Archives : avril 6, 2020

Communiquer avec les personnes cherchant de l’aide pour leurs lombalgies – Pr O’Sullivan (Question 6)

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Instructions : Ecoutez l’extrait suivant, puis déterminez si l’affirmation ci-après est « utile » ou « délétère » :

 

 

 

Cliquez sur ce texte pour lire le discours alternatif

 

Le premier extrait contenait un conseil délétère. Le suivant va vous montrer quels conseils utiles nous pouvons donner :

 


Communiquer avec les personnes cherchant de l’aide pour leurs lombalgies – Pr O’Sullivan (Question 8)

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Instructions : Ecoutez l’extrait suivant, puis déterminez si l’affirmation ci-après est « utile » ou « délétère » :

 

 

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Le premier extrait contenait un conseil utile. Le suivant va vous montrer quels conseils peuvent être délétères dans cette situation :

 

 

Nota Bene : Ce questionnaire a été developpé par Peter O’Sullivan, Leo Neg et Peter Edwards pour l’université de Curtin. Pour des raisons pédagogiques, les discours tenus sont assez caricaturaux, le thérapeute se plaçant globalement en position haute vis-à-vis du patient. Il nous apparaît évident que si le fond des discours est cohérent, la forme ne représente pas la pratique clinique idéale vers laquelle nous souhaitons tendre.
Peter O’Sullivan et son équipe ont d’ailleurs développé une formation en « Thérapie Cognitive Fonctionnelle » (CFT) qui, en plus de revoir les points théoriques fondamentaux présentés dans ces vidéos, illustre aussi une façon plus centrée sur le patient d’apporter ces informations.

Vous êtes arrivé à la fin du quiz, félicitations.


Communiquer avec les personnes cherchant de l’aide pour leurs lombalgies – Pr O’Sullivan (Question 2)

 

 

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Communiquer avec les personnes cherchant de l’aide pour leurs lombalgies – Pr O’Sullivan (Question 5)

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Communiquer avec les personnes cherchant de l’aide pour leurs lombalgies – Pr O’Sullivan (Question 7)

 

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Communiquer avec les personnes cherchant de l’aide pour leurs lombalgies – Pr O’Sullivan (Question 3)

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Communiquer avec les personnes cherchant de l’aide pour leurs lombalgies – Pr. O’Sullivan (Question 1)

Traduction par Benjamin Heng et Marguerite Dontenwille

 

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Bienvenue !

Le quizz suivant est un outil créé pour aider à apprendre quels messages peuvent être utiles ou délétères lorsque l’on communique avec des personnes cherchant des soins pour des douleurs lombaires. Il souligne également l’importance de la façon dont on communique.

Vous vous trouverez face à des enregistrements et des énoncés contenant des conseils, que vous déterminerez alors comme « utiles » ou « délétères » par votre réponse. Une justification avec la bonne réponse apparaîtra ensuite.

Après votre réponse, un second enregistrement sera alors présenté. Vous remarquerez que celui-ci pourra contenir des exemples utiles ou non de chaque conseil, en opposition au premier audio. Après avoir écouté le second enregistrement, vous pourrez passer à la question suivante.

 

COMMENCER LE QUIZZ


Instructions : Ecoutez l’extrait suivant, puis déterminez si l’affirmation ci-après est « utile » ou « délétère » :

 

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Le premier extrait contenait un conseil délétère. Le suivant va vous montrer quels conseils utiles nous pouvons donner :

 


Communiquer avec les personnes cherchant de l’aide pour leurs lombalgies – Pr O’Sullivan (Question 4)

 

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Stratégies thérapeutiques pour les douleurs en lien avec les sacro-iliaques (Partie 3/3)

Aide à la relecture : Chloé Jarroir, Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke

Abréviations :

  • ASI : Articulations Sacro-Iliaques
  • DSI : Douleurs en lien avec les articulations Sacro-Iliaques
  • DPPG : Douleurs Pelviennes Postérieures en lien avec la Grossesse (supposément attribuées aux ASI)
  • ECR : Essai Contrôlé Randomisé
  • ODI : Oswestry Disability Index

Maintenant que nous avons passé en revue les données relatives à l’efficacité de la kinésithérapie, des infiltrations et de la chirurgie, il est temps de conclure et de se demander comment intégrer ces données dans notre pratique clinique ?

CONCLUSION : « tout ce qu’on sait c’est qu’on ne sait rien »

Les stratégies thérapeutiques disponibles pour le traitement des DSI sont variées (Figure 11). Cependant, les preuves existant pour chacune de ces interventions sont généralement de qualité médiocre. Quelques preuves de qualité satisfaisante sont disponibles mais résultent de rares études qui manquent de cohérence externe ; autrement dit : les résultats restent à être confirmés.

N.B. : Pour rappel, quand les preuves sont de faible qualité, cela signifie que l’on ne peut pas faire confiance aux résultats : ces résultats auraient très bien pu être les mêmes, ou bien être complètement différents si la rigueur méthodologique avait été meilleure. Autrement dit, n’ayant pas la certitude que l’effet de l’intervention obtenu par une méthodologie peu contraignante n’est pas juste un artefact lié à ce manque de rigueur, on ne peut décemment pas proposer au patient ces interventions, et a fortiori si elles sont invasives ou avec des effets secondaires indésirables.

Et finalement, il est difficile au regard des preuves existantes de hiérarchiser les différentes interventions disponibles en fonction de leur efficacité.

Nous pouvons néanmoins retenir que la kinésithérapie a un rôle à jouer pour améliorer certes modestement l’incapacité et la qualité de vie des patients souffrant de DSI persistant depuis plusieurs années et ce, sans améliorer pour autant significativement la douleur. A cet égard, une approche majoritairement active à base d’exercices est requise. La thérapie manuelle peut être proposée comme adjuvant. Cependant, il n’est pas possible de déterminer à partir des données probantes disponibles quels exercices et quelles techniques de thérapie manuelle sont particulièrement pertinentes ici. On ignore également à quelle posologie la kinésithérapie doit être réalisée (fréquence, intensité, durée de la réhabilitation).

Dans la perspective d’une approche conservatrice multimodale, les infiltrations peuvent être envisagées (à condition d’être réalisées sous contrôle scopique), car elles bénéficient de quelques preuves d’une efficacité significative à court terme, contrairement à la dénervation radiofréquence.

Enfin, la chirurgie semble être une option pertinente pour presque tous les critères de jugement (douleur, incapacité, qualité de vie …) et pourra être discutée avec le patient et ses autres référents médicaux en cas d’absence de bénéfice significatif avec la kinésithérapie dans un délai d’au moins  6 mois qui devra être déterminé au préalable et de façon collégiale.

Néanmoins, chacune de ces modalités doit encore faire ses preuves.

Figure 11 :
Synthèse des principales stratégies thérapeutiques pour la prise en charge des DSI

Bon, nous voilà bien avancés.

Alors que faire en pratique courante de kinésithérapie ?

Ce n’est pas à moi de vous dire quoi faire dans votre pratique. Mais on peut, à défaut de mieux, se tourner vers les avis d’experts. Mais peut-on faire confiance à leur opinion ?

Face au manque de consensus scientifique (que nous avons pu largement constater !) et à la diversité des opinions de la part des différents groupes de recherche, une étude ayant réuni un collège d’experts (chercheurs sur le sujet, et cliniciens), issus de différentes disciplines en lien avec le champ musculosquelettique (5 kinés, 7 médecins, 1 ostéo, 1 anatomiste), reconnus sur la question des DSI (dont Laslett, Gütke, Mens, Lee, Vleeming, autant de noms qui devraient vous être familiers si vous m’avez lu depuis le début de ces séries d’articles sur les DSI) a cherché à développer un modèle collaboratif de compréhension des DSI (Figure 12).

Figure 12 :
Méta-modèle collaboratif de compréhension des DSI

Chaque expert devait proposer les différents facteurs qui contribuent selon lui aux DSI (répartis par catégories d’après la CIF : hygiène de vie, biomécaniques, comorbidités, psychologiques, etc.) et pondérer ces composantes en fonction de l’importance de leur contribution dans le tableau des DSI. Cela résulte en une modélisation de leur représentation du problème structurée en réseau (« carte mentale ») permettant de rendre compte de l’interdépendance des différents facteurs (Figure 13). Les cartes mentales de chaque expert ont ensuite été combinées dans une méta-modélisation, permettant ainsi d’identifier les concepts fondamentaux qui sous-tendent l’opinion des experts ainsi que leur importance relative, résultant en une synthèse de l’opinion collective des contributeurs. Chacune des modélisations individuelles avaient le même « poids » dans le méta-modèle, les auteurs n’ayant pas le moyen d’en pondérer la crédibilité.

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Figure 13 :
2 exemples de cartes mentales, illustrant la différence de complexité possible de la représentation du même problème par 2 experts sur ce problème

Au final, les auteurs mettent en évidence que ce méta-modèle a un biais clair vers une compréhension biomécanique des DSI avec 3 facteurs émergents comme contributeurs principaux, à savoir : « caractéristiques anatomiques ou structurelles » (e.g. : scoliose), « déficiences motrices » (contrôle neuro-moteur) et « mauvaise posture / mauvais alignement » (e.g. : différence de longueur des membres inférieurs). Autrement dit : dans la compréhension collective des DSI, les facteurs biomécaniques seraient prédominants.

Néanmoins, la catégorie « psychologie » était la 4e catégorie parmi celles considérées comme les plus importantes dans la contribution aux DSI, dont le facteur côté comme le plus contributif était les cognitions (attentes, croyances, perceptions autour de la douleur). En outre, des facteurs appartenant à la catégorie « style de vie » faisaient partie du « top 10 » des facteurs les plus contributifs, avec des paramètres tels qu’une bonne activité physique et un mauvais sommeil.

De façon assez surprenante, le facteur « grossesse » ne ressortait pas de ce modèle comme un des facteurs les plus contributifs, ce qui est assez inattendu au regard de la prévalence élevée de DSI en lien avec la grossesse (DPPG) et de l’attention particulière de certains des experts dans cette population précise. La raison à cela n’est pas clairement identifiée par les auteurs, mais ils suggèrent que les experts ont accordé plus d’importance à des facteurs associés à la grossesse (hypermobilité articulaire par exemple) qu’à la grossesse elle-même.

Ce modèle permettant également de réaliser des prédictions sur le(s) traitement(s) le(s) plus approprié(s) qui en découle(nt), celles-ci ont été comparées aux résultats des essais thérapeutiques existant (dont vous connaissez déjà les résultats après avoir lu cet article déjà beaucoup trop long) afin de tester la validité dudit modèle.

Les résultats de ce méta-modèle, qui synthétise l’opinion collective des différents contributeurs, suggèrent que les interventions prédites comme les plus efficaces (Figure 14) pour la réduction de la douleur sont les injections, les exercices et la chirurgie. Les exercices, les thérapies cognitives et comportementales (TCC) et l’éducation étaient anticipées comme les plus efficaces pour réduire l’incapacité. Enfin, les exercices, les TCC et la chirurgie étaient attendues comme les plus efficaces pour améliorer la qualité de vie. Or, comme nous avons pu le voir tout au long de cet article, et les auteurs le confirment, les prédictions du modèle ne collent pas avec les meilleures données disponibles pour ces thérapeutiques !

Figure 14 :
Résultats des simulations des meilleurs thérapeutiques pour chaque critère de jugement
(douleur, incapacité et qualité de vie)

Le modèle met donc en évidence un écart entre l’efficacité prédite des différentes interventions et les résultats des données disponibles.

On peut se demander alors dans quelle mesure cette discordance invalide le méta-modèle :

  • ou bien la concordance entre les prédictions des meilleurs traitements et les meilleures preuves disponibles pour ces traitements est médiocre parce que le modèle est invalide et l’opinion collective des experts est erronée, auquel cas ces résultats doivent motiver un changement radical de paradigme en admettant que l’importance des facteurs biomécaniques a été largement surestimée ;
  • ou bien parce que la qualité des « meilleures » preuves disponibles reste globalement faible (ce qui veut juste dire qu’on ne peut pas faire aveuglément confiance aux résultats des études, pas que les résultats sont nécessairement faux).

Ces deux hypothèses ne sont bien sûr pas mutuellement exclusives.

Quoiqu’il en soit : d’importants efforts de recherche doivent encore être fournis tant sur le cadre conceptuel des DSI, que sur la qualité des recherches effectuées.

Alors peut-on faire confiance aux experts ?

Manifestement pas collectivement ! (sinon le méta-modèle permettrait des prédictions justes)

Peut-on leur faire confiance individuellement alors ?

Etant donné l’hétérogénéité des opinions, ils ne peuvent pas tous avoir raison en même temps (sinon le méta-modèle permettrait des prédictions justes) ! Donc, soit ils ont TOUS « tort », soit seuls quelques experts (ou bien un seul) ont « raison » dans le lot. Dans tous les cas, il ne nous est pas possible de déterminer qui a tort et qui a raison, et donc qui croire !

Comme quoi, ce n’est pas parce qu’on est expert qu’on a raison !

Cette situation peut nous pousser à vouloir choisir arbitrairement l’expert à qui on accorderait notre confiance. Or, dans une telle situation, le risque est que nous nous trompions d’expert. Le risque est même que nous nous trompions dans le fait de vouloir accorder notre confiance à un « expert » (oui je mets des guillemets maintenant du coup). Peut-être au final est-il plus sage en l’état actuel des connaissances scientifiques sur ce sujet de ne pas chercher à indexer notre propre expertise (clinique) à celle d’un « expert ». Peut-être la position la plus raisonnable d’adopter pour l’instant est la suivante :

  • faire du mieux qu’on peut (en pratique clinique) avec le mieux dont on dispose (en termes de connaissances scientifiques) ;
  • suspendre son jugement : admettre qu’on ne peut pas encore conclure définitivement, rester ouvert et s’informer régulièrement des nouvelles données issues de la recherche, mais sans pour autant chercher à les implémenter trop vite dans notre pratique et attendre patiemment qu’elles soient suffisamment solides.

Mais faisons attention à ne pas tomber dans le sophisme de l’appel à l’ignorance combiné à un sophisme de la solution parfaite ! Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas conclure sur quelles sont les meilleures stratégies dans l’absolu et ce n’est pas parce que les preuves disponibles ne sont pas de qualité élevée que cela justifie de faire comme on le « sent ».

Veillons aussi à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Quelques preuves sont disponibles, et même si leur validité est discutable, nous devrions baser nos décisions cliniques sur la base de preuves en tenant compte de l’incertitude qui les entoure. Il nous revient ensuite, avec notre expertise clinique, de déterminer comment adapter ces preuves en fonction de chaque patient. Cette approche est celle de l’Evidence-Based Pratice (EBP) (Figure 12).

Figure 12 :
L’EBP, une modélisation graphique des dimensions en jeu dans une décision clinique centrée sur le patient. La variation de géométrie illustre la variation relative de l’importance de ces « ingrédients décisionnels » en fonction de chaque situation, et constitue une proposition de représentation de l’EBP mettant l’accent sur son caractère dynamique et adaptatif.

« Faire du mieux que je peux avec le mieux que j’ai » :

BON ALORS, à défaut, je peux toujours vous soumettre modestement la façon dont, en l’état actuel de mes connaissances sur la question après 3 séries d’articles et un panorama pas encore tout à fait exhaustif de la littérature sur le sujet, je serais susceptible de procéder avec des patients dont l’hypothèse d’une DSI chronique non-rhumatismale ou d’une DPPG non-résolue à plus de 18 mois semble être la plus pertinente à l’issue d’un processus de différenciation clinique rigoureux et exhaustif.

ATTENTION :

Si j’ai montré que l’opinion des experts était inconsistante et ne pouvait être crue, ce n’est pas pour que vous croyiez plus naïvement à la mienne, bien au contraire.
Mon opinion n’a pas vocation à avoir valeur de vérité et est susceptible d’évoluer.
Veillez à rester critique et à ne pas prendre mon avis pour argent comptant.

D’abord, EVALUER (encore) : évaluer la sévérité à l’aide d’échelle(s) validée(s) (telles que l’Oswestry, l’EIFEL, le QBPDS, le DALLAS) et de test(s) fonctionnel(s) (qui pourront servir de marqueurs du suivi de l’évolution au fil de la prise en charge), afin de faciliter la communication avec les autres soignants, et d’aider à prioriser le choix des stratégies thérapeutiques en concertation avec eux et le patient. Je chercherais également à identifier si possible les activités qui augmentent les symptômes afin de conseiller éventuellement le patient sur une adaptation ou à défaut, un évitement temporaire de ces activités si cela me semble pertinent pour réduire la sévérité des symptômes, avant d’en proposer une ré-exposition graduelle et progressive (« calm shit down, built back up »). Ce processus peut être l’opportunité de montrer au patient que certaines activités ne sont pas nécessairement « mauvaises » pour lui mais seulement qu’un dosage spécifique est requis, luttant ainsi contre le cercle vicieux de peur-évitement. Dans cette perspective, je ne pense pas qu’il n’y ait pas de « bons » ou de « mauvais » exercices pour les DSI : ce qui compte c’est la capacité de l’exercice à générer des forces dans les ASI, et la capacité du thérapeute à choisir et à adapter les multiples exercices à sa disposition judicieusement au fil de la prise en charge.

La thérapie manuelle, manipulative ou non, a toute sa place dans une prise en charge multidimensionnelle afin d’aider à moduler les symptômes (aucune donnée expérimentale ne soutient la capacité à affecter la position ou la mobilité des ASI par un traitement manuel) et ainsi aider le patient à bouger, mais aussi à lutter contre la kinésiophobie et le catastrophisme (« vous pouvez aller mieux et le mouvement peut vous y aider ») (Figure 13). Elle peut être également envisagée comme le premier jalon de la ré-exposition graduelle à un mouvement ou une activité.

Enfin, du reconditionnement musculaire et aérobie global sera proposé dans une perspective salutogène, en fonction de la réponse symptomatique du patient monitorée au cours et entre les séances.

Figure 13 :
Cercle vicieux de peur-évitement (Vlaeyen 2006), issu de [17]

Le port d’une ceinture pelvienne sera testé par principe afin de déterminer si elle permet de créer ou d’élargir une fenêtre thérapeutique pour la kinésithérapie. Cela reste spéculatif, mais il est possible qu’un sous-groupe spécifique de patients souffrant de DSI réponde plus favorablement aux contraintes en compression. Auquel cas, on peut envisager que lorsqu’un patient répond positivement au test de la ceinture (amélioration de la douleur et/ou des marqueurs fonctionnels avec le port de la ceinture), des exercices visant à produire plus spécifiquement des forces de compression dans les ASI puissent être intégrés au programme de réhabilitation.

S’il est difficile à cause de la sévérité des symptômes d’obtenir une fenêtre thérapeutique suffisante, des stratégies infiltratives peuvent être discutées avec le patient et le médecin. Si le patient a déjà reçu une injection diagnostique positive (intra-articulaire, sous contrôle fluoroscopique, avec une amélioration d’au moins 80% des douleurs, si possible contrôlée), rappelons-nous qu’il n’est pas clair au regard de la littérature que celle-ci prédise une réponse favorable à une injection thérapeutique, bien que cela puisse sembler contre-intuitif. Cette donnée doit être fournie au patient afin de lui permettre de prendre une décision éclairée quant à cette intervention.

Tout au long de la prise en charge, il sera pertinent d’embrasser les dimensions cognitives, affectives et comportementales de l’expérience de la douleur par le patient car elles peuvent en moduler la sensibilité, et donc la sévérité. Permettre au patient de se rassurer quant à la gravité de sa situation et à l’innocuité du mouvement est susceptible d’ouvrir une autre fenêtre thérapeutique en le rendant plus à même d’accepter le mouvement et d’en avoir une expérience plus positive. De multiples stratégies sont envisageables (attitude positive, réassurance cognitive, exercices douloureux …) mais ce n’est pas le sujet ici. Néanmoins, à cet égard, le discours qui habillera nos choix thérapeutiques ainsi que nos différentes stratégies sera déterminant [18 – 25].

 « Tout ce qui change l’évaluation du danger par le cerveau change la douleur »
L. Moseley

Enfin, en cas d’échec d’amélioration objective et satisfaisante pour le patient par la kinésithérapie dans un délai qui devra être discuté dès le départ avec celui-ci et avec ses autres soignants, une arthrodèse pourra être envisagée (à condition qu’une injection diagnostique positive ait été obtenue au préalable). En revanche, je déconseillerais à un patient de subir une dénervation par radiofréquence.

POSTAMBULE

Bien, il est temps pour moi de tirer ma révérence après près de 2 années passées sur ce sujet. Néanmoins (oui je m’étends encore mais vous n’êtes plus à ça près n’est-ce pas ?), j’aimerais vous laisser avec quelques notions que j’ai pu retirer personnellement au-delà des données factuelles :

« C’est toujours plus complexe que ce qu’on pense »

  • Si ce travail m’a appris une chose c’est que lorsqu’on s’intéresse à « comment on sait ce qu’on sait », autrement dit « comment s’est construite notre connaissance », on s’aperçoit que rien n’est jamais aussi tranché et tout est toujours plus complexe que ce qu’on pourrait croire a priori. La conséquence de cela est que l’on devrait toujours se retenir d’être trop convaincu par ce qu’on pense être vrai, et donc on devrait éviter d’être trop attaché à nos croyances et à nos opinions du moment, afin d’être en mesure le jour venu où les connaissances évolueront de pouvoir changer notre fusil d’épaule et se ranger à la position la mieux argumentée. Du moins, si l’honnêteté intellectuelle et la volonté d’appréhender le Réel tel qu’il est et non pas tel que l’on voudrait qu’il soit sont des objectifs que l’on souhaite respecter (ce qui serait pertinent avec notre rôle de soignants et de proposer à nos patients les meilleurs soins).
  • Le corolaire de cela est que l’on devrait se méfier des vendeurs de simplicité. Si vous avez eu le courage de me lire jusqu’ici (et je m’en sens sincèrement honoré), j’espère avoir réussi à transmettre l’idée que tout n’est que nuance et contexte : une donnée ne devrait jamais être comprise en dehors du cadre théorique et méthodologique dans lequel elle a été établie. Ainsi, les « recettes » ont peu de chances d’approcher un tant soit peu la réalité d’un problème.
  • La Science peut être décevante. Imaginez ma frustration de ne pas pouvoir tirer de conclusion affirmée après 2 ans d’enquête sur ce sujet. Pourtant je sais bien que « c’est le jeu ma pauvre lucette ». En effet la méthode scientifique ne peut matériellement pas nous apporter toutes les réponses qu’on voudrait dès aujourd’hui. Il faut donc que nous soyons vigilants quant à nos attentes envers la Science : il s’agirait de ne pas lui demander l’impossible. Et ce d’autant plus que la recherche dans la médecine musculosquelettique est encore jeune !
  • Cependant, ma déception a été la plus forte en m’apercevant que, sur ce sujet au moins, le jeu de la méthode scientifique se base (trop) souvent sur un « téléphone arabe » abscons. Avant de tenir pour vraie une connaissance, nous devrions faire l’effort de remonter la piste de son établissement afin de s’assurer de sa validité. Nos collègues de Le Temps D’un Lapin, ont magistralement illustré ce point dans deux titres consacrés à la lombalgie non-spécifique que je ne peux que vous recommander d’écouter :
  • Au final, lorsque nous nous penchons sur un sujet de science, il faut nous attendre à entrer dans un dédale de nuances et de complexité dont nous ne ressortirons pas avec des réponses tranchées. Il me paraît donc judicieux d’adopter une posture de suspension de nos attentes et de suspension de notre jugement afin d’être en mesure d’accueillir de façon neutre la réalité de l‘état actuel des connaissances scientifiques.

MERCI PROFONDÉMENT DU TEMPS QUE VOUS AVEZ CONSACRÉ À ME LIRE.

Articles précédents :

Stratégies thérapeutiques pour les douleurs en lien avec les sacro-iliaques (Partie 1/3)

Stratégies thérapeutiques pour les douleurs en lien avec les sacro-iliaques (Partie 2/3)

Retour à la case départ :

Mise au point sur l’examen clinique des douleurs en lien avec les articulations sacro-iliaques (Partie 1)

 

Références : (par ordre d’apparition dans le texte)

  1. Rousseau L, Bacelon M. Facteurs psychosociaux, douleur et kinésithérapie. Kinésithér Rev 2017 Jun ;17(186):33-43
  2. Barker KL, Reid M, Minns Lowe CJ. Divided by a lack of common language? A qualitative study exploring the use of language by health professionals treating back pain. BMC Musculoskelet Disord. 2009 Oct 5;10:123
  3. Darlow B, et al. The Enduring Impact of What Clinicians Say to People With Low Back Pain. Ann Fam Med. 2013 Nov-Dec;11(6):527-34
  4. Howick J, et al. Effects of empathic and positive communication in healthcare consultations: a systematic review and meta-analysis. J R Soc Med. 2018 Jul;111(7):240-252
  5. Ferreira PH, et al. The Therapeutic Alliance Between Clinicians and Patients Predicts Outcome in Chronic Low Back Pain. Phys Ther. 2013 Apr;93(4):470-8
  6. Darlow B, et al. The association between health care professional attitudes and beliefs and the attitudes and beliefs, clinical management, and outcomes of patients with low back pain: A systematic review. Eur J Pain. 2012 Jan;16(1):3-17
  7. Gardner T, et al. Physiotherapists’ beliefs and attitudes influence clinical practice in chronic low back pain: a systematic review of quantitative and qualitative studies. J Physiother. 2017 Jul;63(3):132-143
  8. Nickel B, et al. Words do matter: a systematic review on how different terminology for the same condition influences management preferences. BMJ Open 2017;7:e014129
  9. Smith BE, et al. Should exercises be painful in the management of chronic musculoskeletal pain? A systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2017 Dec;51(23):1679-1687


Stratégies thérapeutiques pour les douleurs en lien avec les sacro-iliaques (Partie 2/3)

Aide à la relecture : Chloé Jarroir, Marguerite Dontenwille, Robin Vervaeke

Abréviations :

  • ASI : Articulations Sacro-Iliaques
  • DSI : Douleurs en lien avec les articulations Sacro-Iliaques
  • DPPG : Douleurs Pelviennes Postérieures en lien avec la Grossesse (supposément attribuées aux ASI)
  • ECR : Essai Contrôlé Randomisé
  • ODI : Oswestry Disability Index

Lors du précédent épisode, nous avons passé en revue les données relatives à l’efficacité de la kinésithérapie.

Nous allons dans ce volet explorer les autres options thérapeutiques ainsi que leurs preuves d’efficacité.

/!\ ALERTE GROS MORCEAU /!\

1) Injections (intra-/péri-articulaires) :

Deux revues systématiques exhaustives datant respectivement de 2012 et de 2015 concluent qu’il existe des preuves médiocres de l’efficacité des injections intra-articulaires de corticostéroïdes, péri-articulaires de corticostéroïdes, d’anesthésique local ou de toxine botulique. Il semble qu’il y ait peu d’événements indésirables associés à ces techniques.

Remarque : Il est intéressant de noter que d’après une autre revue systématique de 2015, il n’est pas encore clairement établi qu’une réponse positive à une injection diagnostique avec un anesthésiant local prédise la réponse à l’injection d’un agent thérapeutique.

Injection intra-articulaire guidée sous fluoroscopie de l’ASI droite (vue postérieure)

2) Neurotomie/Dénervation par radiofréquence (DRF) :

N.B. : La DRF est une technique invasive mais peu effractive consistant à insérer à travers la peau une électrode dans le tissu innervant une structure (ici, une articulation) afin de le détruire et d’interrompre toute communication, notamment nociceptive. Il existe plusieurs procédés (bipolaire, par refroidissement, pulsée). Plus d’informations ici.

Une revue systématique récente de la Cochrane de 2015 met en évidence que les 2 seules ECR contre placebo disponibles sont de faible qualité méthodologique et que les effets sur la douleur et la fonction à court terme ne sont pas significativement supérieurs à un placebo, et à moyen terme ont un effet de petite taille.

Une autre revue, plus récente (2017), avec méta-analyse aboutit cependant à des résultats différents. Mais le design des 7 études retenues est très hétérogène, avec seulement 2 ECR contre placebo : ceux-là même retenus par la Cochrane ! Les auteurs concluent à un effet significatif après l’intervention sur la douleur avec une amélioration des scores de douleur entre 3 et 4 points et sur la fonction avec une amélioration de 18 points sur l’Oswestry Disability Index (ODI), sans précision sur le maintien de ces bénéfices dans le temps.

Les données sur les complications sont également contradictoires entre ces 2 revues, la première rapportant des complications variées, et la deuxième rapportant des complications rares et mineures. La différence de résultats peut donc venir de l’inclusion d’études à plus haut risque de biais (4 études observationnelles rétrospectives) dans l’étude de 2017, de différences dans l’analyse statistique, dans l’interprétation des données …

En outre, un vaste ECR de 2017 a montré que la DRF associée à un programme d’exercices n’apportait pas significativement plus de bénéfices cliniques qu’un programme d’exercices standardisé seul chez des sujets lombalgiques chroniques avec des DSI seules ou associées à d’autres sites douloureux (confirmés par injections diagnostiques d’anesthésique local à courte durée d’action (lidocaïne) contrôlées par fluoroscopie avec soulagement de la douleur d’au moins 50% mais sans contrôle avec un anesthésique local à longue durée d’action). La technique de DRF était laissée au choix du médecin (par refroidissement ou bipolaire). Aucune information précise sur le contenu du programme d’exercices n’a pu malheureusement être trouvée.

En conclusion, étant donné l’absence d’effet cliniquement significatif dans les études les plus rigoureuses face à l’invasivité de la procédure, les complications potentiellement associées, la DRF ne devrait pas être recommandée aux patients.

Remarque : Il est intéressant de constater l’absence de preuves claires et significatives d’efficacité d’une thérapeutique dont le principe est de « désinnerver » la ou les structures supposées en lien avec les douleurs. En effet, si la structure était bien la source de la douleur, et si la technique interrompt bien la transmission nerveuse, alors on devrait constater une abolition complète, immédiate et définitive des symptômes. Or ce n’est pas ce que l’on observe ici ! ll y a des leçons à tirer de ce constat : ce n’est pas parce que nos prémisses semblent valides et logiques qu’elles peuvent prédire les résultats de l’expérimentation. Lorsque l’expérimentation ne corrobore pas les prédictions de notre théorie, alors il faut remettre en question soit la qualité de l’expérimentation soit nos prémisses (soit les deux à la fois). On peut questionner nos prémisses en se demandant :

  • La structure dénervée était-elle bien la seule à contribuer à la douleur ? Et si non, est-ce bien acceptable d’envisager de dénerver toutes les structures susceptibles d’y contribuer ?
  • L’expérience douloureuse ne dépend-elle que de cette structure ? D’autres facteurs indépendants de la structure supposément impliquée dans les douleurs peuvent-ils être impliqués dans l’expérience douloureuse ?
  • La technique a-t-elle bien le mécanisme d’action qu’on lui prête ?

Or, nous avons vu dans les épisodes précédents plusieurs structures anatomiques différentes étaient suspectées d’être en lien avec les DSI que ce soit dans le cadre de lombalgies chroniques dans le cadre de DPPG, ce qui expliquerait que le blocage de la transmission nerveuse autour de l’ASI seule, même de plusieurs branches nerveuses, ne suffise pas à abolir totalement les douleurs. Sauf qu’ici il ne s’agit pas juste d’une abolition incomplète des douleurs ! Dans l’ECR abordé ci-dessus, la DRF n’apportait pas davantage de bénéfices que les exercices. Ces résultats semblent cohérents avec les connaissances actuelles sur la neurophysiologie de la douleur persistante : les mécanismes aboutissant à une expérience douloureuse ne tiennent pas place uniquement dans la structure imputée. Des mécanismes neurophysiologiques en lien avec la plasticité du système nerveux périphérique et central participent également à l’expérience d’une douleur persistante, mécanismes sur lesquels les exercices physiques sont susceptibles d’agir au-delà de leur effet sur les structures anatomiques et la biomécanique (ce point ne sera pas plus développé ; plus d’informations ici, ici, ici, et ici).

3) Chirurgie :

2 revues systématiques datant respectivement de 2015 et 2016 sur la chirurgie des affections des ASI (arthrodèse, ou « fusion », invariablement) ont été identifiées. Aucune de ces revues n’a identifié d’essais comparatifs contrôlés, et elles n’ont retenu que des études observationnelles (séries de cas, cohortes prospectives ou rétrospectives).

Exemples d’arthrodèses : en haut : par vis ; en bas : par implants triangulaires

Dans ce type d’études, le bénéfice de la chirurgie n’a été évalué que par rapport à l’état antérieur de l’échantillon, et non comparativement à une autre intervention, notamment non-chirurgicale, comme ce serait attendu pour pouvoir juger de la supériorité de la chirurgie et donc éventuellement de la nécessité réelle d’une procédure aussi invasive.

La revue de 2016 s’est néanmoins payée le luxe de réaliser une méta-analyse, qui conclut à un effet significatif de la chirurgie sur la douleur (environ -5/10 à l’EVA ; Figure 7), ainsi que sur la fonction et la qualité de vie, mesurées avec l’ODI et le Short-Form-36 (SF-36).

Figure 7 :
Forest plot pour l’EVA

Heureusement, 2 ECR multicentriques postérieurs à ces revues ont pu être identifié.

Le premier dont nous parlerons est un ECR ayant réuni 9 centres en Europe et ayant donné lieu à trois publications à l’occasion du suivi à 6 mois, à 12 mois et à 24 mois [2].

Dans cette étude, les sujets inclus souffraient de douleurs lombo-pelvi-fémorales persistant depuis plus de 6 mois, ou depuis plus de 18 mois si le déclenchement de ces douleurs était en lien avec la grossesse (pas de justification donnée dans le protocole de l’étude, mais étant donné le pronostic spontanément favorable des DPPG à 1 an, ce délai paraît pertinent en considérant que celles ne s’étant pas améliorées à cette date ont une probabilité élevée de ne pas s’améliorer davantage avec davantage de temps). En moyenne, les participants présentaient leurs symptômes depuis près de 5 ans. Ils ont été inclus s’ils présentaient un niveau de douleur d’au moins 50/100 à l’EVA (entre 70 et 80 en moyenne), et un score fonctionnel à l’ODI d’au moins 30/100.

Le processus diagnostique de DSI était le suivant (cf. appendice de l’article) :

  1. Douleur dans la région de Fortin : à 1 cm en distal et en médial par rapport à l’EIPS, donc en regard de l’ASI (Fortin Finger Test, ou « test du pointage du doigt », positif) ;
  2. Au moins 3 tests de provocation des DSI positifs parmi les tests suivants : test du ligament sacro-iliaque dorsal long, test de FABER, test en compression, test du thrust fémoral, test de torsion pelvienne (de Gaenslen), et Lasègue actif (ASLR) ;

De gauche à droite et de haut en bas : palpation du ligament dorsal long ; test de FABER ; test en compression, test du 4P (thrust fémoral), test de torsion pelvienne ; Lasègue actif

  1. Réduction de la douleur d’au moins 50% à l’injection intra-articulaire guidée par fluoroscopie d’un anesthésique local (bupivacaïne).

Remarques sur ces points :

  1. Le test de pointage de la région douloureuse initialement décrit par Fortin a une valeur diagnostique médiocre face à la référence standard (RS) (soulagement d’au moins 90% après injection intra-articulaire d’anesthésique local et d’un corticoïde) dans une étude de bonne qualité (QUADAS : 10/14) de Dreyfuss datant de 1996. Avec une sensibilité de 76% (près d’un quart de faux négatifs lorsque la RS est positive) et une spécificité de 47% (près de la moitié de faux positifs lorsque la RS est négative), son ratio de vraisemblance positif n’est que de 1,4 (aucun gain de probabilité significatif). Autrement dit, que ce test soit positif ne nous renseigne pas sur l’implication des ASI dans les douleurs, ce qui est pertinent avec la localisation la plus fréquente des DSI confirmées par injection diagnostique, à savoir : en regard de la région de l’ischion.
  2. Heureusement, les auteurs ont eu la clairvoyance de ne pas se contenter de ce seul test et ont utilisé une combinaison de différents tests de provocation dont 3 au moins devaient être positifs pour envisager l’implication des DSI, ce qui est cohérent avec les meilleures preuves disponibles actuellement sur le diagnostic clinique des DSI. Sauf que cette combinaison n’a jamais été validée pour sa précision diagnostique alors même que d’autres combinaisons, elles validées, pré-existaient à cette étude (celles de Laslett et van der Wurff en l’occurrence). Certes 3 des 6 tests de provocation retenus ici l’ont également été dans les meilleures combinaisons validées (thrust fémoral, test de compression, test de torsion pelvienne), mais à en croire les photographies, 2 de ces tests n’ont pas été réalisés dans les conditions pour lesquelles ils ont été le mieux validés pour leur précision diagnostique :
    • le test de torsion pelvienne est réalisé en latérocubitus et non en décubitus, limitant ainsi la force qu’il est possible de transférer par le praticien dans le bassin. Mais surtout, cette position ne permet pas de contrôler la position du rachis lombaire lors de l’application de la force par l’examinateur, qui a tendance à bouger en extension. Cela est susceptible de générer de faux positifs aux tests si une douleur lombaire référée est produite et interprétée comme provenant des ASI ;
    • le test de compression n’est pas réalisé avec les hanches et les genoux fléchis ; dans cette position, le sujet est moins stable : le tronc peut tourner lorsque l’on va appliquer la force verticale à la partie antéro-externe de la crête iliaque, altérant là aussi la quantité de force transférable par le praticien, ce qui peut aboutir à des faux négatifs.

Par ailleurs, le thrust du fémur a été réalisé conformément à sa description pour les DPPG (test du 4P, cf. blogs précédents) : sans contreprise sous le sacrum, et donc avec moins de force transférée par rapport à la version pour les DSI chez des sujets souffrant de lombalgie chronique. Cependant, cette version du test manque de précision diagnostique et n’a par ailleurs pas été validée en combinaison. En outre, si chez des femmes enceintes souffrant de DPPG cette version suffit à reproduire la douleur, cela n’est pas garanti chez ceux souffrant de DSI dans le cadre de lombalgies chroniques. Réalisé ainsi dans le processus d’inclusion des participants, le risque est donc que ce test ne soit positif que pour les femmes souffrant de DPPG et aurait plus tendance à être négatif chez les autres.

En outre, il est surprenant que les auteurs aient retenu le test de la palpation du ligament sacro-iliaque dorsal long, sachant qu’aucune donnée probante sur sa valeur diagnostique valable n’est disponible (à ma connaissance). En effet, seuls sont accessibles une étude publiée dans une revue qui n’a rapporté que sa sensibilité – ce qui est insuffisant pour déterminer la précision diagnostique réelle d’un test (car pas testé dans un groupe n’ayant PAS la pathologie recherchée) – et un poster qui a rapporté à la fois sensibilité et spécificité mais ces résultats n’ont pas fait l’objet d’une publication dans une revue à comité de relecture par les pairs. Ces résultats, obtenus chez des femmes souffrant de DPPG, n’ont pas non plus été reproduits. Enfin, deux autres études (ici et ici) ont évalué sa précision diagnostique (seul et combinaison avec d’autres tests) dans des populations de sujets souffrant de spondyloarthropathie, populations ne correspondant pas à celle de cet essai. Les valeurs issues de ces études ne peuvent donc pas être prises en compte pour déterminer l’utilité diagnostique de ce test dans la population de cette étude.

Une autre étude, réalisée cette fois chez des sujets souffrant de lombalgies chroniques, a cherché à déterminer la valeur de la sensibilité à la palpation du sillon sacré (où l’on est censé palper le ligament SI dorsal long), seule ou en combinaison avec d’autres signes cliniques (test de pointage de Fortin par exemple) pour le diagnostic de DSI en comparant ce test à une référence standard rigoureuse (injection diagnostique intra-articulaire avec soulagement de la douleur d’au moins 90%). En aucune façon ce test, réalisé seul ou en combinaison, n’avait de valeur diagnostique sous ces conditions expérimentales (les RV étaient tous proches de 1). On ne peut qu’en conclure que les auteurs ont choisi arbitrairement d’intégrer ce test à la combinaison.

Il me semble que l’on peut néanmoins retenir de cette combinaison de test qu’elle a été construite pour inclure dans l’étude les cas de DSI au sens large en intégrant à la fois des tests pour les DSI chez des patients lombalgiques chroniques (test de torsion pelvienne, test en compression, test de FABER) et des tests pour les femmes souffrant de DPPG (palpation du ligament sacro-iliaque dorsal long, test du 4P et Lasègue actif (ASLR). Or, cela semble pertinent au regard de la population inclue dans l’étude.

  1. Enfin, avant de procéder à un geste invasif et irrémédiable qu’est une chirurgie, les auteurs ont également eu la clairvoyance de ne pas se contenter de ces tests et de procéder à une confirmation du diagnostic par un soulagement d’au moins 50% de la douleur après une injection intra-articulaire d’un anesthésique local. Le produit utilisé était majoritairement la bupivacaïne, un agent anesthésique à longue durée d’action dont nous avons déjà parlé. Sauf que la meilleure référence standard diagnostique actuelle pour une DSI est un soulagement de 80% de la douleur, et un contrôle de l’effet placebo par l’injection d’un anesthésique local à courte durée d’action puis de l’injection d’un anesthésique local à longue durée d’action. En effet, les blocs diagnostiques non-contrôlés ont un taux de faux positifs de 20% ; autrement dit, 1 injection diagnostique sans contrôle sur 5 est positive alors que 1) elle ne l’aurait probablement pas été s’il y avait eu un contrôle 2) l’ASI n’est pas la structure en lien avec les symptômes [3, 4].
  2. Malheureusement, aucune procédure d’examen physique du rachis lombaire n’a été décrite, et ne semble donc pas avoir été réalisée, afin d’exclure une implication (totale ou partielle) de celui-ci dans la symptomatologie. On peut donc s’attendre à ce que des participants présentent de moins bons résultats si la région anatomique majoritairement impliquée dans les douleurs était les lombaires et n’aura pas été adéquatement traitée, ce qui est susceptible de biaiser les résultats. Néanmoins, la randomisation ayant pour but d’homogénéiser les groupes, ce biais serait lissé entre les 2 groupes et aurait peu de chances d’influencer les différences entre les résultats. En outre, même si les auteurs précisent que les patients avec d’autres causes de douleur lombaire sévère ont été exclus, aucune précision n’est faite sur la nature de ces causes ni du processus d’exclusion. D’ailleurs, l’étude ayant été réalisée dans 9 centres répartis en Europe, il n’est pas du tout certain que ce processus d’exclusion ait été standardisé et soit homogène entre ces centres. Au final, si une participation lombaire dominante a été manquée, des participants auront été opérés d’une ASI peu ou pas symptomatique, ce qui est éthiquement discutable.

En définitive, bien que critiquable au regard des meilleures procédures disponibles, notamment au vu de l’absence d’évaluation physique spécifique du rachis lombaire et de l’absence de contrôle à l’injection diagnostique, la démarche diagnostique utilisée par les auteurs reste relativement rigoureuse et respecte les standards de l’IASP pour le diagnostic de DSI [5].

N.B. : Je vous renvoie à nouveau vers les blogs précédents pour plus de précisions sur la meilleure référence standard disponible, la signification des valeurs clinimétriques, ainsi que les meilleurs tests orthopédiques disponibles, et leurs critiques respectives.

Concernant la présentation clinique, il est à noter que près de 80% souffraient de douleurs irradiant dans le membre inférieur mais sans descendre sous le genou, et plus de la moitié souffraient de douleurs dans l’aine, ce qui est cohérent avec les schémas habituels de DSI. Aucun détail n’est donné sur la proportion de sujets présentant des douleurs en regard de la colonne lombaire seules ou en association avec les autres zones de douleur que nous venons d’évoquer.

Au moins les 2/3 présentaient une douleur à la position assise, une douleur en se levant de la position assise, une douleur en marchant, une douleur en montant les escaliers. Bien qu’informatif, ce démembrement des douleurs lors des activités n’a pas grand intérêt tant que l’on ignore le caractère constant ou intermittent de la douleur, ce qui n’est pas précisé. En effet, si la douleur est constante, il n’est pas surprenant de retrouver cette douleur lors de toutes les activités considérées ! Si la douleur avait été intermittente, il aurait été intéressant de savoir quelles activités la déclenchaient mais aussi celles qui ne la déclenchaient pas.

Dans cette étude ont été comparés un groupe « chirurgie » (n=52) ayant subi une arthrodèse (« fusion ») sacro-iliaque mini-invasive par implant, et un groupe « conservateur » (n=51) a reçu une approche non-chirurgicale multidimensionnelle basée sur les recommandations de 2008 pour le traitement des douleurs pelviennes en post-partum constitué :

  • d’une adaptation du traitement médicamenteux ;
  • de kinésithérapie « intensive » à raison de 2 séances par semaine pendant au moins 8 semaines, constituée de mobilisations (pas plus de précisions) et d’exercices de stabilisation (définition d’après les recommandations de 2008 : « un exercice de stabilisation a pour objectif de contrôler les segments lombaires et les articulations pelviennes de façon dynamique en activant la musculature locale en coordination avec la musculature globale. Ces exercices sont efficaces lorsque la ceinture pelvienne est adéquatement comprimée au moment de la mise en contrainte. »).

Environ 90% des participants ont réalisé au moins 10 séances (près de 25 séances réalisées en moyenne).

  • d’information et de réassurance (pas plus de précisions)

± Séances de Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC), mais cette approche n’était pas accessible dans chaque centre, ce qui peut expliquer que 50% des participants n’a suivi aucune séance, et environ 30% a réalisé entre 2 et 10 séances.

Les critères de jugement étaient les suivants :

  • Critère principal :
    • Intensité perçue de la douleur lombaire (EVA/100)
  • Critères secondaires : (liste non-exhaustive)

Avec des suivis à 1, 3, 6, 12 et 24 mois.

Remarques d’ordre général :

Nous avons vu dans les épisodes précédents de cette série d’articles sur les DSI que l’on distinguait les DSI chez des sujets souffrant de lombalgie chronique et celles chez des femmes enceintes ou en post-partum car leur évaluation, leur pronostic et leur prise en charge différaient.

Or, les auteurs ont attribué aux mêmes stratégies thérapeutiques des sous-groupes différents souffrant de DSI a priori de nature différente. Ce parti pris est intéressant car il peut permettre de remettre en perspective la façon dont nous devrions concevoir la prise en charge de DSI persistantes à plus d’un an chez des femmes après une grossesse : peut-être que les DSI chez ces patientes devraient être considérées non plus comme des DPPG mais comme des DSI au même titre que celles de patients souffrant de lombalgies chroniques.

D’ailleurs, les auteurs ont utilisé la même batterie de tests de provocation pour chaque population alors que nous avons déjà vu que les meilleurs tests existant chez pour le diagnostic clinique des DSI chez des sujets souffrant de lombalgies chroniques n’ont pas été validés chez les femmes souffrant de DPPG, et que des tests spécifiques à cette dernière population existent (même si leur validité diagnostique reste à être confirmée).

Réciproquement, les auteurs ont utilisé le test du « Active straight leg raise » (ASLR) de Mens, ou « test de Lasègue actif », pour évaluer les limitations fonctionnelles en lien avec les DSI alors qu’il s’agit d’un test validé uniquement pour les DPPG et non pour les DSI dans le cadre de lombalgies chroniques.

Enfin, il est à remarquer que, comme nous l’avons (encore) déjà dit dans la série d’article destinée aux DPPG, la référence standard diagnostique qu’est l’injection intra-articulaire d’anesthésique local n’a – à ma connaissance – jamais été réalisée auparavant chez des femmes enceintes ou en post-partum ; des critères standards étaient utilisés pour poser le diagnostic, toujours conformément aux recommandations de 2008. Aucune précision n’est faite sur une différence de processus diagnostique entre les femmes souffrant de DSI en lien avec la grossesse depuis plus d’un an et demi et les sujets souffrant de lombalgies chroniques ; il est donc légitime de considérer qu’il s’agit de la première étude – à ma connaissance – ayant réalisé des injections diagnostiques chez des femmes souffrant de DPPG. Bien qu’aucune donnée brute ne soit malheureusement disponible, nous sommes enfin légitimes à considérer (d’après les critères d’inclusion) que des femmes avec des DPPG peuvent répondre aux injections diagnostiques au même titre que d’autres participants souffrant de DSI dans le cadre de lombalgies chroniques. Cette donnée devrait inciter les prochains chercheurs qui évalueront la précision de tests cliniques pour les DPPG persistant depuis plus d’un an et demi à utiliser la référence standard diagnostique qu’est l’injection intra-articulaire, peut-être en combinaison avec les critères diagnostiques standards pré-existant.

En définitive, toutes ces données semblent converger dans le sens d’un parti pris des auteurs de considérer les femmes souffrant de DPPG non-spontanément résolutive à 1 an et demi comme n’importe quel autre sujet souffrant de DSI persistante. Une hypothèse alternative au traitement identique de ces deux populations, en contradiction avec les données pré-existantes, aurait pu être un manque de connaissance des auteurs dans le domaine particulier des DPPG. Cependant, cela est peu probable étant donné qu’ils avaient bien connaissance des recommandations de 2008 et qu’ils ont bien utilisé l’ASLR de Mens comme un test fonctionnel et non comme un test diagnostique (cf. blog consacré).

Résultats : les analyses ont été effectuées en intention-de-traiter

Inutile de tourner autour du pot : globalement, une amélioration significativement supérieure de la plupart des critères de jugement a été observée dans le groupe « arthrodèse » comparativement au groupe « conservateur » (douleur dans le dos, dans la jambe, scores fonctionnels, périmètre de marche, niveaux de satisfaction, utilisation d’opioïdes …) sauf sur la qualité de vie (EQ-5D) (Figure 8).

Douleur lombaire (EVA/100) Douleur
dans le MI (EVA/100)
ODI
(score/100)
EQ-5D
(EVA/100)
EQ-5D
time-trade-off
(/1)
Chir Cons D Chir Cons D Chir Cons D Chir Cons D Chir Cons D
À 6 mois -43 -6 37* -30 -1 29* -25 -5 20* +2 +22 20 +0,4 +0,1 0,3
À 12 mois -42 -14 28* -29 -6 23* -25 -9 16* +15 +24 9 +0,4 +0,2 0,2
À 24 mois -45 -11 45* -32 -8 24* -26 -8 18* ? ? ? +0,4 +0,15 0,25

Figure 8 :
Tableau de synthèse des résultats au fil du temps pour les principaux critères de jugement
(les résultats ont été arrondis pour une meilleure lisibilité)
[Chir = groupe « arthrodèse » : Cons = groupe contrôle ;
D = différence en valeur absolue ;
* = différence significative entre les 2 groupes (p < 0,0001)]

Les principaux critères de jugement (EVA pour la douleur lombaire et dans le membre inférieur et ODI) suivent le même schéma d’amélioration (Figure 9), avec une amélioration du groupe chirurgie qui était significativement supérieure à celle du groupe conservateur à tout point de l’étude, la majorité du bénéfice ayant été obtenu dès le premier suivi et resté stable à 2 ans.

Cependant, en moyenne, une abolition totale de la douleur lombaire n’est obtenue dans aucun groupe. Dans le groupe chirurgie, l’intensité perçue de la douleur est presque divisée par 2, alors que dans le groupe ayant reçu une approche conservatrice, le bénéfice obtenu sur la douleur est minime par rapport à son niveau de départ.

Figure 9 :
Evolution du score à l’EVA (/100) de la douleur lombaire (orange) et de la douleur irradiant dans le membre inférieur (bleu) pour chaque groupe (ligne continue : groupe chirurgie ; ligne pointillée : groupe conservateur) au fil de l’étude

Remarques :

  • Dans le papier de 2019 rapportant les résultats à 2 ans, les données brutes au suivi à 24 mois ne sont pas accessibles ; elles ne le sont que dans le texte et de façon parcellaire.
  • Concernant la qualité de vie (EQ-5D) :
    • Les auteurs concluent dans chaque papier à une importante différence en faveur de la chirurgie, sauf que d’après les valeurs rapportées dans le papier de 2017, cette différence n’était pas significative à 1 an (p > 0,0001 pour EQ-5D-EVA et EQ-5D-TTO), et aucune précision n’est faite sur la significativité des résultats dans le papier de 2019.
    • Les couleurs du graphique pour l’EQ-5D-VAS sont inversées par rapport aux données de 2017, ce qui présente les résultats de façon avantageuse pour la chirurgie alors que l’amélioration est en fait dans le groupe conservateur :

Comparaison entre les valeurs de 2017 en haut, et le graphique de 2019 en bas
(en vert : groupe chirurgie « SIJF », en bleu groupe conservateur « CM »)

  • Comme dans les études de Shrear et Monticone, le test de l’ASLR a servi de marqueur fonctionnel (ce pour quoi il a été validé, rappelons-le), de même que les tests de provocation (mais dont on ignore l’identité). On observe pour ces marqueurs une amélioration supérieure dans le groupe chirurgie (Figure 10). À la lumière de ces études, on peut conclure qu’il est possible d’envisager d’utiliser les tests reproduisant les DSI comme des marqueurs fonctionnels en pratique clinique. Néanmoins, leur sensibilité au changement reste à être évaluée formellement afin de s’assurer de leur capacité en pratique à détecter l’amélioration ou la détérioration du statut fonctionnel du patient.

Figure 10 :
Evolution du score de l’ASLR au fil des suivis

  • Une modeste proportion de patients du groupe conservateur (environ ¼) a atteint les seuils d’amélioration clinique pour la douleur lombaire et l’ODI, ce qui signifie qu’une certaine proportion peut quand même bénéficier de la kinésithérapie, mais aucune donnée n’est disponible afin de définir les caractéristiques d’un éventuel sous-groupe particulier des patients souffrant de DSI chroniques « répondeurs » à la kinésithérapie.
  • Après 6 mois, les participants du groupe « conservateur » étaient autorisés s’ils le souhaitaient à recevoir l’intervention chirurgicale. Ces patients (crossover: n=21, soit près de la moitié (43%) du groupe conservateur), qui avaient des scores de douleur plus élevés et des scores fonctionnels et de qualité de vie plus faibles (plus haute sévérité clinique) que le reste du groupe, n’avaient pas vu leur état s’améliorer avant la chirurgie, et se sont améliorés après l’arthrodèse dans la même proportion que ceux qui avaient été attribués initialement au groupe « chirurgie ».
  • Le traitement conservateur s’est étendu sur une moyenne de 25 séances. Il est possible que le nombre de séances réalisées et la durée du traitement conservateur aient été insuffisants pour obtenir des résultats plus significatifs. Cela restera impossible à juger tant qu’une étude comparative n’évaluera pas la différence d’efficacité entre deux posologies très différentes d’un même programme, sachant que cela peut poser problème sur le plan éthique (perte de chance pour un groupe).
  • Les analyses des résultats par sous-groupes montrent qu’il n’y a pas de différence de résultats entre les patientes dont la douleur est liée à la grossesse et les autres participants. Cette donnée permet de soutenir l’hypothèse selon laquelle les femmes souffrant de DPPG depuis plus de 18 mois devraient être considérées cliniquement comme n’importe quel autre patient souffrant de DSI chronique.

Dans les 6 premiers mois, 34 événements indésirables (EI) ont été rapportés sans différence significative entre les groupes, avec 20 EI dans le groupe chirurgie et 17 dans le groupe conservateur. A 2 ans, 39 EI sévères ont été rapportés dans le groupe chirurgie dont 4 seulement sont attribués à la procédure chirurgicale ou au matériel (2 augmentations des DSI, 1 hématome glutéal, 1 douleur radiculaire liée à un conflit avec le matériel et améliorée par une reprise chirurgicale), et 27 EI ont été rapportés dans le groupe conservateur.

Faiblesses et limitations :

  • La première faiblesse est que le contenu exact des séances de kinésithérapie, bien que manifestement standardisé, n’a pas été décrit : on ignore quelles mobilisations ont été réalisées (quelle articulation, quelle direction, quel objectif etc.) et ce qui est précisément entendu par « exercices de stabilisation ».
  • Une autre faiblesse de cette étude est l’absence de groupe « chirurgie factice » qui aurait permis d’évaluer la part de l’effet placebo dans le bénéfice clinique de la chirurgie. En effet, de nombreuses études ont déjà montré que les effets contextuels sont majeurs dans les interventions chirurgicales qui ont été testées (arthroscopies de décompression subacromiale, de méniscectomie partielle sur déchirure dégénérative …), et correspondaient même à la majeure partie de l’effet observé [6 – 14].
  • De plus, comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, près de la moitié (43%) des participants du groupe conservateur a basculé dans le groupe chirurgie et a subi une arthrodèse après les 6 mois obligatoires de traitement kinésithérapique initial, ce qui, en réduisant la taille de l’échantillon, peut biaiser les résultats pour le groupe conservateur [15].
  • Enfin, le dernier inconvénient de cette étude, et pas des moindres, est qu’elle a été sponsorisée par le fabricant des implants utilisés pour les arthrodèses, qui a financé les organismes dont dépendaient les auteurs afin de soutenir les besoins en équipement et en personnel. Bien que les auteurs, dont 5 co-auteurs sur les 9 ont un lien avec le fabriquant, soutiennent qu’il s’agisse d’une pratique courante dans les études sponsorisées, ce dernier a également « aidé » au contrôle et à l’analyse des données, et a proposé une ébauche de l’article. Il n’est donc pas exclu que les données aient pu être volontairement traitées de façon à les rendre avantageuses pour la chirurgie (notamment au niveau de l’attribution causale des événements indésirables au geste chirurgical) et donc pour le fabriquant. Il ne faut cependant pas rejeter ces données « par principe » et jeter le bébé avec l’eau du bain. Il faut simplement considérer les résultats tels qu’ils sont tout en gardant des réserves et suspendre son jugement en attendant de nouvelles études qui viendront valider ou invalider ces résultats.

En conclusion, d’après cette étude, tandis que le traitement conservateur n’a pas apporté d’amélioration cliniquement pertinente sauf pour une minorité de patients, la chirurgie apparaît être une stratégie thérapeutique pertinente pour les sujets souffrant de douleurs identifiées comme en lien avec les ASI persistant depuis plus de 4 ans, bien que celle-ci ne semble pas permettre pour autant d’obtenir une abolition complète des symptômes douloureux (ce dont il faut informer les patients).

Bien que méthodologiquement bien construit, des limitations importantes de cet essai incitent à la prudence, et de nouvelles études indépendantes, contre placebo et avec un groupe conservateur dont le détail des interventions kinésithérapiques sont précisément décrites, sont requises avant de pouvoir trancher sur la supériorité de la chirurgie.

Les résultats du second ECR, publié en 2016 ne seront pas pris en compte ici [16].

Cet ECR a comparé une chirurgie mini-invasive par implants triangulaire et une approche conservatrice. Cette dernière incluait de la kinésithérapie qui non seulement était basée sur des recommandations datant de 1990, comme si aucune donnée plus actuelle n’était disponible, et dont la posologie n’a pas été précisée. Donc, même si tous les participants du groupe conservateur sauf 1 ont reçu de la kiné, on ignore si ce qui a été fait par les kinésithérapeutes dans cet étude a été standardisé et contrôlé, et on ne sait pas non plus combien de séances ont été réalisées, à quelle fréquence ni sur quelle durée ! De plus, d’autres interventions étaient disponibles dans cette approche conservatrice en parallèle de la kinésithérapie, à savoir : injections et dénervation radiofréquence, sachant que plus des 2/3 des participants ont reçu au moins une injection, et plus de la moitié ont reçu une DRF. Autrement dit, aucune des conclusions qui pourront être tirées du bénéfice de l’approche conservatrice ne pourront clairement être attribuées à la kinésithérapie, ce qui par conséquent ne nous intéresse pas ici.

Par ailleurs, les participants ont été répartis dans les 2 bras de l’étude avec un ratio de 2 pour 1 en faveur du groupe chirurgie (autrement dit, il y avait 2 fois plus de participants dans le groupe chirurgie que dans le groupe conservateur dès le départ) et ce sans justification de la part des auteurs. En outre, comme dans le précédent ECR dont nous avons parlé, un passage du groupe conservateur au groupe chirurgie après 6 mois de traitement initial a été permis sauf que c’est près de 90% du groupe conservateur qui a finalement reçu la chirurgie, ne laissant que 5 participants sur 44 dans le groupe conservateur ! Les résultats à long terme de l’approche conservatrice avec échantillon aussi faible ne devraient pas être pris sérieusement en considération.

En outre, il faut remarquer que la méthodologie de cet ECR, ainsi même que la formulation de l’article sont très similaires à celle de l’ECR précédemment abordé, ce qui est surprenant sachant qu’il s’agissait de 2 équipes de recherche différentes. Cependant, le point commun entre ces 2 études est qu’elles ont été sponsorisées par le même fabriquant du matériel d’arthrodèse ayant servi dans ces études (SI-BONE). Autrement dit, je ne pense pas trop me tromper en suggérant que le fabriquant aurait mâché le travail de ces 2 équipes tant sur la méthodologie que sur l’écriture de l’article. Et cela devrait nous inquiéter quant à la façon dont les données ont pu être éventuellement traitées pour valoriser la chirurgie.

SUITE : Stratégies thérapeutiques (Partie 3)

 

Article précédent :

Stratégies thérapeutiques pour les douleurs en lien avec les sacro-iliaques (Partie 1/3)

 

Bibliographie : (par ordre d’apparition)

  1. Dengler JD, et al. 1-Year Results of a Randomized Controlled Trial of Conservative Management vs. Minimally Invasive Surgical Treatment for Sacroiliac Joint Pain. Pain Physician. 2017 Sep;20(6):537-550 ; Dengler J, et al. Randomized Trial of Sacroiliac Joint Arthrodesis Compared with Conservative Management for Chronic Low Back Pain Attributed to the Sacroiliac Joint. J Bone Joint Surg Am. 2019 Mar 6;101(5):400-411
  2. Simopoulos TT, et al. A Systematic Evaluation of Prevalence and Diagnostic Accuracy of Sacroiliac Joint Interventions. Pain Physician 2012; 15:E305-E344
  3. Simopoulos TT, et al. Systematic Review of the Diagnostic Accuracy and Therapeutic Effectiveness of Sacroiliac Joint Interventions. Pain Physician 2015; 18:E713-E756
  4. Merskey H, Bogduk N. Classification of Chronic Pain: Descriptions of Chronic Pain Syndromes and Definitions of Pain Terms, 2nd ed. Seattle: IASP Press; 1994
  5. Jonas WB, et al. To what extent are surgery and invasive procedures effective beyond a placebo response? A systematic review with meta-analysis of randomised, sham controlled trials. BMJ Open 2015;5:e009655
  6. Louw A, et al. Sham Surgery in Orthopedics: A Systematic Review of the Literature. Pain Medicine 2016; 0: 1–15
  7. Khan M, et al. Surgery for shoulder impingement: a systematic review and meta-analysis of controlled clinical trials. CMAJ Open. 2019 Mar 7;7(1):E149-E158
  8. Lähdeoja T, et al. Subacromial decompression surgery for adults with shoulder pain: a systematic review with meta-analysis. Br J Sports Med. 2019 Jan 15. pii: bjsports-2018-100486
  9. Karjalainen TV, et al. Subacromial decompression surgery for rotator cuff disease. Cochrane Database Syst Rev. 2019 Jan 17;1:CD005619
  10. Khan M, et al. Arthroscopic surgery for degenerative tears of the meniscus: a systematic review and meta-analysis. CMAJ. 2014 Oct 7;186(14):1057-64
  11. Thorlund JB. Deconstructing a popular myth: why knee arthroscopy is no better than placebo surgery for degenerative meniscal tears. Br J Sports Med. 2017 Nov;51(22):1630-1631
  12. Sihvonen R, et al. Arthroscopic partial meniscectomy versus placebo surgery for a degenerative meniscus tear: a 2-year follow-up of the randomised controlled trial. Ann Rheum Dis. 2018 Feb;77(2):188-195
  13. Abram SGF, et al. Arthroscopic partial meniscectomy for meniscal tears of the knee: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2019 Feb 22. pii: bjsports-2018-100223
  14. Lee MC. The Opaque Sacroiliac Joint: Commentary on an article by Julius Dengler, MD, et al.: « Randomized Trial of Sacroiliac Joint Arthrodesis Compared with Conservative Management for Chronic Low Back Pain Attributed to the Sacroiliac Joint ». J Bone Joint Surg Am. 2019 Mar 6;101(5):e19
  15. Polly DW, et al. Two-year outcomes from a randomized controlled trial of minimally invasive sacroiliac joint fusion vs. non-surgical management for sacroiliac joint dysfunction. Int J Spine Surg. 2016;10:28