale sur le sujet. 

Dans une dernière partie, les auteurs répertorient les facteurs confondants qui pourraient influencer l’association mobilité/symptômes. Ils sont nombreux et rendent l’analyse de cette variable extrêmement délicate ; Nous rejoignons les auteurs sur ce point et c’est pour cela que l’étude a été citée à ce niveau là de l’exposé du texte. En effet, de nombreux facteurs pourraient être impliqués dans une association mobilité et symptômes, notamment autres que la biomécanique elle-même, si tenté que cette corrélation existe chez certains patients.

Bien que l’étude de Wong aurait en effet mérité davantage de développement et d’explicitation, le propos général de l’exposé reste cohérent.

« Les patients voient une diminution de leur douleur lombaire après une manipulation indépendamment du fait qu’il y ait une bonne ou mauvaise mobilité segmentaire au niveau lombaire (Wong 2017 ; Fritz 2005 ; Kulig 2004 ; Snodgrass 2012).”

La revue narrative de Wong confronte les différentes données sur le sujet et propose différents facteurs confondants qui pourraient influencer cette association mobilité-symptômes (Wong 2017). »

Etude rétrospective de Fritz (Fritz2005a) 

L’étude que nous citons ici n’est pas celle figurant dans les références, il y a eu une erreur de notre part. Étant donné qu’elle est citée par Mr Trudelle précédemment, nous la présentons succinctement (c’est aussi une erreur de sa part puisqu’il cite Fritz 2015, et que l’on retrouve cette étude de 2005 dans sa liste de référence).

Cette étude reprend les données des études de “Flynn” et de “Childs” (Flynn2002, Childs2003) et cherche à savoir si deux variables peuvent êtres prescriptives d’une manipulation lombaire : la durée des symptômes et la diffusion des symptômes. Les auteurs concluent que oui, cependant on ne retrouve pas de groupes contrôles. Ces variables sont des variables “normatives”, c’est-à-dire qu’elles évoluent avec l’évolution naturelle de la maladie, indépendamment de tout traitement effectué. Il aurait fallu un groupe contrôle pour conclure. Vous pouvez vous référer au deuxième article de notre série sur le sujet pour plus d’informations sur ce sujet (Série “Thérapie Manuelle vue par les preuves” : 2- Trouver de la certitude dans l’incertitude Henry2020).

Etude de Fritz correspondant à celle appelée dans le texte (Fritz2005b): 

Voici l’étude que nous avons appelée dans le texte. 

A première vue, citer cette étude paraît osé car les résultats ne semblent pas en accord avec nos propos. Expliquons notre choix en analysant ses données.

Cette étude a repris les résultats d’un ECR. Son objectif est de savoir si les patients qui présentaient une hypo mobilité étaient de meilleurs répondeurs à la manipulation vertébrale 

Une mesure manuelle et trichotomique de la raideur vertébrale sur chaque étage de L1 à L5 a été effectuée. 

Voici les résultats présentés ici : 

Les auteurs ont retrouvé que les patients présentant une hypo mobilité s’amélioraient mieux que ceux qui ne présentaient pas une hypo mobilité lors des manipulations vertébrales, ce qui n’est pas en accord avec la revue du même auteur en 2011 par exemple, qui conclue l’inverse (Fritz2011). 

Pour expliquer cette différence, cette dernière souligne que les mesures manuelles de la rigidité vertébrale ne sont pas fiables et que c’est ce type de mesure qui a été réalisé dans l’étude de 2005. 

De plus pour revenir à l’étude de 2005, le groupe exercice présentant une hypo mobilité s’est mieux amélioré que les autres, ce qui ne corrobore pas le modèle théorique. 

Ce qui est aussi intéressant, et c’est pour cela que nous avons cité cette étude, tous les groupes se sont significativement améliorés et ce malgré le fait qu’ils présentent ou non une hypo ou une hyper mobilité. 

Enfin, il n’est pas signalé si les physiothérapeutes étaient en aveugle ou non, ce qui pose un problème pour l’interprétation compte tenu de l’hypothèse de départ. Si les évaluateurs ont diagnostiqué une hypo mobilité et étaient ainsi convaincu que dans ce cadre-là la manipulation améliorerait les patients, cela pose un réel problème de biais dans les “résultats”. L’effet spécifique sur cette population type a clairement pu être surestimé

Cette étude par son analyse critique est donc en accord avec nos propos

Etude de fritz2011Cette étude est recitée par Mr Trudelle de la manière suivante : « L’étude de Fritz 2011 (17) citée le 13/04/20 montre des résultats sur les effets de la manipulation et l’absence de mobilité. Cela est discordant avec l’affirmation de l’auteur. C’est un biais de sélection. »

L’étude de fritz est très intéressante a bien des égards, ici les auteurs ont effectué 2 sessions de manipulation du bassin sur des patients lombalgiques. C’est une série de cas sans groupe comparateur avec un niveau de preuve faible. 

Ils ont évalué instrumentalement la rigidité vertébrale de manière non spécifique (sur un étage en particulier L3 par rapport à L4) à chaque fois avant et après les deux sessions et sur une troisième sessions 3 jours après.

Les auteurs ont retrouvé qu’une moins grande rigidité vertébrale initiale était associé à de meilleurs critères de jugement fonctionnels 1 semaine après la première session, ce qui est en contradiction avec d’autres études comme celle discutée précédemment, et questionne sur la pertinence de ce critère et ce malgré la tentative d’analyse multivariée sur différent sous-groupe.

L’étude intègre deux nouvelles variables concernant la rigidité : la rigidité globale et la rigidité terminale ce qui complique encore un peu plus la compréhension du modèle d’hypo-hyper mobilité 

Les auteurs ont retrouvé une réduction de la rigidité vertébrale associé à une amélioration des symptômes entre la première et la deuxième session, mais pas après, de plus les changements de raideur n’étaient pas maintenus dans le temps ce qui est en contradiction avec d’autres études là encore. L’absence de groupe contrôle rend très compliquée l’analyse des résultats et les conclusions que l’on peut en tirer. En effet, il est impossible de savoir si ces variations sont dues au hasard ou à des facteurs interférents non dues/liés  spécifiquement à la manipulation ce qui a été émis comme hypothèses par d’autres études (Fereira2010) 

Les auteurs retrouvent une réelle différence d’interprétation entre la rigidité locale et terminale et soulignent que l’évaluation manuelle par des opérateurs peut être biaisée et ne pas refléter la réelle rigidité vertébrale. Nous sommes tout à fait d’accord avec cette affirmation. Donc en pratique, en l’absence de mesure instrumentalisée, nous risquons avec une évaluation manuelle d’être fortement biaisés dans notre interprétation, quel est donc l’intérêt clinique de cette variable ? 

L’étude de Fritz2011 ne contredit pas nos propos, cependant, compte tenu du caractère polémique des sujets présentés et ce afin d’éviter toute ambiguïté au détriment de la facilité de lecture, nous pourrions donc être plus précis pour être plus représentatifs de la littérature sur le sujet en rajoutant : 

« Certaines études ont retrouvées des différences d’évolutions dans les critères de jugement selon que les patients présentent des vertèbres hypo-mobiles ou hyper-mobiles. Toutefois ces études ont un niveau de preuve faible et présentent de nombreux biais méthodologiques (Fritz2005b, Fritz2011)  

De plus, elles présentent des résultats inverses, ainsi certaines concluent que les patients aux mobilités segmentaires diminuées s’amélioreront mieux suite à la mobilisation (Fritz2005b) alors que d’autres concluent le contraire (Fritz2011). Ces différences pourraient être dues au caractère instrumentalisé ou non de la mesure, la mesure instrumentale serait plus valide pour déterminer la mobilité segmentaire ce qui rend, si cela est le cas, son interprétation manuelle inutile et biaisée ». 

Kulig2004 : Analyse en fin d’article de cette étude 

Revue systématique de Snodgrass2012 : 

Analysons l’étude que nous avons citées ici, cette revue tente de répondre à 4 questions : 

  1. Comment la rigidité vertébrale est-elle mesurée, y compris les facteurs qui affectent sa mesure ?
  2. Comment la rigidité vertébrale est-elle utilisée dans le diagnostic ?
  3. Quelles est la place de la rigidité vertébrale dans le pronostic et le processus décisionnel ?
  4. Quelle est l’effet de la manipulation sur la rigidité vertébrale ?
  5. Réponse : Soit subjective par jugement du praticien soit instrumentale : 

On retrouve 3 sous catégories pour l’instrumentale : soit raideur segmentaire, soit raideur physiologique de la colonne, soit mesure de la raideur en per-opératoire. Il semble que la fiabilité et la validité soient meilleures avec des mesures instrumentales, pour les mesures non instrumentales les facteurs pouvant interférer sur la perception de raideur ne sont pas contrôlés.

2. Réponse : Il n’y a pas suffisamment de preuves pour tirer des conclusions concernant l’utilité de l’évaluation de la rigidité pour identifier un niveau spinal/vertébral symptomatique ou déterminer le degré d’activation du muscle multifide chez les patients souffrant de lombalgie

3. Réponse : Fritz et al. (2011) ont mesuré la raideur en utilisant des pressions postero-antérieures (PA) in vivo et ont rapporté qu’une diminution immédiate plus importante de la raideur après manipulation était faiblement associée à une amélioration plus importante du questionnaire sur le handicap Oswestry sur 6 à 8 jours. Cette étude (que nous avons analysée auparavant) a en outre identifiée que des valeurs de rigidité inférieures enregistrées au départ étaient liées à des degrés d’amélioration plus élevés au cours de la même période. Cependant, les deux facteurs ne représentaient qu’une petite fraction de la variabilité des résultats dans cette étude. Les études sur le pronostic suggèrent que la rigidité de la colonne vertébrale jugée par le praticien n’est pas un prédicteur efficace des résultats pour les patients, tel que mesuré par divers questionnaires de rapports de patients (tableau 5).

Citons : « Quant à savoir si la raideur vertébrale peut modérer ou médier les effets du traitement, il y a très peu de preuves. Deux études suggèrent que la rigidité rachidienne de base peut modérer les effets de la manipulation de la poussée (Childs et al., 2004; Fritz et al., 2005b), une raideur accrue entraînant une réponse plus favorable, mais la raideur ne semble pas modérer les effets de techniques sans poussée (Ferreira et al., 2009; Hancock et al., 2008) (tableau 6). En tant que médiateur des résultats du traitement, seules de faibles corrélations (r <0,6) ont été signalées entre la raideur vertébrale et divers résultats pour les patients (Ferreira et al., 2009; Fritz et al., 2011; Tuttle et al., 2008a) »(traduction personnelle). 

4.Réponse : Citons : « Deux études ont conclu que les changements de rigidité n’étaient pas plus importants après l’application de techniques sans poussée par rapport à un contrôle au repos (Goodsell et al., 2000; Tuttle et al., 2008a) […] L’étude restante utilisant une mesure de rigidité instrumentée a rapporté que la rigidité a diminué immédiatement après l’application d’une technique de poussée, mais les changements de rigidité n’ont pas été maintenus plus de 3 à 4 jours. »

Tableau numéro 5 issu de l’étude Snodgrass2012

Cette étude est bien en accord avec nos propos, le niveau de preuve est ici élevé. 

Les références suivantes sont appelées à la suite de cette phrase : « L’amélioration via l’application d’une technique manuelle n’est pas dépendante d’une approche biomécanique spécifique ».

Un grand nombre d’étude sont appelées pour justifier cette phrase, analysons les : 

ECR de Chiradjenant2003 : Les groupes sont ici similaires à la “baseline” ( sauf pour la durée des symptômes) , les auteurs soulignent le manque d’homogénéité des participants , mais leurs caractéristiques restent représentatives de la pluralité des patients que nous pouvons rencontrer en pratique clinique. Contrairement à ce qu’affirme Mr Trudelle, nous ne voyons pas cela comme une limite, d’autant que les différences à la baseline ne sont pas statistiquement significatives.  

L’amélioration plus importante résultante de la mobilisation des étages vertébraux bas résulte d’une analyse secondaire sans rapport avec la question de recherche initiale, elle n’a donc pas valeur de preuve mais questionne et encourage la mise en place d’un essai spécifique à cette question. Compte tenu du manque de cohérence externe et du caractère secondaire de cette information, celle-ci n’a donc pas été relayée. 

Cette étude est en accord avec nos propos dans l’article de par son schéma et les résultats qu’elle propose : les mobilisations aléatoires étaient aussi efficaces que les mobilisations spécifiques découlant d’un raisonnement à caractère biomécanique ( recherche d’hypo mobilité segmentaire). 

ECR d’Aspinall2019 : L’objectif de cet essai est d’évaluer l’effet neurophysiologique d’une manipulation lombaire, comparé à un placebo de manipulation. Apsinall décrit la différence entre ces deux interventions seulement par des modalités d’ordres biomécaniques : « The sham intervention involved similar positioning to the real SMT, but contacting over the upper medial gluteal musculature with a broad non-specific palm contact. The participant’s spine was kept relatively neutral with around 90° hip flexion, to minimise tension on the spine. A slow, gentle, non-specific ‘thrust’ was delivered into the gluteal musculature in conjunction with a small ‘body drop’ from the clinician. The sham was intended to mimic the active intervention in positioning and hands-on contact, and to give the participant the perception that ‘something happened’ » 

Cette étude est en accord avec nos propos

ECR de Kanlayanaphotporn2009

C’est un ECR qui a comparé les effets de mobilisations prescrites aléatoirement vs celles découlant d’un raisonnement biomécanique spécifique.

Mr Trudelle affirme que dans cet ECR les thérapeutes ne prennent en compte que la douleur pour choisir la technique de mobilisation. Cette affirmation est fausse, les auteurs soulignent que les thérapeutes choisissent de manière pragmatique la technique à effectuer en fonction de la douleur et de l’hypo-mobilité vertébrale : « The level(s) that were found to be hypomobile or painful in the manner that matched the characteristics in which the patients were affected were deemed responsible for the patients’ symptoms »

Un autre thérapeute manuel a signalé que la prise en compte de la douleur dans le processus décisionnel ne permettait pas de conclure à la prise en compte seule de l’hypo mobilité, c’est vrai, mais est ce une situation qui peut être rencontrée en pratique clinique ? Les auteurs ont privilégié une approche pragmatique représentative de la pratique clinique, en incluant et l’appréciation de la mobilité segmentaire et l’appréciation de la douleur. On pourra toujours dire que l’appréciation de la douleur a pu fausser l’appréciation de la mobilité, c’est une hypothèse possible mais peu probable, les valeurs clinimétriques semblant plus intéressantes pour l’appréciation de la douleur segmentaire que de la mobilité. De plus, le fait d’objectiver une douleur spécifique d’un étage ne remet aucunement en question les propos que nous rapportons, une douleur en lien avec un segment donné renvoie sur le modèle théorique, à un modèle biomécanique plus que neuro physiologique et globalisé.

En conclusion de cette étude, la sélection de la technique manipulatoire en fonction de l’hypo-mobilité et de la douleur segmentaire rapportée par le patient n’a pas apporté de résultats supérieurs par rapport à une technique aléatoire

Cette étude est en accord avec nos propos  

Pour ce qui est de la figure de cet article reportée par Mr Trudelle via la phrase suivante :

« Pourquoi la figure 2 de la P-190, de cet article qui aborde le gain de mouvement n’est pas retenue au titre de l’amélioration mécanique du mouvement ? Est-ce un biais de sélection ? Est-ce un biais d’interprétation ? Ce n’est pas évoqué. » 

Voici la réponse à sa question : « For both groups, the most notable improvement in active cervical ROM after mobilization was on most painful movement (see table 3). These values were also found to be in the same ranges reported by previous studies.17,18 Because all of the changes were less than 3°, which were within the range of the measurement error of this study, this indicated that there were no apparent differences in cervical ROM between the preferred and the random mobilization techniques. These negligible changes in cervical ROM might reflect the trivial changes in the intervertebral segmental ROM during the oscillatory mobilization » (Kanlayanaphotporn2009)

(De nombreux ouvrages existent pour se familiariser à la lecture critique des données statistiques des études)

Ecr de Aquino2009 : Aquino compare dans son ECR une mobilisation cervicale (au choix dans celles décrites par maitland) sur l’étage symptomatique modulé en terme de grade en fonction du feedback du patient vs une mobilisation sur un étage aléatoire. Effectivement ici, il n’est pas explicité de recherche d’un étage hypo-mobile pour sélectionner la technique.

Les auteurs n’ont pas retrouvé de différence entre une approche sur un étage aléatoire et une approche sur un étage symptomatique.

Toutefois, il remet  en question par ces résultats les différentes hypothèses biomécaniques comme le cite “de oliveira” 

« Many manual therapists, osteopaths, and chiropractors are still heavily oriented by a biomechanical mechanism where mechanical forces applied to specific vertebral regions may alter segmental biomechanics by releasing trapped meniscoid lesions, releasing adhesions, or reducing distortions of the annulus fibrosus.13 This biomechanical mechanism of action would allow the vertebral segments to move in a greater range of motion and would reduce the mechanical stress on paraspinal muscles, thus reducing pain and discomfort. However, the mechanisms underlying the effects of SMT seem much more complex than a simple biomechanical oriented model and are more likely to be better explained by a combination of biomechanical and non biomechanical effects »

(De Oliverira2013)

Bien que cet ECR remette en question l’intérêt d’une mobilisation spécifique et explique son appel dans notre article, nous pensons qu’il est pertinent compte tenu du caractère polémique de cette phrase de la détailler, nous y reviendrons à la fin de l’analyse des 8 articles appelés ici.

Cette étude est en accord avec nos propos

ECR de Oliveraira2013 : L’objectif de cet ECR est : « The results from our study could lead to a better understanding of nonbiomechanical effects of this popular intervention in patients with chronic low back pain ».

L’objectif numéro 1 est de comparer une mobilisation lombaire spécifique sur des patients lombalgiques chroniques vs une mobilisation thoracique non spécifique. 

L’étage vertébral à manipuler est confirmé par des éléments d’ordre biomécanique « The diagnostic palpation test in the transverse plane, also known as the Mitchell test, was used to verify vertebral positioning and mobility »

L’étude ne retrouve pas de différence entre les deux groupes. 

Cette étude est en accord avec nos propos.

ECR de Schomacher2009 : Cet ECR est réalisé sur des patients cervicalgiques. On réalise ici une mobilisation cervicale selon l’étage symptomatique (plusieurs tests visant à cibler l’étage ont été effectués, on ne se limite pas qu’à la douleur rapportée), ou selon une mobilisation aléatoire. 

Aucune différence n’a été retrouvée entre les deux groupes. Les examinateurs de plus n’étaient pas en aveugle sur l’allocation et sur la collecte des résultats, les patients étaient en aveugle.

L’intérêt biomécanique est là encore discuté, les auteurs ne rejettent pas l’hypothèse que les mobilisations étant non spécifiques, il pourrait y avoir un effet biomécanique sur plusieurs étages en plus des effets neurophysiologiques et sympathiques que l’on retrouve fréquemment décrits.

L’approche biomécanique spécifique par les résultats apportés peut ici être remise aussi en question.

L’étude est en accord avec nos propos. 

 

ECR de Mc carty2019 :

C’est le dernier essai paru sur ce sujet à notre connaissance. Cet ECR qui compare manipulation régionale vs manipulation lombaire spécifique sur des patients lombalgiques, mesure la douleur et l’activité musculaire à l’EMG (multifides et iliocostal). 


L’identification de l’étage spécifique à manipuler se fait comme suit :

 « The joint targeted for manipulative thrust was the spinal location deemed to be most symptomatic during the clinical examination, using active movement observation, passive movement assessment of resistance to movement and pain provocation tests ».

La prise en compte d’une hypo-mobilité afin de sélectionner l’étage à manipuler est donc présente.

On ne retrouve pas de différence retrouvée sur la douleur entre les deux techniques (régionale ou spécifique). On note des changements sur l’activité EMG mais les auteurs soulignent que ceux-ci pourraient être liés à des facteurs interférents 

On retrouve des biais dans l’étude avec un risque beta important. 

Cette étude est en accord avec nos propos. 

ECR de donaldson2016 : 

Donaldson et al a investigué sur le moyen et long terme la différence entre mobilisation prescrite et mobilisation spécifique sur des patients lombalgiques. 

On prescrit à un groupe des PA-  L4 et L5 2×60 secondes chacun avec 30 secondes de pause sur 4 séances. 

L’autre groupe reçoit les mêmes mobilisations sur l’étage symptomatique, les modalités sont effectuées en fonction du feedback du patient, et on ne se base que sur la douleur rapportée par le patient. 

On ne retrouve pas de différence entre les groupes.

Cette étude est bien en accord avec nos propos. 

Pour conclure, toutes les études citées à la suite de la phrase suivante « L’amélioration via l’application d’une technique manuelle n’est pas dépendante d’une approche biomécanique spécifique » sont pertinentes et en accord avec nos propos. 

En effet, l’amélioration se produit quelque soit la technique employée et ce même si celle-ci est réalisée aléatoirement, qu’importe le raisonnement, qu’il soit biomécanique ou neurophysiologique.

On pourrait afin d’éviter toute polémique préciser nos propos découlants de cette phrase : 

« L’amélioration via l’application d’une technique manuelle n’est pas dépendante d’une approche biomécanique spécifique, en effet les patients vont s’améliorer de la même manière suite à des manipulations ou des mobilisations découlant d’un processus décisionnel en lien avec l’évaluation d’hypo-mobilité ou d’hypermobilité (Deoliveira2013, Chiradjenant2003), de la douleur rapportée à la pression localisée ( Donaldson2016, Schomacher2009) ou de processus mixant ces notions (McCarty2019, Aspinall2019, Kanlayanaphotporn2009). Compte tenu du niveau de preuve des études, de la qualité de ces dernières, de leur validité et cohérence externe, il n’existe aucune contestation possible au fait que l’amélioration est indépendante d’un choix de manipulation ou mobilisation spécifique sur un étage donné pour un grand nombre de population ».

Etude diagnostic de Abbott2005:

Cette étude est citée de la manière suivante par Mr Trudelle “Les stratégies des physiothérapeutes sont le plus souvent simples sur ce sujet : si un patient présente des zones hypomobiles et des zones hypermobiles sur le rachis. Il peut présenter des douleurs car il sursollicite les zones hypermobiles et le thérapeute va proposer de mieux répartir le mouvement en améliorant la mobilité segmentaire des zones hypomobiles distantes. L’objectif étant de « décharger » les zones sur-sollicitées. Les mobilisations sur des étages distants de la zone douloureuse sont plus adaptées… Nous avons déjà cité Fritz (5) sur ce sujet. Il y a des études plus techniques comme celle d’Abbot (28). »

Cet appel de référence est inadapté. C’est une étude diagnostic cherchant à évaluer des tests de mobilités PAIVMs et PPIVMs ( flexion et extension) afin de diagnostiquer une instabilité vertébrale régionale. Le mot “régionale” est important. 

Les auteurs soulignent en effet qu’il ne serait pas pertinent de chercher à diagnostiquer à l’échelle d’un seul segment vertébral, ce qui rejoint les propos rapportés dans le premier article, donc on parlera d’instabilité lombaire supérieure et inférieure: 

This was decided a priori, and considered necessary because there is considerable evidence that therapists are not sufficiently accurate in identifying specific segmental levels by palpation, although they are usually within one level (up or down) and are generally reliable at locating again a segment they had previously located [1113]. This inaccuracy presented an unacceptable risk of misclassification, that collapsing into regions would attenuate. Furthermore, it is also clear that some physical assessment procedures affect mobility at multiple segments [14] and that segmental specificity does not appear to be important with regard to application of physical therapies for LSI, including manual therapy [5,1522] (although one study has found otherwise [23]). Data were thus collapsed into the 2 × 2 tables. By-segment results are, however, provided [see Additional file 1] for readers to compare.”

Le terme d’instabilité lombaire pose aussi question, en effet celui-ci est déterminé en référence standard par une comparaison avec une moyenne sur une population de personnes asymptomatiques, toutefois nous ne retrouvons aucune donnée sur cela dans l’étude et les annexes associées. 

Nous pouvons aussi nous questionner sur sa pertinence tant la prévalence retrouvée d’instabilité lombaire dans l’échantillon symptomatiques est faible:

 “Sagittal rotation LSI was not found in statistically significant numbers (6 of 468 segments, or 1.3%), which is smaller than the number that would be expected by chance alone in a normally distributed sample of this size. Sagittal translation LSI was found at a prevalence of 3.6% (17 of 468 segments) (χ2 p < 0.05). In this cohort, 5.6% of individuals had rotation LSI at least one segment, and 12.0% had translation LSI at least one segment

Finalement, l’étude n’a rien à voir avec son appel de référence, elle ne permet pas de justifier les propos de Mr Trudelle, de plus les éléments rapportés par les auteurs sont en accord avec les données de la littérature citées dans mon premier article. 

 

  1. Fiabilité et validité palpatoire

 

Etude de Cooperstein2016 :  Cette revue systématique réalisée par un chiropracteur évalue la fiabilité palpatoire des EIPS : « Reliability could pertain to assessing the location of a single PSIS, or to assessing the bilateral symmetry of the PSISs on the superior-inferior axis (i.e., assessing whether one PSIS was caudal to the other) »

Donc la fiabilité palpatoire d’une ou de deux EIPS l’une par rapport à l’autre. Les auteurs soulignent bien ici, que la palpation des EIS est une condition nécessaire à la bonne réalisation de certains tests orthopédiques : « Since palpation of the PSISs is the starting point for other pelvic examination procedures, examiner inability to agree on the location of the PSIS may negatively impact their ability to perform, interpret, and agree upon the results of other manual  pelvic examination procedures »

Mr Trudelle dit « Cette revue systématique de chiropraticien étudie des tests relatifs à des tests de mobilité ou de positionnement des os du bassin » . Cette affirmation est erronée. 

Les informations apportées par l’étude et décrites dans l’article sont donc maintenues et réaffirmées, la fiabilité palpatoire des EIPS inter examinateur a un coefficient kappa de O,27 donc faible. Nous précisons qu’en intra examinateur le coefficient kappa de l’ensemble des études n’est pas rapporté, les résultats semblent meilleurs mais insuffisants pour considérer que cette dernière est fiable. 

L’étude est en accord avec nos propos.

Nous ne comprenons pas dans ce cadre les références citées par Mr Trudelle, et la phrase suivante : « L’auteur a publié d’autres études avec des  résultats positifs sur une revue systématique en 2017 (30) ou des études spécifiques en 2018 (31) »

Etude de Cooperstein2018 :

L’étude de 2018 de Cooperstein, porte sur le test de Gilet ce qui est un hors sujet, puisque rendre dans le cadre de la perception de mobilité et non dans la palpation pure et que la perception de mobilité de la sacro iliaque n’est qu’une illusion compte tenu des très faibles mobilités qui y sont associées. De plus les résultats ne sont pas « positifs » puisqu’ils remettent en question la validité du test de Gillet en tant que test de mobilité sacro-iliaque : 

« This study questions the validity of the upright Gillet test for sacroiliac motion. »

L’article cité dans la relecture de Mr Trudelle n’est pas pertinent et les propos rapportés par Mr Trudelle sont  faux. 

Etude de Cooperstein2017 : 

L’étude de 2017 est justement citée dans notre l’article pour critiquer la règle portant sur « la ligne des crêtes iliaques, censée être en regard de l’espace intervertébral L4-L5 ». Pourquoi dans ce cas Mr Trudelle nous demande de la citer ?

Mr Trudelle cite ensuite la revue systématique de Huijbregts pour nourrir son argumentaire avec la phrase suivante « La revue systématique couvrant différentes régions à palper donne des résultats tout opposés ».

Regardons ce qu’il en est et voyons si les résultats si les résultats sont tant que ça en désaccord avec nos propos : 

Etude de Huijbregts2002 :

 

Cette revue de 18ans englobe de nombreuses données, elle étend la question de recherche à la palpation statique de zone osseuse, mais aussi musculaire, ou encore sur la perception de mobilités à la fois sur les étages thoraciques, cervicaux et lombaires, dans quel cadre Mr Trudelle porte donc cette affirmation ? C’est difficile de répondre. 

Vous pouvez voir ci-dessous un des nombreux tableaux de l’article, il y figure de nombreux coefficient kappa n’excédant pas les 0,30. Les auteurs concluent d’ailleurs : 

« Interrater agreement only rarely exceeds poor to fair agreement. » 

Pour ce qui est de la fiabilité intra examinateur, celle-ci est meilleure mais peine sur bien des études à atteindre le niveau modéré de 0,4. 

Ceci est donc en accord avec les propos rapportés dans notre article. 

L’étude citée par Mr Trudelle est pertinente, mais les conclusions qu’il en tire sont fausses et non représentatives de l’étude. Au contraire celles-ci tendent à confirmer les propos rapportés dans notre article

Nous aimerions aussi comprendre ce qu’entend Mr Trudelle par biais d’interprétation, la revue de Cooperstein de 2017 nourrit correctement notre propos et est citée à juste titre 

Les articles de Cooperstein 2017 et 2015 référencés sont bien appelés dans le texte contrairement aux propos rapportés par Mr Trudelle.

De nombreuses études de l’articles n’ont pas été commentées par Mr Trudelle aux titres que ce sont des thérapeutes d’autres professions, nous ne reviendrons pas sur ce débat mais il est vraiment regrettable et irrespectueux de stigmatiser et de ne pas prendre en compte le travail d’autres confrères qui sont avant tout des chercheurs.et qui œuvrent pour le bien des patients et de la recherche scientifique sur des sujets transversaux aux différentes professions.

Ainsi pour l’étude de Kim par exemple que nous avons citée, il faut savoir que celle-ci ne porte même pas sur la palpation mais sur la concordance radiologique de la ligne EIPS vis-à-vis d’un étage vertébral particulier afin de confirmer ou d’infirmer la règle palpatoire « EIPS en regard de S2 », un médecin est donc la personne la mieux indiquée pour interpréter une radiographie et monter ce type de protocole.  

 

Etude de Merz2013 C’est une étude diagnostic portant sur la validité palpatoire de L5. Les auteurs ont dans un premier temps cherché à connaître la précision palpatoire de 4 techniques différentes. Les chiffres donnés dans l’article portent sur ces 4 différentes techniques : « celle de L5 varie de 45 à 61 % selon la technique utilisée (Merz 2013) » 

A titre informatif les techniques utilisés étaient le repère : 

  • Via la ligne des EIPS
  • Via la ligne des crètes iliaques 
  • Via la palpation avec lordose délordose en position assise (on demande au patient de réaliser un mouvement de lordose délordose
  • Via une dernière technique identique à la précédente mais en ayant marqué au préalable divers repère osseux. 

Dans un second temps l’objectif était de voir si le fait de combiner ces techniques pouvait augmenter la précision palpatoire. En effet comme l’a signalé Mr Trudelle nous n’avons pas fait la mention que le fait de combiner les techniques augmentait la précision jusqu’à 83% pour trois techniques combinées, cela aurait pu être précisé dans notre article.  

Nous suggérons donc la précision suivante : « celle de L5 varie de 45 à 61 % selon la technique utilisée mais peut augmenter jusqu’à 83% lorsque l’on combine différentes techniques »

C’est une information positive, on pourrait aussi rajouter qu’ici les auteurs ne se sont pas basés sur les particularités anatomiques des processus épineux, comme le suggère Philipps2009 ce qui pourrait encore augmenter la précision diagnostique. 

Cette étude est en accord avec nos propos mais aurait mérité plus de précision dans le corps du texte de notre article. 

En revanche nous ne comprenons pas la référence de Mr Trudelle à l’étude de Robinson, a-t ’il lu l’étude ? ou ne serait-ce même le résumé ou s’est il contenté de reciter l’étude citée par Merz et cal dans leur étude ? Analysons cette étude.

Etude de Robinson2009

Dès l’abstract on note que l’étude de Robinson s’est penché sur la fiabilité et la validité d’une seule technique palpatoire pour repérer C7 et L5. Si on rentre dans le détail, la technique pour C7 était l’extension assistée par le thérapeute, C6 devant s’antérioriser et « fuir sous les doigts » plus vite que C7. Pour L5 c’était la ligne des crètes iliaques qui était utilisée en repérage. 

A noter que l’étude retrouve ici un accord inter évaluateur de 37% sur les marqueurs cutanés, ce qui est faible, la fiabilité intra évaluateur n’a pas été testée. La validité est faible voire très faible pour C7 et L5 avec un kappa respectivement de 0,18 et de 0,48. A noter que l’outil statistique utilisé ici est étonnant, puisque déterminé par un coefficient kappa. 

Nous ne comprenons pas dans ce cadre la phrase de Mr Trudelle et la pertinence de cette référence « C’est aussi proposé dans l’étude de Robinson (37) qui propose d’assembler plusieurs tests pour assurer la reproductibilité »

Robinson fait juste référence à cela dans sa conclusion comme une piste éventuelle d’amélioration. Cela n’est pas du tout étudié dans l’étude en question, ni même plus approfondi que cela puisque non discuté dans la partie discussion si ce n’est par la phrase suivante :

 « A combination of other palpation techniques, including counting the cervical SPs from occiput to C7, might have improved the results »  

L’étude citée par Mr Trudelle n’est pas une preuve confirmant ses propos, sa référence n’est pas justifiée. De plus, les résultats retrouvés sont en accord avec nos propos.

 

  1. Fiabilité diagnostique de mobilité

Etude de Seffinger2004 :

Avant-propos sur cette étude : Mr Trudelle dans cette revue systématique ne rapporte que les résultats des études faites par des physiothérapeutes, résultats qui sont d’ailleurs en accord avec ce que nous rapportons dans notre article, à savoir que la fiabilité est faible. Ce fait de ne sélectionner qu’une poignée de résultats sur un critère donné s’appelle une analyse de sensibilité et permet, si cette donnée sélectionnée reste en accord avec le résultat global d’augmenter la robustesse des résultats de cette étude, nous remercions donc Mr Trudelle de nous permettre de renforcer notre argumentaire. 

Les objectifs de l’étude sont les suivants « The authors performed a systematic review of original research articles, from all disciplines, published in peer reviewed journals in order to assess the quality of the literature and answer the clinical question : “What is the intra- and inter examiner reliability of spinal palpatory diagnostic procedures ?” » 

Le but est d’analyser la fiabilité et validité de tests palpatoires de mobilité sur le rachis, qu’importe la profession, pourquoi à tout prix vouloir créer des “chapelles sectaires” ? 

Le fait que des études de différentes professions répondent aux critères d’inclusions montre bien la similitude et la transversalité de nos pratiques avec d’autres professions. 

Les auteurs concluent donc à une faible fiabilité de ces tests. La fiabilité intra examinateur reste meilleure qu’inter examinateur. Le niveau d’expérience ne jouait pas sur les résultats, le fait que les sujets soient symptomatiques ou pas non plus. Les tests régionaux ont de meilleures propriétés clinimétriques que les tests segmentaires. Les auteurs soulignent aussi que les tests de provocation de douleur restent plus fiables que les tests de mobilité. Il est à noter que l’on manque d’informations et de précision sur les tests effectués dans les études analysées. Comme toutes les études de fiabilité, les auteurs soulignent une hétérogénéité dans l’application des tests, dans le design de l’étude et dans les outils statistiques utilisés, ce qui compromet l’interprétation générale des résultats. 

Cette étude est en accord avec nos propos, et ce malgré une analyse de sensibilité effectuée vis-à-vis de la profession. 

Etude de Stochkendahl2006 

Nous citons cette étude dans le cadre suivant : « Fiabilité inter-examinateur: accord très faible  k<0,17 (Seffinger 2004 ; Stochkendahl 2006) / Fiabilité intra-examinateur: accord faible k< 0,35 (Seffinger 2004 ; Stochkendahl 2006) »

Cette revue systématique a été publiée en 2006. Les auteurs partent du principe qu’il existe de nombreux biais dans les revues de littérature déjà existantes, et qu’un nouveau travail de ce type est nécessaire. Les auteurs ont pour objectif de réaliser une méta analyse afin de déterminer si les techniques de palpation de mobilité sont fiables ou non.

Les termes sont bien décrits et définis. Les critères d’inclusion et d’exclusion bien explicités. Les auteurs ont élaboré en accord avec les directives existantes sur le sujet leur propre échelle de qualité méthodologique des études inclues. La lecture des articles a été réalisée indépendamment par deux auteurs et un troisième devait trancher en cas de désaccord ensuite. On reprochera un manque d’informations sur la méthode avec l’absence d’équations de recherche explicites. La démarche pour l’élaboration de la méta analyse semble ne pas présenter de biais et est décrite exhaustivement. 

Une analyse de sensibilité a aussi été effectuée pour renforcer les résultats. On retrouve ici 63 % des études inclues de haute qualité ce qui est une bonne surprise quand l’on voit que de nombreux auteurs ne concluent pas, à cause du  fait que les études incluent soit de mauvaise qualité. Toutefois cette donnée est à prendre avec précautions puisque découlant d’une évaluation de la qualité méthodologique non consensuelle. 

Voici l’« analyse de Mr Trudelle sur cette étude : « Nous ne commenterons pas le travail d’une autre profession. Ce que dit le résumé : « There was strong evidence that the interobserver reproducibility of osseous and soft tissue pain is clinically acceptable (𝛋≥0.4) and that intra observer reproducibility of soft tissue pain and global assessment are clinically acceptable” ».

Il aurait été interessant de réaliser une lecture plus approfondie : « Strong evidence for clinically unacceptable levels of reproducibility for intra- and interobserver MP and STC was found. » MP étant la palpation avec mobilité ce qui est précisément le sujet discuté dans cette partie de notre article.  

Il aurait pu aussi, s’il avait pris la peine de lire l’article, analyser les forest plot et voir que les intervalles de confiances se chevauchent que ce soit en inter examinateur mais aussi en intra examinateur. Et que les auteurs par leur phrase dans le résumé cité par Mr trudelle « There was strong evidence that the interobserver reproducibility of osseous and soft tissue pain is clinically acceptable (𝛋≥0.4) and that intraobserver reproducibility of soft tissue pain and global assessment are clinically acceptable » semblent conclure de manière trop optimiste au vu de leurs données statistiques. 

On retrouve encore une fois les mêmes informations que dans d’autres revues, ce qui renforce la cohérence externe : « The reproducibility of palpation for pain response is consistently higher than palpation for motion and, consistently, substantially higher within an observer than among different observers » mais les auteurs soulignent que pour ces deux conditions les résultats pourraient être surestimés «  However, both palpatory pain studies and intraobserver studies in general have inherent problems with blinding of observers. In intraobserver studies, conscious and unconscious cues may render blinding of the observers impossible, and the independence of measures can not be guaranteed. In palpatory pain studies, blinding of subjects is impossible. Both situations imply the risk of overestimating reproducibility »

Pour finalement conclure « The reproducibility of MP, STC, and SP is not clinically acceptable. The level of evidence is strong for interobserver reproducibility of MP and STC, whereas no evidence or conflicting evidence exists for SP and intraobserver reproducibility of STC. »

Cette étude est en accord avec nos propos dans l’article et les renforce avec des preuves de fortes évidences, la palpation d’un étage vertébral hypo-mobile ou non n’est pas fiable 

Etude de Haneline2009 :

L’étude de Haneline est une revue de littérature présentant la méthodologie d’une revue systématique, les auteurs ne pouvant garantir que l’analyse fut réellement systématique cette dernière n’est pas déclarée comme telle. Les critères d’inclusion sont : des études s’intéressant à la fiabilité palpatoire de la région lombaire et sacro iliaque et la fiabilité palpatoire de points douloureux, de repère osseux. Les auteurs soulignent que les techniques qui se sont basées sur la plainte douloureuse du patient étaient plus fiables, ce qui est en accord avec de nombreuses autres études. Cependant la différence ici est non statistiquement significative avec les autres techniques. 

Cet article aurait dû être cité sur le paragraphe précédent car ici n’était pas analysé la fiabilité dans la recherche d’hypo mobilité. 

C’est une erreur de citation de notre part.

Etude de Bracht2015 :

Nous citons cette étude dans le cadre suivant : « La fiabilité diminue encore pour l’évaluation de la mobilité en rotation segmentaire (Bracht 2015)

L’étude de Bracht qui est un physiothérapeute australien cite les lois de Fryettes et les dysfonctions articulaires comme référence sur les bases du modèle biomécanique en thérapie manuelle. Cette étude est une étude diagnostique qui a pour objectif d’évaluer la fiabilité intra examinateur et inter examinateur en rotation lombaire.  L’étude à été réalisée sur des sujets sains ce qui ne semble pas cette fois-ci poser de problèmes à Mr Trudelle, est-ce un biais d’interprétation ?  De notre côté, cela ne pose pas de problème, car nous nous basons sur les résultats de Stockendhal et al qui ont montré que les résultats ne différaient pas entre personnes symptomatiques et asymptomatiques, et que ceux-ci étaient lorsqu’ils étaient mélangés dans l’inclusion plus représentatifs d’une pratique clinique réelle. 

 « In a clinical situation, a mix of both asymptomatic and symptomatic patients will most likely present to practitioners of manual medicine. Therefore, the study population should consist of a mix of both symptomatic and asymptomatic subjects so that the reproducibility of the testing procedure has a relation to the characteristics of the study population. Finally, in spite of the use in every day clinical routines, test procedures do not always necessarily evaluate the clinical entity it is intended to evaluate, and it is therefore important to discuss the content of the test procedure » (Stockendhal2006)

L’étude de Johnson2018 que nous allons analyser ensuite rapporte d’ailleurs que le fait de n’avoir inclu que des personnes symptomatiques dans son analyse réduisait sa validité externe et était une limite à son étude. 

Dans l’étude de Bracht, les observateurs ont classé la position de la vertèbre comme neutre, en rotation vers la droite et en rotation vers la gauche. Ils ne savaient pas quel participant était évalué et ne connaissaient pas les résultats antérieurs. La fiabilité était faible en intra et en inter examinateur. Le test a été réalisé en position du patient allongée sur le ventre. Les patients ne pouvaient pas interagir avec l’évaluateur. Les valeurs de k et kp ont varié de 0,07 (IC a` 95% de 0,10 a` 0,245) a` 0,37 (IC a` 95% de 0,11 a` 0,63) dans le cas de la convergence intra-observateur et de 0,12 (IC a` 95% de 0,06 a` 0,29) a` 0,30 (IC a` 95% de 0,08 a` 0,52) dans celui de la convergence inter observateur.

Les auteurs mettent en biais potentiel leur classification qui pourrait expliquer ce résultat. 

Cette étude est en accord avec nos propos. 

Etude de Johnson2018 : 

Mr Trudelle cite cette revue de la manière suivante : « Pourquoi la revue systématique du physiothérapeute Johnson (42) sur la cervicalgie et la valeur diagnostique n’est pas retenue ? Pourquoi le tableau 3 n’est pas mis en avant, alors qu’il montre l’étendue de la concordance de l’examen dans beaucoup de secteurs ? Il y a des couleurs pour aider le lecteur à s’y retrouver ». 

Avant d’analyser l’étude nous allons répondre à ces questions.

Cette étude n’a pas été citée car elle n’a pas été identifiée dans la recherche découlant de l’article ce qui est bien dommage car celle- ci est très pertinente pour être référencé dans notre article. 

Maintenant lorsque nous analysons l’article en lui-même il est intéressant de constater que celui-ci reste en accord avec nos propos : 

« The results showed differing reliabilities for the included tests ranging from poor to almost perfect. In conclusion, active movement and pain for pain or mobility overall presented acceptable to very good reliability (Kappa >0.40); while passive intervertebral tests had lower Kappa values, suggesting poor reliability. » Encore une fois les tests cherchant à reproduire la douleur sont plus fiables que les tests se basant sur une évaluation de la mobilité segmentaire. La fiabilité de ces derniers étant rapportée comme faible. 

Une autre phrase dans l’abstract a éveillé notre attention, les auteurs signalent que la fiabilité augmente avec la qualité des études, ce qui est concordant avec les résultats rapportés par d’autres revues systématiques sur le sujet (Stockhendhal2006). 

Le tableau 3 avec de jolies couleurs est le suivant : 

Ce tableau rapporte les coefficients kappa inter évaluateur, seulement deux études inclues ont réalisé une mesure intra évaluateur. Il est très intéressant :

Premier constat, les études portant sur la perception de mobilité sont celles avec la plus faible fiabilité. Les auteurs mettent en avant le fait que les études avec un faible risque de biais rapportent une meilleure fiabilité, mais ce constat ne semble pas généralisable puisque seule l’étude de Sneider2013 tend vers cette tendance, elle est la seule avec un faible risque de biais. Les auteurs ne devraient pas pouvoir généraliser en ne se basant que sur une seule étude.  L’étude de Sneider est d’ailleurs celle citée ensuite par Mr Trudelle, Nous reviendrons plus tard spécifiquement sur cette étude qui semble d’ailleurs ne pas se baser que sur la perception de mobilité mais aussi sur la reproduction ou non de douleur. Si l’on se penche sur les intervalles de confiance (figure ci-dessous) on constate que la fiabilité pourrait ne pas être si satisfaisante que cela dans l’étude de Schneider.

Cette étude citée par Mr Trudelle est pertinente, elle renforce nos propos tenus dans l’article

 

Etude de Walker 

Etude transversale pour déterminer la fiabilité des techniques de palpation de mobilité en thoracique. 

Etude réalisé par des physiothérapeutes australiens. On retrouve ici deux chiropracteurs qui ont déterminé des étages thoraciques hypo mobiles ou non par l’intermédiaire de leurs propres techniques et de techniques standardisées révisées au préalable. 

Les auteurs ont retrouvé une fiabilité inter examinateur faible, comprise entre k =[-0,27-0,36]. Ici la recherche d’étages plus douloureux que d’autres n’a pas montré de meilleurs résultats k=[-0,38-0,32]. Cela pourrait peut-être être dû à l’échantillonnage varié d’individu, avec des personnes inclues symptomatiques en thoracique ou l’ayant été. 

Les valeurs clinimétriques étaient souvent pires lorsque l’approche était non standardisée.

Les résultats sont cohérents avec d’autres études comme celle de Christensen.

L’étude est en accord avec nos propos. Aucune RS a été effectuée spécifiquement sur la zone thoracique.  

Nous avons cité cette étude avec la phrase suivante : « Ces conclusions peuvent être généralisées aux autres étages vertébraux ». Au regard des études inclues dans les revues systématiques précédentes qui portaient en grande majorité sur l’évaluation de segments lombaires ou cervicaux, il nous paraissait pertinent de rajouter une référence récente sur les étages thoraciques. 

Il est vrai qu’il aurait été plus exact de reciter les études déjà citées et d’ajouter celle de Walker pour accompagner cette phrase.

A la suite de cela nous avons illustré un tableau de synthèse de Joshua Lavallée, Mr Trudelle affirme que les tests incluent ne sont pas pertinents et ne sont pas des tests de kinésithérapeutes, encore une fois Mr Trudelle affirme mais n’apporte pas d’élément justifiant son propos. Ces tests sont pour beaucoup encore enseignés en IFMK et font l’objet d’études par des physio-kinésithérapeutes. 

 

Etude de Moriguchi2009 :

Cette étude proposée par Mr Trudelle porte exclusivement sur des sujets asymptomatiques, est ce un biais de sélection lorsque à l’inverse Mr Trudelle critique nos choix de références portant sur des sujets asymptomatiques ? 

Cette étude porte sur la palpation de repères osseux en statique et n’est pas en accord avec le thème traité dans ce chapitre. Les auteurs concluent que la fiabilité est meilleure en intra évaluateur qu’en inter évaluateur ce qui est cohérent avec toutes les études citées précédemment et que celles-ci présentent des valeurs clinimétriques plus faibles lorsque les sujets sont en surpoids. Les auteurs concluent que la fiabilité est faible. 

L’étude n’apporte pas vraiment de nouvelles informations pertinentes et présente peu d’intérêt. 

L’étude citée par Mr Trudelle n’est pas pertinente et les résultats restent en accord avec nos propos rapportés dans la partie dédiée (2. Validité et fiabilité palpatoire.)

D’autres études sont proposées par Mr Trudelle, celui-ci cite une nouvelle fois Gwen Jull sans référence nous ne pourrons donc confirmer ou infirmer cette référence, l’étude de Schneider discutée précédemment est ensuite citée, celle-ci présente d’excellentes valeurs clinimétriques, analysons la. 

 

Schneider2013 

Cette étude porte sur la fiabilité de 4 tests chez des patients référés pour un bloc facettaire cervical. Deux physiothérapeutes ont réalisé les tests suivants : 

  • Mesure des amplitudes actives des mouvements analytiques 
  • Test d’extension rotation et la recherche d’une reproduction de symptôme 
  • Palpation musculaire douloureuse (muscles segmentaires profonds)
  • Palpation d’une hypo-hypermobilité au niveau segmentaire des PAP mais la reproduction de douleur était aussi recherchée 

Comme dit précédemment cette étude présente des résultats très éloquents et intrigue car les résultats qu’elle présente sont à l’opposé des résultats de l’ensemble de la littérature sur le sujet 

Les voici synthétisés dans le tableau ci-dessous :

On peut constater que les coefficients kappa sont meilleurs en inter évaluateur qu’en intra évaluateur, ce résultat peut paraitre étonnant mais pourrait être expliqué par l’évolution naturelle de la maladie car la seconde mesure a été réalisée 7 jours après

Les résultats pourraient être meilleurs que sur d’autres études du au fait que

  • Les évaluateurs se basaient et sur la perception de mobilité et sur la douleur ce qui est cohérent avec d’autres études sur le sujet 
  • La population testée est non représentative d’une population rencontrée en clinique, elle est homogène et fortement symptomatique, elle répond positivement à des tests diagnostiques et prescriptifs spécifiques. Cela influe sur la pertinence clinique de l’étude mais peut aussi faire gonfler l’accord artificiellement et que celui-ci soit du au hasard  
  • Les évaluateurs effectuaient 4 tests, les résultats des différents tests pourraient biaiser le jugement des évaluateurs sur les tests suivants, or c’est ici des valeurs pour des tests réalisés individuellement qui sont rapportées ici. 

Enfin on retiendra que les intervalles de confiance sont extrêmement larges et chevauchent des valeurs kappa faibles.

Cette étude, bien qu’intéressante et de bonne qualité méthodologique, présente donc des limites et ne remet donc pas en question toutes les données existantes sur le sujet qui apportent des conclusions différentes 

Cette étude est pertinente, celle-ci est unique du fait de ses conclusions à l’opposé de la littérature sur le sujet, elle pourrait amener de nouvelles pistes de recherche intéressantes. Toutefois compte tenu des points soulevés précédemment et du manque de cohérence externe, cette dernière ne remet pas en question nos propos.

 

 

  1. Validité diagnostique de mobilité

Etude de Snodgrass2012

Dans cette revue systématique déjà analysée auparavant figure un chapitre sur la mesure de la rigidité vertébrale, y est discuté ici la fiabilité et la validité de celle-ci. Les auteurs soulignent que de nombreux facteurs peuvent interférer cette mesure et que ceux -ci ne sont bien souvent pas contrôlés, comme la quantité de force appliquée, l’aire de contact de la main, et la position de celle-ci, ou encore la position du sujet et la rigidité de la table.

Le tableau 4 mis en évidence par Mr Trudelle fait référence à une validité diagnostique pathologique avec mise en évidence d’une instabilité radiologique ou d’une atteinte des processus articulaires postérieurs. Les auteurs concluent ici que les valeurs clinimétriques sont faibles : « The small likelihood ratios reported in clinically representative populations suggest limited diagnostic utility of spinal stiffness for these target diagnoses »

Cette étude est en accord avec nos propos. 

 

Etude de Koppenhaver2014 : 

Nous citons cette étude dans le cadre suivant : « La rigidité vertébrale, c’est-à-dire la relation entre la force appliquée par le praticien sur la vertèbre et le déplacement de celle-ci, jugée par le praticien, n’est pas associée aux résultats radiographiques sur les mobilités en rotation (Snodgrass 2012) ainsi que sur les PA (poussées postéro-antérieure), et ce sur différentes zones vertébrales (Koppenhaver 2014). »

C’est une étude transversale ayant pour objectif d’évaluer la validité de l’évaluation de la rigidité segmentaire lombaire. C’est la première étude de validité portant sur des sujets symptomatiques, les auteurs soulignent que le souci des études de validité est  le gold standard : l’imagerie ne mesurera que la mobilité segmentaire alors que les thérapeutes, par leur examen manuel sont soumis à un facteur confondant de tailles : la résistance à leur pression, qui peut biaiser leur jugement sur la mobilité. Le gold standard choisi par les auteurs est donc novateur puisqu’il prend en compte et la mobilité et la résistance vertébrale et est donc comparable à l’évaluation manuelle faite par les thérapeutes, d’où le choix de cette étude, on parle ici de mesure de l’indentation vertébrale. 

Cette mesure est une mesure linéaire, donc réalisée par l’intermédiaire de poussée postéro- antérieure (PA). 

Les valeurs clinimétriques sont faibles, comme le rapporte le tableau que nous avons mis en évidence dans l’article. Ce tableau rapporte seulement les valeurs de validité concernant l’hypomobilité, MrTrudelle qui ne s’est contenté que de la lecture du résumé pour émettre un jugement s’interroge sur pourquoi cet article n’a pas calculé les valeurs clinimétriques de l’hypermobilité, il aurait eu sa réponse en lisant l’article dans son intégralité : « Additionally, since judgements of hypermobility were relatively infrequent (5 out of 50 participants) we limited our sensitivity, specificity, and likelihood ratio analyses to hypomobility rather than performing them on both hypomobility and hypermobility. Although this limits us from making quantitative conclusions about diagnostic utility of judgements of hypermobility, the graph of assessments of each participant (Figure 3), suggest that manual judgements of spinal stiffness are poor discriminators of criterion stiffness, regardless of the category breakdown. » 

Les valeurs rapportées sont extrêmement variées et soulignent une validité faible pour l’hypermobilité, voici la figure 3 de l’article :

Cette étude est en accord avec nos propos.

Mr Trudelle nous propose ensuite les deux études rapportant les résultats les plus éloquents incluent dans la revue systématique de Snodgrass pourquoi nous proposer celles-ci et pas les autres ? De nombreuses études citées par Mr Trudelle vont ensuite être analysées ici. 

Etude de Stolz2020 

L’étude de Stolz 2020 est une étude récente qui n’était pas encore accessible au moment de la rédaction de notre article. Elle semble pertinente pour notre sujet, analysons-là: 

A la lecture du résumé, nous pouvons noter que c’est une revue systématique qui à inclue 13 études portant sur la fiabilité et la validité des PAIVM’s , des PPIVM’s et du test d’instabilité sur le ventre (PI) dans la région lombaire, ce qui est en accord avec le sujet de notre article. Cette étude semble confirmer les propos que nous rapportons dans notre article « The evidence regarding validity and reliability of segmental motion testing is poor and clinical use of stand-alone tests cannot be recommended » 

La qualité méthodologique est bonne, les auteurs ont suivi les recommandations PRISMA, ont enregistré leur protocole sur PROSPERO, les critères d’inclusion et d’exclusion  sont bien décrits ainsi que les techniques analysées. Ils ont procédé à une évaluation de la validité interne réfléchie en adaptant le Qarel (bien décrit dans le protocole). La justification des recommandations effectuées en conclusion est clairement explicitée dans la méthode effectuée pour procéder à ces recommandations. Il est toutefois à souligner que la description claire de ce qu’entendent les auteurs par hyper mobilité ou hypo mobilité ou encore instabilité n’est pas présente ce qui est un biais à l’étude, on ne connait seulement que le Gold Standard. La recherche électronique n’a été effectuée que par une seule personne ce qui peut poser problème.

 

La méta analyse n’a pas été effectué compte tenu de l’hétérogénéité des Outcomes 

Les auteurs ont inclus dans leur analyse l’étude de Abbott2005 citée par Mr Trudelle précédemment. Elle traite de la validité des PPIVM sur des patients lombalgiques. La spécificité du test est élevée (0,99-1,0) mais la sensibilité extrêmement faible (0,03-0,07). Par manque de cohérence externe de faibles recommandations sont proposées pour détecter une instabilité lombaire mais ce test n’est pas recommandé pour exclure une instabilité lombaire. Les autres études portant sur les autres tests se ressemblent dans leurs résultats. Aucun autre test dans les études inclues ne présente une bonne sensibilité, nous voilà donc bien avancé….

Pour ce qui est de la fiabilité, l’étude est cohérente avec nos propos. Les auteurs concluent que les valeurs clinimétriques de fiabilité sont trop faibles pour recommander ces tests afin de détecter une hypo mobilité ou une hyper mobilité lombaire. Le PAIVM présente des résultats meilleurs mais contradictoires lorsque l’on se base sur la reproduction de symptômes pour évaluer la fiabilité inter évaluateur (k :0,14-0,69), ce qui est cohérent avec les autres études sur le sujet 

Cette étude est pertinente et en accord avec les propos que nous rapportons dans l’article.

L’étude de Fritz2005 est proposée ici par Mr Trudelle « Concernant l’hypermobilité/instabilité, pourquoi ne pas citer Fritz (48) et le tableau 2 ? C’est une étude positive et intéressante. » A revoir c’est encore une étude différente de fritz 

Etude de Jull1988 : 

C’est une étude diagnostique en cross-over, c’est-à-dire que les patients ont pour certains reçu le diagnostic médical ( gold standard par bloc facettaire) puis le diagnostic kinésithérapique basé sur les PAIVM avec perception de raideur, sensation de fin de course et reproduction de douleur et vice versa pour le second groupe.  

Les résultats et les valeurs clinimétriques à en tirer sont excellentes.

Toutefois, le protocole a été modifié au cours de l’étude ce qui est un biais important : « However, in the course of the study it was found that this intention had to be compromised in deference to the high « irritability » of the pain in many subjects. Many of the patients could not tolerate a full examination of every joint movement. Therefore, it was decided to assess, at the minimum, the passive, accessory intervertebral movements in all subject ». 

Les valeurs clinimétriques rapportées englobent la totalité de l’examen, à la fois subjectif et objectif, et non seulement des tests cibles. 

Concernant l’aveuglement des sujets et thérapeutes, le protocole n’est pas clair : « and were then referred, on a single-blind basis, for examination by a manipulative therapist. ». 

On ne sait pas si ce sont les patients ou le thérapeute qui est en aveugle. Ceci est un biais énorme qui peut fortement sur évaluer les résultats, l’idéal aurait été ici un double aveugle qui aurait pût être réalisé facilement. 

Et surtout, le Gold Standard ici est une injection par bloc facettaire, ce qui rend l’étude hors sujet ! En effet aucun moyen de savoir si ces valeurs retrouvées sont du fait d’une bonne validité ou non de la mobilité des vertèbres cervicales puisque seule leur réponse à un anesthésiant est évaluée ici… 

Malgré un réel argument d’autorité employé par mr Trudelle « l’étude mondialement citée de Jull » cette étude n’est pas pertinente dans l’appel de texte et de plus présente de nombreux biais. 

 Regardons enfin les 4 dernières études appelées dans cette partie du texte de la relecture de Mr Trudelle. Les trois premières ( Hall2007,Hall2008, Ogince2008) portent sur la région cervicale haute (C1-C2).

Etudes de Hall2008 et Ogince2008 :

Hall2008 et Ogince2008 s’intéressent au valeurs clinimétriques du test de Flexion Rotation afin de diagnostiquer une dysfonction C1-C2 sur des personnes souffrant de céphalées cervicogénique (population incluse mixée avec des patients asymptomatiques et des patients symptomatiques mais sans dysfonction C1-C2).  

Ces 2 études sont hors sujet et ce pour deux raisons : 

  1. Le test de flexion-rotation ne cherche pas à évaluer et quantifier la perte de mobilité d’une vertèbre spécifique dans un mouvement physiologique ou accessoire, son objectif est de voir si l’amplitude de mouvement en rotation position de tête en flexion maximale est diminuée par rapport au coté opposé ou par rapport à une norme (rotation inférieure à 34°). Aucune imagerie n’est effectuée ici pour évaluer la mobilité vertébrale qui est réellement présente ici et confirmer s’il y a réellement une perte ou non de mobilité. D’ailleurs le test s’arrête et l’amplitude de mouvement est mesurée par le thérapeute lorsque le patient rapporte une douleur. 
  2. Absolument rien n’indique que les patients souffrent ici d’un réel défaut d’hypermobilité, d’hypo mobilité ou d’une quelconque dysfonction cynésiologique. L’évaluation et l’inclusion des patients symptomatiques est basé sur les critères de l’IHS et du «  Cervicogenic Headache International Study Group » qui sont des critères issues de l’interrogatoire du patient et de l’examen clinique. Les patients symptomatiques sont ensuite sous groupés en deux catégories, les patients présentant une dysfonction C1-C2 et les autres. Ce sous groupage est effectué via… un examen manuel ! 

Les propos rapportés par les auteurs dans cette étude peuvent paraître vraiment préoccupants, à première vue, on ne peut pas dire ici que le test est valide pour diagnostiquer une céphalée cervicogénique en lien avec  une dysfonction C1-C2 puisque pour cela , selon les critères de l’IHS il faut que celle-ci soit dû à des structures provenant de la colonne vertébrale supérieure :

 « The IHS1 defined CeH as head pain, referred from a source in the neck that may arise from a variety of upper cervical spine structures ». 

Or ici aucune mesure en lien avec l’imagerie ou objectivant le fait que les symptômes et éléments cliniques proviennent de cette région n’ont été effectués pour objectiver cela. Les seules conclusions que l’on peut tirer  est que le test de flexion rotation de tête est cohérent avec d’autres tests et informations collectés lors de l’interrogatoire par d’autres thérapeutes ce qui est déjà une très bonne chose. 

Si l’on prend un angle différent, on peut aussi voire que certaines études citées par Ogince rapportent que ni l’imagerie ni les blocs facettaires n’aident au diagnostic : « Radiological examinations are not effective (Jensen et al., 1990; Edmeads, 2001), and nerve block procedures are often impractical, particularly in the upper cervical region (Bogduk et al., 1985). » 

Cet angle de vue justifie alors le design de l’étude et les conclusions rapportées par les auteurs. Mais ici aussi, il est impossible d’affirmer  un quelconque lien entre hypo mobilité, hypermobilité ou autre dysfonction cinésiologique vertébrale, ni toutes autres formes de défauts structurels ou biomécaniques

Finalement ce qui est le plus intéressant ici est que les auteurs ne retrouvent pas de différences dans les résultats entre les praticiens expérimentés et non expérimentés 

L’étude citée par Mr Trudelle n’est pas pertinente pour le sujet traité.

A ce titre l’étude de Schaffer et al publiée en 2018 aurait pu être plus pertinente, on y reviendra dans un prochain article. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29308957/

L’étude de Ogince2008 présente, à l’exception de quelques différences un protocole équivalent qui amène à des propos identiques de notre part. 

Toutefois une différence notable nous semble importante à signaler : ici le test de flexion rotation n’est pas réalisé de la même manière, en effet le thérapeute ne prend pas en compte la douleur du patient pour déterminer l’amplitude en rotation il se base sur son ressenti de fin de course et de raideur dans le mouvement. Toutefois, ici encore ce ressenti ne peut être objectivé par un Gold Standard et demeure bien que concordant avec les éléments cliniques qui ont amené à l’inclusion des patients dans le groupe céphalée cervicogénique, théorique. 

L’étude citée par Mr Trudelle n’est pas pertinente pour le sujet traité.

L’étude de Hall 2007 porte sur le traitement des céphalées cervicogénique, elle est comme les précédentes hors sujet. 

Ici des patients présentant des critères cliniques et issues de l’interrogatoire ont été recrutés en tant que population présentant une céphalée cervicogénique avec dysfonction sur C1-C2. Ils ont été randomisés dans deux groupes, un groupe placebo et un groupe actif (mobilisation Snag : self-sustained natural apophyseal glide, sur C1-C2). Ici encore aucune mesure n’a permis d’objectiver un réel défaut de mobilité vertébrale dans la zone de C1-C2. 

Les auteurs ont retrouvé une différence significative entre le groupe placebo et le groupe actif. On peut noter qu’aucun critères de jugement principal n’a été déterminé au préalable (on a ici deux critères de jugements différents mesurés sur deux périodes de mesures différentes), et que les auteurs ne rapportent pas un enregistrement au préalable sur clinical trials (ou la publication en amont de l’étude du protocole). 

On peut aussi noter la nature du placebo qui fera écho ici à notre article numéro 2 (titré : Trouver de la certitude dans l’incertitude des effets de la thérapie manuelle, Henry2020), dans cette étude le placebo reprend juste la participation active du patient, le matériel ( a cervical self-SNAG strap (Manual Concepts, Booragoon, Australia)) et la zone d’appui de celui-ci , « The strap was positioned as previously described. The subject was then asked to apply a 3-second sustained forward pressure at C1, without moving the head ». 

La différence avec le traitement actif est que le patient ne tourne pas la tête lors de l’appui et ne reçoit pas de thérapie manuelle par le thérapeute, contrairement au groupe actif : « The treating therapist assisted with positioning of the strap and applied end range overpressure in rotation. » 

La différence pourrait-elle donc ici, être due aux effets non spécifiques du toucher ? La question est posée ! 

Cette étude citée par Mr Trudelle n’est pas pertinente pour le sujet traité. 

Pour terminer la relecture du paragraphe numéro 5, Mr Trudelle finit de la manière suivante « Il faut aussi contextualiser l’examen clinique. Par exemple, lorsqu’un patient a été opéré du genou et qu’il a des limitations de mobilité. Le kinésithérapeute essaye de comprendre si les freins sont liés à des défenses musculaires, des problèmes de mobilité spécifique. Il n’y a pas d’étude spécifique pour le moment car c’est une pratique régulière d’essayer de cibler ce que l’on souhaite améliorer en essayant d’en déterminer des causes spécifiques pour chaque patient. Les tests sont alors développés comme récemment le LOE test pour le genou (53). » Nous ne comprenons pas les propos rapportés. Le fait qu’une pratique régulière ne puisse pas être étudiée au sein d’un protocole est un non-sens, c’est le principe de la recherche clinique. 

Analysons donc l’étude de Salvi2013 en lien avec la phrase citée précédemment. 

Etude de Salvi2013 :

Les auteurs évaluent les propriétés clinimétriques du test LOE (test de perte d’extension du genou) afin d’objectiver une rupture (ou une laxité pathologique) ou non du ligament croisé antérieur. Les auteurs retrouvent une validité intéressante de ce test. 

L’étude est hors sujet : 

  • Ici est mesuré l’extension de genou (cf photo), on ne peut déterminer avec certitude les facteurs limitants et la mobilité articulaire présente au sein du genou
  • On ne peut pas déterminer la structure responsable de cela, en effet les auteurs font l’hypothèse que cela pourrait être dû à la translation antérieure du tibia contre le fémur consécutive de la déchirure du LCA qui réduirait l’extensibilité de la capsule postérieur du genou. Or ceci reste une hypothèse, nous pouvons aussi imaginer d’autres facteurs confondants qui pourrait limiter l’extension du genou : l’hypertonie des ischios jambiers présente lors des AMI du quadriceps (inhibition arthrogénique musculaires) que l’on retrouve sur des patients ayant subi un traumatisme du genou, le gonflement du genou ou encore l’appréhension du sujet. 

Un test peut donc présenter de bonnes propriétés clinimétriques en termes de sensibilité et de fiabilité pour déterminer une atteinte structurelle grâce à des facteurs confondants, sans pour autant que ce test permette en lui-même d’objectiver la nature de la limitation d’amplitude.  

Cette étude citée par Mr Trudelle n’est pas pertinente pour le sujet traité. 

 

  1. Direction spécifique à appliquer sur une hypo-mobilité

Neumann2012 : Cette référence est effectivement un éditorial d’une sommité sur le sujet. Tout d’abord nous remercions Mr Trudelle pour les liens vers le dernier ouvrage de Neumann et vers les vidéos arthrocinétiques très instructives et de très bonne qualité que vous pouvez retrouver ici : https://coursewareobjects.elsevier.com/objects/elr/Neumann3e/mobileresources/chapter05/

Mr Trudelle est surpris par notre interprétation de l’éditorial. Paraphrasons notre texte : nous résumons que les règles « concave sur convexe » pourraient sur certaines articulations s’appliquer d’un point de vue observationnel, c’est-à-dire que si l’on ne fait rien et qu’on observe sous imagerie ce qu’il se passe on pourra valider ces règles (même si l’on observe quasiment aucun mouvement ! Vous pouvez lire l’éditorial pour comprendre pourquoi.). Cependant l’appliquer en pratique clinique ne serait pas d’une grande utilité. Ce sont les propos faits par Neumann : « My rebuttal to this argument is that the convex-concave rule was never intended to establish the direction of a manual glide, applied at a joint, that would best increase a targeted movement. The rule merely describes the arthrokinematic pattern that minimizes the inherent migration of the center of the convex member in the direction of the roll. »

Mr Trudelle dit que leur utilisation dépend des buts que l’on se fixe, ce qui pose un problème puisque ces règles sont utilisées afin de réaliser un gain d’amplitude. Dans les études que nous avons citées ensuite où il a été comparé le gain d’amplitude entre mobilisations suivant la règle concave sur convexe vs l’inverse, les auteurs ont juste signalé que l’objectif était un gain d’amplitude sur une articulation donnée et non un étirement ligamentaire comme cela est spéculé par Mr Trudelle. Le fait d’étirer un ligament pour gagner de l’amplitude et qui pourrait expliquer les meilleurs résultats en glissement post pour un gain d’amplitude en rotation latérale d’épaule sur l’étude de Johnson est spéculatif, c’est une hypothèse formulée par Neumann et reprise par Mr Trudelle.

Cet éditorial est en accord avec nos propos.

Ludewig et Deutsh : Ces deux études sont citées en tiroir en adéquation avec les propos recueillis par Neumann

Etude de Joseph : L’article de Joseph est bien une revue de pratique proposant un outil décisionnel concernant la perte d’amplitude au niveau du genou. 

Etude de Johnson 

Cette étude est citée dans le cadre suivant : « Le Glissement postérieur serait plus efficace que le glissement antérieur pour regagner en rotation latérale (Johnson 2007). Ou encore, au niveau du genou, le glissement postérieur du fémur serait plus efficace que le glissement antérieur pour regagner en flexion (Scarvell2018) »

Cette étude est un essai contrôlé randomisé. Mr Trudelle fait une erreur sur les objectifs de l’étude, il rapporte que « C’est pour des épaules gélées et le but est de faire des étirements capsulo-ligamentaires et non de restaurer une mécanique articulaire perturbée (comme lors d’un changement d’axe de rotation instantanée) ». Ce n’est pas cela. L’objectif ici est de comparer deux techniques de mobilisations qui sont basées sur des prémices différents : 

  • Gain de rotation latérale avec glissement antérieur, qui se base sur la règle concave sur convexe  
  • Gain de rotation latérale avec glissement postérieur, qui se base ici sur le principe d’étirement capsulo-ligamentaire. 

Deux modèles théoriques et explicatifs s’affrontent ici sur une population spécifique : les capsulites rétractiles. 

On retrouve une amélioration plus importante sur le groupe ayant reçu un glissement postérieur. Que conclure ? 

Cela ne valide aucun modèle théorique, on ne sait pas pourquoi ce gain de rotation latérale est plus important avec un glissement postérieur. Aucune mesure de l’extensibilité, de la longueur des éléments capsulo-ligamentaire n’est rapportée dans cette étude, aucune observation arthrocinétique n’est effectuée pour voir ce qu’il se passe lors des mobilisations. En revanche l’information à tirer ici, est qu’utiliser les règles arthrocinétiques dans une logique de gain d’amplitude n’est pas toujours pertinent. 

La question même d’une direction spécifique pour un gain d’amplitude donnée se pose clairement dans le sens ou le glissement postérieur aide aussi à regagner en rotation médiale 

« This result is consistent with the findings of Roubal et al54 and Placzek et al,47 who with a posterior gliding manipulation found marked increases in external rotation as well as internal rotation »

Cette étude est en accord avec nos propos.

Toutefois il semble difficile à partir de ces données de généraliser cela à toutes les populations sur toutes les articulations. 

Etude de Scarvel2019 : Sur cette étude il est reproché par Mr Trudelle que les conclusions portant sur la règle concave- convexe ne peuvent être tirées car il n’y a pas de point fixe. 

Tout d’abord nous sommes étonnés par cette affirmation, aucune référence ni citation n’accompagne ses propos. De plus sur bien des mobilisations cette règle est appliquée sans contre prise. Les observations de cette règle arthrocinétique est aussi réalisée sur des mouvements sans contre prise et donc sans point fixe, vous pouvez observer cela sur le lien fourni par Mr Trudelle : (https://coursewareobjects.elsevier.com/objects/elr/Neumann3e/mobileresources/chapter05/). 

En ce sens nous ne comprenons pas pourquoi cette étude ne serait pas valide pour justifier nos propos. Nous nous sommes donc penchés sur comment Kaltenborn utilise cette règle pour un gain de flexion du genou. Et en effet on retrouve un point fixe du fémur.

Figure issue de Manual Mobilization of the Joints The Kaltenborn Method of Joint Examination and Treatment. 2002.

Pour autant est- ce vraiment pertinent ? Y’a-t-il eu des essais réalisés comparant le gain d’amplitude en flexion à la suite d’une mobilisation sur une position fonctionnelle en squat vs une mobilisation type Kaltenborn avec un point fixe sur table ? Pas à notre connaissance…

De plus affirmer qu’il n’y a pas de point fixe semble présomptueux, on pourrait tout à fait envisager que le tibia du fait de la flexion dorsale de cheville réalisée durant le squat soit fixe sur une bonne partie de la fin de mouvement réalisé lorsque la flexion dorsale est au maximum. Ceci reste une hypothèse que nous prenons le soin de ne pas transformer en affirmation, en effet les modélisations rapportées dans l’étude ne portent que sur le fémur par rapport au tibia. Il n’y a pas de modélisation du fémur ou du tibia par un point fixe alternatif. 

 

Enfin si vous êtes intéressés par le sujet nous vous conseillons la vidéo de Fabrice Barillec réalisée pour les Euro Physio sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=mi64hzlxicA&fbclid=IwAR29XFskR9vnWwFZP8R6LIJlGI0ya5h2CNF3_uNx1ExraS4Y5bk-eTIdE5A. Cette excellente vidéo a été mise en ligne postérieurement à la publication des 3 articles de notre série sur Kinéfact. Il est très intéressant de constater que les études citées sont sensiblement identiques aux nôtres ce qui montre que les données scientifiques sur cette thématique pourtant incontournable en pratique et en formation initiale manquent cruellement de données probantes. 

L’étude de Scarvel est donc en accord avec nos propos. 

Etude de Villafane2011 : 

Mr Trudelle cite cette étude pour justifier l’utilité et le procédé des mobilisations Kaltenborn ( avec les règles concaves sur convexe)

Cette étude est très intéressante à analyser. C’est un ECR, il porte sur des patientes ayant une rhizarthrose symptomatique (âge entre 70 et 90 ans avec des critères d’inclusions et d’exclusions spécifiques et cohérents, groupe comparable à la baseline) 

L’étude est présentée comme un ECR en double aveugle, pourtant les seules en aveugle sont les thérapeutes qui effectuent le traitement vis-à-vis des données du bilan (et non du traitement effectué) et les thérapeutes qui analysent les données de traitement récolté. Les thérapeutes ne sont donc pas en aveugle sur le traitement qu’ils effectuent et on ne sait pas si les patients le sont, d’ailleurs on ne sait pas si l’aveuglement est contrôlé et maintenu. 

L’intervention consiste en des mobilisations types Kaltenborn sur 6 sessions durant 3 semaines. Nous n’observons pas de « wedges » comme cela est rapporté par Mr Trudelle dans cette étude. Toutefois cette étude reste intéressante pour notre sujet puisque les mobilisations Kaltenborn de l’intervention ont pour principe fondamental la règle concave sur convexe. 

Au niveau des résultats, il y avait 5 critères de jugement récoltés sur 3 périodes de temps différents, aucun des critères n’a été défini comme critère de jugement principal. Ces critères portaient sur la douleur et sur la force

Le seul critère statistiquement significatif entre les deux groupes était la diminution de la douleur 5 min après l’intervention sur le PPT (pressure pain threshold) au niveau de l’articulation trapezo- métacarpienne ( ce n’était pas significatif au niveau du PPT du scaphoïde). 

Les groupes de traitement ont reçu le même nombre d’interventions. 

Les résultats ne sont donc clairement pas éloquents, on ne peut pas noter non plus de différence cliniquement significative. Le plus problématique ici, est la nature du placebo, ce n’est pas un placebo de thérapie manuelle ici, les patients ont reçu une séance de 10min d’ultrasons. Ce type de placebo entraîne une sur estimation de la taille de l’effet et facilite des différences statistiquement significatives (Henry2020 :article 2 de la série Kinéfact). Malgré cela ce n’est pas le cas ici, on peut donc légitimement se questionner sur l’intérêt de ce type de mobilisation. La conclusion des auteurs de cet article nous semble extrêmement orientée et biaisés

« This study showed that Kaltenborn manual therapy decreased pain in the CMC joint and scaphoid bone areas of elderly female patients; however, it did not confer an increase in motor function in patients with CMC »

L’étude citée par Mr Trudelle est pertinente, mais ne présente pas de “wedges” et ne convient donc pas à son appel dans les références. De plus, elle semble en accord avec nos propos dans le sens où elle ne montre presque aucune supériorité de ce type de mobilisation comparé à un placebo d’ultrasons. 

 

 6. Force spécifique

Harms1997 : C’est l’une des deux études qui a été omise d’être appelée dans les références comme l’a souligné Mr Trudelle, nous nous en excusons. 

L’étude est bien en accord avec nos propos. Il existe une grosse variabilité sur le même grade (et ce quelque soit le grade) tant sur la force appliquée que sur la fréquence de pression appliquée. 

Chiradjenant2002 :

Mr Trudelle nous demande pourquoi cette étude précédemment commentée n’est pas reprise dans cette partie de l’article. Cette étude n’est pas du tout commentée dans notre article. Il doit y avoir confusion. Toutefois analysons-la. 

Cette étude porte sur des patients lombalgiques et l’évaluation de la force exercée par des praticiens sur des PA lombaires, elle est pertinente, elle est aussi cohérente avec les données fournies par les autres études que nous avons citées. Voici un graphique qui illustre bien cela : 

Alors pourquoi ne pas l’avoir incluse dans notre article ? Tout simplement car notre article n’est pas une revue systématique et que nous ne sommes pas tenus d’inclure toutes les études pertinentes sur le sujet. Il se peut aussi que nous soyons passés à coté dans la recherche des études sur le sujet par le caractère non systématique de la recherche. 

Cette étude citée par Mr Trudelle est pertinente, elle renforce nos propos et est en accord avec ceux-ci, en soi elle n’a aucune conséquence sur les propos que nous avons tenu à ce sujet. 

Etude de Herzog2010 : 

C’est une étude réalisée par un chiropracteur. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous pensons de la discrimination de lecture d’article opérée  par Mr Trudelle sur les articles issus de cette profession. Cet article est une revue narrative qui tout comme la nôtre s’intéresse à plusieurs aspects biomécaniques de la manipulation dont notamment la force exercée. A ce titre la figure qui suit le texte est bien tirée de cet article, toutefois les auteurs l’ont reprise de l’article de Forand (Forand2005). 

Cet article est bien en accord avec nos propos. 

Mr Trudelle affirme que « l’auteur cite Herzog (63) qui est une étude de chiropraticien. Nous ne commenterons pas le travail d’une autre profession. D’autant que la force appliquée pour une manipulation est un grade 5. Ce n’est pas une évaluation de grade car tout le monde est en grade 5 à ce niveau » Cette phrase résulte probablement d’une incompréhension. Il n’est pas ici dit que c’est le grade qui doit être déterminé. Il est ici évalué la variabilité de force au sein d’un grade sensé être standardisé. Et cette étude montre bien que selon le praticien la force exercée dans un thrust peut aller du simple au double, ce qui est une grosse variabilité et pourrait conduire à des effets ou encore à une exposition au risque différents.

Etude de Gorgos2014 : 

L’étude de Gorgos est une revue systématique portant sur l’analyse inter-évaluateur et intra-évaluateur de la fiabilité de la force exercée par le thérapeute lors de la mobilisation d’une articulation avec un grade de force précis. 

Les auteurs ont pour résultat :

  • Une recommandation à fort niveau de preuve d’une fiabilité inter-évaluateurs très faible à modérée. 
  • Une recommandation à fort niveau de preuve d’une fiabilité intra-évaluateur forte à très forte, ce qui est en accord avec les propos rapportés dans notre article. 

Lorsque l’on regarde la qualité méthodologique de cette revue, celle-ci parait à première vue bonne : les lignes directrices PRISMA semblent appliquées. Les critères d’inclusions (notamment le fait que les études doivent être centrées sur l’humain et non sur des modèles in vitro qui rapportent généralement de meilleures valeurs clinimétriques sur ce type de test) sont pertinents.

Toutefois on notera l’absence de description des différentes techniques utilisées. Ce qui rend difficilement interprétable les différentes informations.  On notera aussi que l’analyse de sensibilité (c’est-à-dire la réinterprétation des données en ne prenant en compte que certains critères, ici les études incluses avec une meilleure validité interne) font considérablement baisser le niveau des recommandations, que cela soit en inter ou en intra évaluateur. A l’exception d’une étude incluses, les différentes études portent sur des sujets asymptomatiques. 

Il est a noter que nous ne comprenons pas pourquoi certaines études n’ont pas été intégrées dans la revue systématique comme celle de Matyas et al (Matyas, T. A. and Bach, T. M. The reliability of selected techniques in clinical arthrometrics. Australian Journal of Physiotherapy, 1985, 31, 175-1999) alors que les critères d’inclusions et d’exclusions semblent en accord avec cette étude. 

Il est aussi dommage d’avoir limité les études présentant un ICC interprétable, ce qui empêche l’inclusion d’étude pertinente pour le sujet comme celle de Chiradjenant2002 et de Harms1997

Finalement les auteurs concluent de la manière suivante « Although adequate intra-clinician reliability was established, the validity of the forces used during the joint mobilizations cannot be determined. Overall, both intra-clinician and inter-clinician force applications need to be re-evaluated as new instructional methods and research evidence become available. »

Nous sommes bien d’accord avec cette affirmation, le fait que la fiabilité intra-évaluateur soit bonne semble être un maigre lot de consolation. 

Cette étude citée par Mr Trudelle est pertinente et en accord avec nos propos.

Nous proposons donc de compléter notre texte de la manière suivante :

« Une revue systématique de Gorgos et al a compilé les données clinimétriques sur le sujet. Elles concluent qu’en inter -examinateur la fiabilité est faible à modérée alors qu’en intra -examinateur celle-ci est bien meilleure, allant selon les études de fortes à très forte. Toutefois, compte tenu de la faible validité du recueil spécifique de la force exercée et de la faible fiabilité inter-examinateur, nous pouvons légitimement nous interroger sur l’intérêt et la possibilité de mobiliser à une force donnée spécifique ou standardisée. En pratique clinique, adapter sa force au ressentie du patient peut peut-être être un atout, mais de là à standardiser et quantifier celle-ci, il y ‘a une grande différence”. 

Etude de Snodgrass2006 : 

Cette étude n’a pas été rediscutée c’est une revue narrative essentielle pour la compréhension des différents facteurs explicatifs pour l’hétérogénéité des études sur le sujet (outils de mesure de force, variable de mesure, etc ) mais aussi sur la fiabilité inter-évaluateur faible ( expérience, surface appliquée, population cible, etc).

C’est la deuxième étude qui n’a pas été appelée dans les références nous nous en excusons.

Cette étude est en accord avec nos propos.

  1. Point d’application spécifique

De nombreuses études vu dans le chapitre 1 : Association mobilité symptômes ont montré qu’il n’y avait pas vraiment d’intérêt à mobiliser ou manipuler une zone donnée, précise. 

Le chapitre ici cherche à comprendre ce qu’il se passe localement d’un point de vue arthrocinétique, lorsque nous mobilisons ou manipulons. 

Etude de Ross2004 : 

C’est une étude expérimentale descriptive faite par des chiropraticiens. 28 chiropraticiens ont effectué des manipulations sur 64 sujets asymptomatiques pour un total de 17 manipulations thoraciques et 54 manipulations lombaires. C’est le bruit de la cavitation qui a été recueilli ici et qui a permis de déterminer la localisation de celle-ci lors de la manipulation. A ce sujet les recueils de mesures sont bien décrits dans l’étude, ainsi que la procédure manipulative et le raisonnement clinique qui a conduit les praticiens à effectuer telle ou telle manipulation.

Seulement 36,5% des manipulations lombaires ont abouti à une cavitation sur un seul étage. Pour les autres cela variait de 2 à 6 cavitations sur des étages différents pour une seule manipulation. 

L’erreur de ciblage par rapport à la manipulation recherchée était en moyenne de 5,29cm allant de 0 à 14cm pour les valeurs les plus extrêmes. 

Cette étude est en accord avec nos propos, elle montre bien que lorsque l’on cherche à être spécifique sur une manipulation, nos effets arthrocinétiques risques d’être plus étendus que prévu et pas forcément au bon endroit. 

Relevons toutefois qu’il semble y avoir quand même une association entre l’étage ciblé et le bruit de la cavitation, en effet plus la vertèbre cible est loin de L1 plus la cavitation sera loi n de L1 et ce dans le cadre d’une cavitation unique ou de multiples cavitations. 

Cette figure illustre bien cela (à gauche cavitation simple en lombaire, à droite multiples cavitations et cavitation simple en thoracique) : 

Etude de Kulig2004 :

C’est une étude expérimentale descriptive réalisée par des physiothérapeutes sur des sujets asymptomatiques. 20 sujets ont été mobilisés par un seul thérapeute expérimenté avec contrôle de la mobilité par IRM. Cette mobilisation était standardisée, un seul essai était effectué sur chaque étage lombaire.  Il est a noté qu’un grade IV Maitland était réalisé, mais compte tenu de la description du protocole, cela semble plus correspondre à un grade III

« The force was applied slowly (approximately 1-2 seconds) and held at end range for at least 5 seconds. Release of the force also occurred slowly (1-2 seconds) before moving to the next vertebral level »

Comme rapporté dans notre article cette étude montre que la force exercée sur une vertèbre entraine le mouvement de plusieurs vertèbres et est projetée sur une grande surface. 

Mr Trudelle avance que « le mouvement est plus important sur l’étage ciblé. Ce n’est pas une surprise pour ce type de mobilisation et c’est ce qui est recherché avec une emphase de l’étage… »

Nous sommes bien d’accord là-dessus, et l’image tiré de Kulig et al que nous avons mise en évidence dans notre article le montre bien. Toutefois on peut aussi souligner que cette mobilité des vertèbres alentours ne suit pas « une loi normale » et diffère selon l’étage mobilisé Il est donc difficile de déterminer comment va bouger l’étage cible et comment vont bouger les étages sus et sous-jacents (voir la figure ci-dessous).

Cette étude est en accord avec nos propos. 

Nous proposons de compléter notre article de la manière suivante : 

« La force appliquée se projette en réalité sur une grande surface, jusqu’à 14 cm du site (Ross 2004) 

Bien que la force appliquée sur la vertèbre cible lors de PA lombaires soit plus importante que sur les autres vertèbres, la mobilité des vertèbres alentours ne suit pas « une loi normale » et diffère selon l’étage mobilisé. Il est donc difficile de déterminer comment va bouger l’étage cible et comment vont bouger les étages sus et sous-jacents. » (Kulig2004)

Etude de Powers2002 :

Mr Trudelle nous propose cette étude descriptive du même groupe de recherche que celle de Kulig et al pour compléter la discussion. 

C’est une étude antérieure à la précédente avec quasiment le même schéma d’étude. Finalement l’étude est cohérente avec celle de Kulig2004 et n’apporte pas de nouveaux éléments à l’article. 

Cette étude citée par Mr Trudelle est pertinente et en accord avec nos propos

Exception qui confirme la règle, nous nous sommes tenus à discuter et analyser que les sujets de fonds de la relecture de Mr Trudelle, mais nous aimerions que vous puissiez apprécier la rhétorique et le raisonnement de Mr Trudelle « L’auteur nous fait cadeau d’une dernière information sur l’impact du bruit déclenché par la manipulation sur la mobilité en citant quelques références que je ne commenterais pas étant moi-même auteur d’un tuons les mythes sur ce sujet en 2004 (69), il y a plus de 16 ans…Quel scoop ! » 

Mr Trudelle sous prétexte qu’il à rédigé un article sur ce sujet en 2004 considère donc qu’il n’y a finalement plus aucune discussion à avoir sur ce sujet et ne prend donc pas la peine de commenter ( et de lire ?) les articles que nous avons cités. 

Nous n’avons pas réussi à nous procurer l’article de Mr Trudelle, toutefois des slides résumés de celui-ci sont proposés par l’auteur ici : https://fr.slideshare.net/Pierretru/bruit-trudelle

D’après lecture des slides seul le phénomène de cavitation est employé, il n’y aucune mention du phénomène de tribonucléation

La recherche évolue depuis 2004, et des données récentes peuvent apporter de nouvelles informations et infirmer les précédentes. 

Pour terminer sa relecture Mr Trudelle cite en le nommant explicitement un article de chiropraticien, un comble alors qu’il n’a pas voulu lire et analyser les données provenant d’auteurs issus de cette profession. 


Etude Delphi – Question finale

Nous ne pensons pas qu’une seule personne ait réussi à acquérir l’ensemble des compétences issus du curriculum de l’IASP. Cependant ce curriculum représente pour nous un profil vers lequel les experts de notre étude delphi doivent tendre. Pensez-vous tendre vers ce profil ? Pensez-vous avoir acquis la plupart de ces compétences ?

    Pensez à cocher la case si vous souhaitez participer à l’étude.

    Ces informations ne seront utilisées uniquement pour que nous puissions les recontacter dans le cadre de notre étude.